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[10,133] « Ἐπεὶ τίνα νομίζεις εἶναι κρείττονα τοῦ καὶ περὶ θεῶν ὅσια
δοξάζοντος καὶ περὶ θανάτου διὰ παντὸς ἀφόβως ἔχοντος καὶ τὸ τῆς φύσεως
ἐπιλελογισμένου τέλος, καὶ τὸ μὲν τῶν ἀγαθῶν πέρας ὡς ἔστιν εὐσυμπλήρωτόν
τε καὶ εὐπόριστον διαλαμβάνοντος, τὸ δὲ τῶν κακῶν ὡς ἢ χρόνους ἢ πόνους
ἔχει βραχεῖς, τὴν δὲ ὑπό τινων δεσπότιν εἰσαγομένην πάντων ἐγγελῶντος
<εἱμαρμένην καὶ μᾶλλον ἃ μὲν κατ' ἀνάγκην γίνεσθαι λέγοντος>, ἃ δὲ ἀπὸ
τύχης, ἃ δὲ παρ' ἡμᾶς διὰ τὸ τὴν μὲν ἀνάγκην ἀνυπεύθυνον εἶναι, τὴν δὲ
τύχην ἄστατον ὁρᾶν, τὸ δὲ παρ' ἡμᾶς ἀδέσποτον ᾧ καὶ τὸ μεμπτὸν καὶ τὸ
ἐναντίον παρακολουθεῖν πέφυκεν
| [10,133] « Cela supposé, quel est l'homme que vous pourriez préférer à celui
qui pense des dieux tout ce qui est conforme à la grandeur de leur être,
qui voit insensiblement avec intrépidité l'approche de la mort, qui
raisonne avec tant de justesse sur la fin où nous devons tendre
naturellement, et sur l'existence du souverain bien, dont il croit la
possession facile et capable de nous remplir entièrement ; qui s'est
imprimé dans l'esprit que tout ce qu'on trouve dans les maux doit finir
bientôt, si la douleur est violente, ou que si elle languit par le temps,
on s'en fait une habitude qui la rend supportable; et qui, enfin, se peut
convaincre lui-même que la nécessité du destin, ainsi que l'ont cru
quelques philosophes, n'a point un empire absolu sur nous, ou que tout au
moins elle n'est pas tout à fait la maîtresse des choses qui relèvent en
partie du caprice de la fortune, et qui en partie sont dépendantes de
notre volonté, parce que cette même nécessité est cruelle et sans remède,
et que l'inconstance de la fortune peut nous laisser toujours quelques
rayons d'espérance.
« D'ailleurs, la liberté que nous avons d'agir comme il nous plaît n'admet
aucune tyrannie qui la violente, aussi sommes-nous coupables des choses
criminelles; de même que ce n'est qu'à nous qu'appartiennent les louanges
que mérite la prudence de notre conduite.
| [10,134] « (ἐπεὶ κρεῖττον ἦν τῷ περὶ θεῶν μύθῳ κατακολουθεῖν ἢ τῇ τῶν φυσικῶν
εἱμαρμένῃ δουλεύειν· ὁ μὲν γὰρ ἐλπίδα παραιτήσεως ὑπογράφει θεῶν διὰ
τιμῆς, ἡ δὲ ἀπαραίτητον ἔχει τὴν ἀνάγκην),
« τὴν δὲ τύχην οὔτε θεὸν ὡς οἱ πολλοὶ νομίζουσιν ὑπολαμβάνοντος (οὐθὲν γὰρ
ἀτάκτως θεῷ πράττεται) οὔτε ἀβέβαιον αἰτίαν (<οὐκ> οἴεται μὲν γὰρ ἀγαθὸν ἢ
κακὸν ἐκ ταύτης πρὸς τὸ μακαρίως ζῆν ἀνθρώποις δίδοσθαι, ἀρχὰς μέντοι
μεγάλων ἀγαθῶν ἢ κακῶν ὑπὸ ταύτης χορηγεῖσθαι),
| [10,134] « Il est donc beaucoup plus avantageux de se rendre à l'opinion
fabuleuse que le peuple a des dieux, que d'agir, selon quelques
physiciens, par la nécessité du destin; cette pensée ne laisse pas
d'imprimer du respect, et l'on espère toujours du succès à ses prières ;
mais lorsque l'on s'imagine une certaine nécessité dans l'action, c'est
vouloir se jeter dans le désespoir.
« Gardez-vous donc bien d'imiter le vulgaire, qui met la Fortune au nombre
des dieux ; la bizarrerie de sa conduite l'éloigne entièrement du
caractère de la divinité, qui ne peut rien faire qu'avec ordre et
justesse. Ne croyez pas non plus que cette volage contribue en aucune
manière aux événements ; le simple peuple s'est bien laissé séduire en
faveur de sa puissance ; il ne croit pas néanmoins qu'elle donne
directement aux hommes ni les biens ni les maux qui font le malheur ou la
félicité de leur vie ; mais qu'elle fait naître seulement les occasions de
tout ce qui peut produire les effets.
« Arrachez donc autant qu'il vous sera possible cette pensée de votre
esprit,
| [10,135] κρεῖττον εἶναι νομίζοντος εὐλογίστως ἀτυχεῖν ἢ ἀλογίστως εὐτυχεῖν·
βέλτιον γὰρ ἐν ταῖς πράξεσι τὸ καλῶς κριθὲν <μὴ> ὀρθωθῆναι διὰ ταύτην.
« Ταῦτα οὖν καὶ τὰ τούτοις συγγενῆ μελέτα πρὸς σεαυτὸν ἡμέρας καὶ νυκτὸς
πρός <τε> τὸν ὅμοιον σεαυτῷ, καὶ οὐδέποτε οὔθ' ὕπαρ οὔτ' ὄναρ
διαταραχθήσῃ, ζήσεις δὲ ὡς θεὸς ἐν ἀνθρώποις. Οὐθὲν γὰρ ἔοικε θνητῷ ζῴῳ
ζῶν ἄνθρωπος ἐν ἀθανάτοις ἀγαθοῖς. »
Μαντικὴν δ' ἅπασαν ἐν ἄλλοις ἀναιρεῖ, ὡς καὶ ἐν τῇ Μικρᾷ ἐπιτομῇ. Καί
φησι· « μαντικὴ οὖσα ἀνύπαρκτος, εἰ καὶ ὑπαρκτή, οὐθὲν παρ' ἡμᾶς ἡγητέα τὰ
γινόμενα. »
Τοσαῦτα καὶ περὶ τῶν βιωτικῶν· καὶ ἐπὶ πλείω διείλεκται ἀλλαχόθι.
| [10,135] et soyez persuadé qu'il vaut mieux être malheureux sans
avoir manqué de prudence que d'être au comble de ses souhaits par une
conduite déréglée, à qui néanmoins la fortune a donné du succès; il est
beaucoup plus glorieux d'être redevable à cette même prudence de la
grandeur et du bonheur de ses actions, puisque c'est une marque qu'elles
sont l'effet de ses réflexions et de ses conseils.
« Ne cessez donc jamais de méditer sur ces choses; soyez jour et nuit dans
la spéculation de tout ce qui les regarde, soit que vous soyez seul, ou
avec quelqu'un qui ait du rapport avec vous : c'est le moyen d'avoir un
sommeil tranquille, d'exercer dans le calme toutes vos facultés et de
vivre comme un dieu parmi les mortels. Celui-là est plus qu'un homme, qui
jouit pendant la vie des mêmes biens qui font le bonheur de la divinité. »
Je ne dis point ici qu'Épicure, dans beaucoup de lieux de ses écrits, et
particulièrement dans son grand Épitomé, rejette entièrement l'art de
deviner ; il assure que c'est une pure chimère, et que si cet art était
véritable, l'homme n'aurait point la faculté d'agir librement. Voilà ce
qu'il avance, quoiqu'il y ait encore dans le corps de ses ouvrages
beaucoup d'autres choses où il parle de la conduite qu'il faut tenir pour
la règle et le bonheur de la vie.
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