[14] ‘Ὁρῶ’ εἶπεν ὁ Πεμπτίδης, ‘ἀλλ´ οὔτε πάθη τοὺς
θεοὺς ποιεῖν ὅσιον οὔτ´ αὖ πάλιν τὰ πάθη θεοὺς νομίζειν.’
καὶ ὁ πατήρ ‘τί οὖν’ ἔφη ‘τὸν Ἄρην, θεὸν εἶναι νομίζεις ἢ
πάθος ἡμέτερον;’ ἀποκριναμένου δὲ τοῦ Πεμπτίδου θεὸν
ἡγεῖσθαι τὸν Ἄρην κοσμοῦντα τὸ θυμοειδὲς ἡμῶν καὶ
ἀνδρῶδες, ἀνακραγὼν ὁ πατήρ ‘εἶτ´’ ἔφη ‘τὸ μὲν μαχητικόν,
ὦ Πεμπτίδη, καὶ πολεμικὸν καὶ ἀντίπαλον θεὸν
ἔχει, τὸ δὲ φιλητικὸν καὶ κοινωνικὸν καὶ συνελευστικὸν
ἄθεόν ἐστι; καὶ κτείνοντας μὲν ἄρα καὶ κτεινομένους
ἀνθρώπους ὅπλα τε καὶ βέλη καὶ τειχομαχίας καὶ λεηλασίας
ἔστι τις ἐφορῶν καὶ βραβεύων θεὸς Ἐνυάλιος καὶ
Στράτιος· πάθους δὲ γάμου καὶ φιλότητος εἰς ὁμοφροσύνην
καὶ κοινωνίαν τελευτώσης οὐδεὶς θεῶν μάρτυς
οὐδ´ ἐπίσκοπος οὐδ´ ἡγεμὼν ἢ συνεργὸς ἡμῖν γέγονεν;
ἀλλὰ δορκάδας μὲν θηρεύουσι καὶ λαγωοὺς καὶ ἐλάφους
Ἀγροτέρα τις συνεπιθωΰσσει καὶ συνεξορμᾷ θεός,
εὔχονται δ´ Ἀρισταίῳ δολοῦντες ὀρύγμασι καὶ βρόχοις
λύκους καὶ ἄρκτους,
’ὃς πρῶτος θήρεσσιν ἔπηξε ποδάγρας·‘
ὁ δ´ Ἡρακλῆς ἕτερον θεὸν παρακαλεῖ μέλλων ἐπὶ τὸν
ὄρνιν αἴρεσθαι τὸ τόξον, ὡς Αἰσχύλος φησίν,
’Ἀγρεὺς δ´ Ἀπόλλων ὀρθὸν ἰθύνοι βέλος·‘
ἀνδρὶ δὲ τὸ κάλλιστον ἐπιχειροῦντι θήραμα φιλίαν ἑλεῖν
οὔτε θεὸς οὔτε δαίμων ἀπευθύνει καὶ συνεφάπτεται τῆς ὁρμῆς;
ἐγὼ μὲν γὰρ οὐδὲ δρυὸς οὐδὲ μορίας οὐδ´ ἣν Ὅμηρος
’ἡμερίδα‘ σεμνύνων προσεῖπεν ἀκαλλέστερον ἔρνος
οὐδὲ φαυλότερον ἡγοῦμαι φυτὸν ἄνθρωπον, ὦ φίλε
Δαφναῖε, βλαστήσεως ὁρμὴν ἔχοντα διαφαίνουσαν ὥραν
καὶ κάλλος ἅμα σώματος καὶ ψυχῆς.’
| [14] — «Oui, je le vois, dit Pemptidès. Mais s'il est impie
de travestir les dieux en passions, il ne l'est pas moins
de travestir les passions en dieux.» — «Eh! bien, reprit
mon père, que pensez-vous de Mars? En faites-vous un
dieu, ou une de nos passions?» Pemptidès répondit qu'à
son sens, Mars était un dieu qui règle nos mouvements
guerriers et virils. Sur quoi mon père se récria : «Quoi,
Pemptidès! dit-il, pour la partie passionnée, belliqueuse et
hostile de notre âme il y aura un dieu, et il n'y en aura
pas pour celle qu'animent les sentiments de tendresse, de
concorde et d'union ! Quand des hommes égorgent et sont
égorgés, quand ils manient des armes, qu'ils lancent des javelots,
un dieu examine comment ils forcent les remparts,
comment ils s'y prennent pour exercer le brigandage, et on
donne à ce dieu le nom de guerrier, de belliqueux; puis,
d'autre part, aux tendres affections du mariage, lesquelles
ont pour but l'union et le commerce intime des coeurs, ne
présidera aucune divinité ! Aucune ne les consacrera par
son témoignage et par sa vigilance, ne les dirigera, ne les
secondera! Ceux qui chassent les chevreuils, les lièvres et
les cerfs, sont accompagnés de je ne sais quel dieu des bois,
qui avec eux s'élance et galope; ceux qui veulent prendre
des loups et des ours dans des fossés ou dans des lacs,
invoquent Aristée
"Qui le premier dressa des piéges aux bêtes";
Hercule invoque un autre dieu quand il va diriger son arc
contre un oiseau, comme nous lisons dans Eschyle :
"Puisse Apollon chasseur bien diriger ma flèche!"
mais quand un homme entreprend la plus belle des chasses,
celle de l'amitié, est-ce à dire qu'aucun bon génie ne le
dirigera et ne l'assistera dans sa poursuite! Pour moi, ni le
chêne, ni le mûrier, ni l'arbuste que, pour lui rendre hommage,
Homère appelle «l'apprivoisé», ne me semblent supérieurs
en beauté et en importance à cette plante qui est
l'homme. Dans ses développements, cher Daphnée, l'homme
déploie avec une fécondité merveilleuse, la double vigueur
et la double beauté du corps et de l'âme.
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