[4,4b] Νῦν δ´ ἡμεῖς οὐκ ἴσμεν, ὅτι καὶ αὐτοὶ ἄλλον τρόπον
ὅμοιοι τοῖς πολλοῖς γινόμεθα. ἄλλος φοβεῖται, μὴ οὐκ
ἄρξῃ· σύ, μὴ ἄρξῃς. μηδαμῶς, ἄνθρωπε. ἀλλ´ ὡς καταγελᾷς τοῦ φοβουμένου
μὴ ἄρξαι, οὕτως καὶ σαυτοῦ καταγέλα. οὐδὲν γὰρ
διαφέρει ἢ διψῆν πυρέσσοντα ἢ ὡς
λυσσώδη ὑδροφόβον εἶναι. ἢ πῶς ἔτι δυνήσῃ εἰπεῖν τὸ
τοῦ Σωκράτους ‘εἰ ταύτῃ φίλον τῷ θεῷ, ταύτῃ
γινέσθω’; δοκεῖς, Σωκράτης εἰ ἐπεθύμει ἐν Λυκείῳ ἢ
ἐν Ἀκαδημείᾳ σχολάζειν καὶ διαλέγεσθαι καθ´ ἡμέραν
τοῖς νέοις, εὐκόλως ἂν ἐστρατεύσατο ὁσάκις ἐστρατεύσατο; οὐχὶ δ´ ὠδύρετ´ ἂν
καὶ ἔστενεν ‘τάλας ἐγώ, νῦν
ἐνθάδ´ ἀτυχῶ ἄθλιος δυνάμενος ἐν Λυκείῳ ἡλιάζεσθαι’;
τοῦτο γάρ σου τὸ ἔργον ἦν, ἡλιάζεσθαι; οὐχὶ
δὲ τὸ εὐροεῖν, τὸ ἀκώλυτον εἶναι, τὸ ἀπαραπόδιστον;
καὶ πῶς ἂν ἔτι ἦν Σωκράτης, εἰ ταῦτα ὠδύρετο; πῶς
ἂν ἔτι ἐν τῇ φυλακῇ παιᾶνας ἔγραφεν;
Ἁπλῶς οὖν ἐκείνου μέμνησο, ὅτι, πᾶν ὃ ἔξω τῆς
προαιρέσεως τῆς σαυτοῦ τιμήσεις, ἀπώλεσας τὴν προαίρεσιν. ἔξω δ´ ἐστὶν οὐ
μόνον ἀρχή, ἀλλὰ καὶ ἀναρχία, οὐ μόνον ἀσχολία, ἀλλὰ καὶ σχολή. ‘νῦν οὖν ἐμὲ
ἐν τῷ θορύβῳ τούτῳ διεξάγειν.’ τί λέγεις θορύβῳ; ἐν
πολλοῖς ἀνθρώποις; καὶ τί χαλεπόν; δόξον ἐν Ὀλυμπίᾳ
εἶναι, πανήγυριν αὐτὸν ἥγησαι. κἀκεῖ ἄλλος ἄλλο τι
κέκραγεν, ἄλλος ἄλλο τι πράσσει, ἄλλος τῷ ἄλλῳ ἐνσείεται. ἐν τοῖς βαλανείοις
ὄχλος· καὶ τίς ἡμῶν οὐ χαίρει τῇ πανηγύρει ταύτῃ καὶ ὀδυνώμενος αὐτῆς
ἀπαλλάσσεται; μὴ γίνου δυσάρεστος μηδὲ κακοστόμαχος πρὸς
τὰ γινόμενα. ‘τὸ ὄξος σαπρόν, δριμὺ γάρ’· ‘τὸ μέλι σαπρόν, ἀνατρέπει γάρ μου
τὴν ἕξιν’· ‘λάχανα οὐ θέλω.’
οὕτως καὶ ‘σχολὴν οὐ θέλω, ἐρημία ἐστίν’, ‘ὄχλον οὐ
θέλω, θόρυβός ἐστιν’. ἀλλ´ ἂν μὲν οὕτως φέρῃ τὰ
πράγματα, ὥστε μόνον ἢ μετ´ ὀλίγων διεξαγαγεῖν, ἡσυχίαν αὐτὸ κάλει
καὶ χρῶ τῷ πράγματι, εἰς ὃ δεῖ· λάλει
σεαυτῷ, γύμναζε τὰς φαντασίας, ἐξεργάζου τὰς προλήψεις. ἂν δ´ εἰς ὄχλον
ἐμπέσῃς, ἀγῶνα αὐτὸ λέγε, πανήγυριν, ἑορτήν, συνεορτάζειν πειρῶ τοῖς
ἀνθρώποις. τί γάρ ἐστιν ἥδιον θέαμα τῷ φιλανθρώπῳ ἢ ἄνθρωποι
πολλοί; ἵππων ἀγέλας ἢ βοῶν ἡδέως ὁρῶμεν, πλοῖα
πολλὰ ὅταν ἴδωμεν, διαχεόμεθα· ἀνθρώπους πολλοὺς
βλέπων τις ἀνιᾶται; ‘ἀλλὰ κατακραυγάζουσί μου.’ οὐκοῦν ἡ ἀκοή σου
ἐμποδίζεται. τί οὖν πρὸς σέ; μή τι
καὶ δύναμις ἡ ταῖς φαντασίαις χρηστική; καὶ τίς σε
κωλύει ὀρέξει καὶ ἐκκλίσει χρῆσθαι κατὰ φύσιν, ὁρμῇ
καὶ ἀφορμῇ; ποῖος θόρυβος πρὸς τοῦτο ἱκανός;
Σὺ μόνον μέμνησο τῶν καθολικῶν· ‘τί ἐμόν, τί
οὐκ ἐμόν; τί μοι δίδοται; τί θέλει με ποιεῖν ὁ
θεὸς νῦν, τί οὐ θέλει;’ πρὸ ὀλίγου χρόνου ἤθελέν
σε σχολάζειν, σαυτῷ λαλεῖν, γράφειν περὶ τούτων,
ἀναγιγνώσκειν, ἀκούειν, παρασκευάζεσθαι· ἔσχες εἰς
τοῦτο ἱκανὸν χρόνον. νῦν σοι λέγει ‘ἐλθὲ ἤδη ἐπὶ τὸν
ἀγῶνα, δεῖξον ἡμῖν, τί ἔμαθες, πῶς ἤθλησας. μέχρι
τίνος γυμνασθήσῃ μόνος; ἤδη καιρὸς γνῶναί σε, πότερον τῶν ἀξιονίκων εἶ τις
ἀθλητῶν ἢ ἐκείνων, οἳ τὴν
οἰκουμένην περιέρχονται νικώμενοι.’ τί οὖν ἀγανακτεῖς; οὐδεὶς ἀγὼν δίχα
θορύβου γίνεται. πολλοὺς δεῖ
προγυμναστὰς εἶναι, πολλοὺς τοὺς ἐπικραυγάζοντας,
πολλοὺς ἐπιστάτας, πολλοὺς θεατάς. (-) Ἀλλ´ ἐγὼ ἤθελον ἐφ´ ἡσυχίας
διάγειν. (-) Οἴμωζε τοίνυν καὶ στένε, ὥσπερ ἄξιος εἶ. τίς γὰρ ἄλλη μείζων
ταύτης ζημία τῷ ἀπαιδεύτῳ καὶ ἀπειθοῦντι τοῖς θείοις διατάγμασιν ἢ τὸ
λυπεῖσθαι, τὸ πενθεῖν, τὸ φθονεῖν, ἁπλῶς τὸ ἀτυχεῖν
καὶ δυστυχεῖν; τούτων οὐ θέλεις ἀπαλλάξαι σεαυτόν;
Καὶ πῶς ἀπαλλάξω; (-) Οὐ πολλάκις ἤκουσας, ὅτι
ὄρεξιν ἆραί σε δεῖ παντελῶς, τὴν ἔκκλισιν ἐπὶ
μόνα τρέψαι τὰ προαιρετικά, ἀφεῖναί σε δεῖ πάντα,
τὸ σῶμα, τὴν κτῆσιν, τὴν φήμην, τὰ βιβλία, θόρυβον,
ἀρχάς, ἀναρχίαν; ὅπου γὰρ ἂν κλίνῃς, ἐδούλευσας,
ὑπετάγης, κωλυτὸς ἐγένου, ἀναγκαστός, ὅλος ἐπ´ ἄλλοις.
ἀλλὰ τὸ Κλεάνθους πρόχειρον
ἄγου δέ μ´, ὦ Ζεῦ, καὶ σύ γ´ ἡ Πεπρωμένη.
| [4,4b] Nous ne nous apercevons pas aujourd'hui que nous devenons semblables
au commun des hommes, quoique avec une autre manière de faire. Si un autre
craint de ne pas être magistrat, toi, tu crains de l'être. O mortel, pas
de crainte pareille ! Ris plutôt de toi, comme tu ris de ceux qui
craignent de ne pas être magistrats. Car il n'y a guère de différence
entre souffrir de la soif parce qu'on a la fièvre, et craindre l'eau parce
qu'on est enragé. Dans ton état, comment pourrais-tu dire encore le mot de
Socrate : « Si cela plaît à Dieu, que cela se fasse ! » Si Socrate avait
soupiré après les loisirs du Lycée ou de l'Académie, pour y causer chaque
jour avec les jeunes gens, crois-tu qu'il serait parti sans chagrin pour
la guerre, aussi souvent qu'il y est parti? Ne se serait-il pas écrié avec
des gémissements et des larmes : « Malheureux que je suis ! » me voici
misérablement ici, quand je pourrais être dans le Lycée, à me chauffer au
soleil ! » — « Était-ce donc ton rôle, de te chauffer au soleil? » (lui
eût-on pu dire.) Ton rôle n'est-il pas d'être heureux? N'est-il pas de
t'élever au-dessus de toute entrave et de tout empêchement? » Comment
aurait-il encore été Socrate, s'il eût pleuré ainsi? Comment aurait-il
écrit des hymnes dans sa prison?
En un mot, rappelle-toi ceci : quelle que soit la chose à laquelle tu
attaches du prix, hors de la portée de ton libre arbitre, tu annihiles ton
libre arbitre. Or, il n'y a pas que les magistratures qui soient hors de
sa portée : la condition privée l'est aussi ; il n'y a pas que les
affaires qui le soient : les loisirs aussi le sont. — « Quoi ! me faut-il
vivre au milieu de ce tumulte ! » — Qu'appelles-tu tumulte? Ce grand
nombre d'hommes? Eh! qu'y a-t-il là de fâcheux? Suppose que tu es à
Olympie, et donne à cette foule le nom d'assemblée. Là aussi tel homme
pousse tel cri, tel autre fait telle autre chose, et ce troisième est
bousculé par un autre individu. Dans les bains il y a foule; or, quel est
celui de nous qui n'y aime pas ce concours de monde, et qui en sort de
mécontentement? Ne sois pas si difficile; n'aie pas des paroles de fiel
pour tout ce qui arrive. « Le vinaigre, dis-tu, me déplaît parce qu'il est
piquant; le miel me déplaît, parce qu'il dérange ma santé ; quant aux
légumes, je n'en veux pas. De même, je ne veux pas des loisirs, parce que
c'est la solitude; et je ne veux pas de la foule, parce que ce n'est que
tumulte. » Eh bien ! au contraire, si les circonstances veulent que tu
vives seul ou en compagnie restreinte, appelle cela la tranquillité, et
tire de ta situation le parti que tu dois en tirer : entretiens-toi avec
toi-même, éprouve tes idées, et perfectionne tes notions à priori. Si tu
tombes au milieu de la foule, dis-toi que ce sont des jeux, que c'est une
assemblée, que c'est une fête ; efforce-toi de célébrer cette fête avec
les autres hommes. Est-il, en effet, plus doux spectacle pour un ami de
l'humanité qu'un grand nombre d'hommes? Des troupeaux de chevaux ou de
bœufs nous font plaisir à voir; c'est un plaisir que d'avoir sous les yeux
un grand nombre de vaisseaux; et la vue d'un grand nombre d'hommes serait
une peine ! — « Mais leurs cris m'étourdissent ! » — C'est une gêne pour
tes oreilles. Mais à toi qu'est-ce que cela fait? Est-ce une gêne pour
celle de tes facultés qui doit faire emploi des idées? Est-il quelqu'un
qui t'empêche de désirer ou de craindre, de vouloir les choses ou de les
repousser, conformément à la nature? Quel est le tumulte qui ait ce pouvoir?
Souviens-toi seulement de ces généralités-ci : « Qu'est-ce qui est à moi?
Qu'est-ce qui n'est pas à moi? Qu'est-ce qui m'est permis? Qu'est-ce que
Dieu veut que je fasse à cette heure? Qu'est-ce qu'il ne veut pas que je
fasse? » Ces jours derniers il voulait que tu eusses du loisir, que tu
t'entretinsses avec toi-même, que tu écrivisses sur ce sujet, que tu
lusses, que tu écoutasses, que tu te préparasses ; et tu as eu pour cela
un temps suffisant. Aujourd'hui il te dit : « Parais dans l'arène;
montre-nous ce que tu as appris, et comment tu as travaillé. Jusques à
quand t'exerceras-tu tout seul? Voici le moment de connaître si tu es du
nombre des athlètes qui méritent de vaincre, ou du nombre de ceux qui
parcourent toute la terre en se faisant battre. De quoi t'irrites-tu? Il
n'y a pas d'arène sans foule tumultueuse. Il y faut nombre de gens pour
vous préparer, nombre de gens pour crier, nombre de surveillants, nombre
de spectateurs. » — « Mais je voulais vivre au sein du calme. » — Gémis
donc et pleure ; tu l'as bien mérité ! Peut-il, en effet, y avoir pour
l'ignorant qui désobéit aux ordres des Dieux un châtiment plus grand que
de se désoler, de se lamenter, déporter envie à d'autres, en deux mots,
d'être malheureux et misérable? N'est-ce pas là un lot auquel tu voudras
te soustraire?
— « Et comment m'y soustraire? » — N'as-tu pas entendu dire bien des fois
qu'il te faut supprimer en toi tout désir, n'avoir d'aversion que pour des
choses qui relèvent de ton libre arbitre, être indifférent à tout le
reste, à ton corps, à ta fortune, à ta réputation, à tes livres, au
tumulte de la foule, aux magistratures, à la vie privée? Car, de quelque
côté que tu inclines, te voilà esclave; tu as un maître ; on te fait
obstacle; on te contraint; tu dépends tout entier des autres.
Aie plutôt à l'esprit ce vers de Cléanthe : « Conduisez-moi, ô Jupiter, ô destinée! »
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