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[10,130] τῇ μέντοι συμμετρήσει καὶ συμφερόντων καὶ ἀσυμφόρων βλέψει ταῦτα
πάντα κρίνειν καθήκει· χρώμεθα γὰρ τῷ μὲν ἀγαθῷ κατά τινας χρόνους ὡς
κακῷ, τῷ δὲ κακῷ τοὔμπαλιν ὡς ἀγαθῷ. Καὶ τὴν αὐτάρκειαν δὲ ἀγαθὸν μέγα
νομίζομεν, οὐχ ἵνα πάντως τοῖς ὀλίγοις χρώμεθα, ἀλλ' ὅπως ἐὰν μὴ ἔχωμεν τὰ
πολλά, τοῖς ὀλίγοις χρώμεθα, πεπεισμένοι γνησίως ὅτι ἥδιστα πολυτελείας
ἀπολαύουσιν οἱ ἥκιστα ταύτης δεόμενοι, καὶ ὅτι τὸ μὲν φυσικὸν πᾶν
εὐπόριστόν ἐστι, τὸ δὲ κενὸν δυσπόριστον. Οἵ τε λιτοὶ χυλοὶ ἴσην πολυτελεῖ
διαίτῃ τὴν ἡδονὴν ἐπιφέρουσιν ὅταν ἅπαν τὸ ἀλγοῦν κατ' ἔνδειαν ἐξαιρεθῇ·
| [10,130] « La nature, pour sa subsistance, n'exige que des choses très
faciles à trouver; celles qui sont rares et extraordinaires lui sont
inutiles, et ne peuvent servir qu'à la vanité ou à l'excès. Une nourriture
commune donne autant de plaisir qu'un festin somptueux, et c'est un
ragoût admirable que l'eau et le pain lorsque l'on en trouve dans le temps
de sa faim et de si soif.
« Il faut donc s'habituer à manger sobrement et simplement, sans
rechercher toutes ces viandes délicatement préparées; la santé trouve dans
cette frugalité sa conservation, et l'homme, par ce moyen, devient plus
robuste et beaucoup plus propre à toutes les actions de la vie.
| [10,131] καὶ μᾶζα καὶ ὕδωρ τὴν ἀκροτάτην ἀποδίδωσιν ἡδονὴν ἐπειδὰν ἐνδέων τις
αὐτὰ προσενέγκηται. Τὸ συνεθίζειν οὖν ἐν ταῖς ἁπλαῖς καὶ οὐ πολυτελέσι
διαίταις καὶ ὑγιείας ἐστὶ συμπληρωτικὸν καὶ πρὸς τὰς ἀναγκαίας τοῦ βίου
χρήσεις ἄοκνον ποιεῖ τὸν ἄνθρωπον καὶ τοῖς πολυτελέσιν ἐκ διαλειμμάτων
προσερχομένους κρεῖττον ἡμᾶς διατίθησι καὶ πρὸς τὴν τύχην ἀφόβους
παρασκευάζει.
« Ὅταν οὖν λέγωμεν ἡδονὴν τέλος ὑπάρχειν, οὐ τὰς τῶν ἀσώτων ἡδονὰς καὶ τὰς
ἐν ἀπολαύσει κειμένας λέγομεν, ὥς τινες ἀγνοοῦντες καὶ οὐχ ὁμολογοῦντες ἢ
κακῶς ἐκδεχόμενοι νομίζουσιν, ἀλλὰ τὸ μήτε ἀλγεῖν κατὰ σῶμα μήτε
ταράττεσθαι κατὰ ψυχήν.
| [10,131] Cela est cause que s'il se trouve par intervalles à un meilleur repas, il y
mange avec plus de plaisir ; mais le principal, c'est que par ce secours
nous ne craignons point les vicissitudes de la fortune, parce qu'étant
accoutumés à nous passer de peu, quelque abondance qu'elle nous ôte, elle
ne fait que nous remettre dans un état qu'elle ne nous peut ravir, par la
louable habitude que nous avons prise.
« Ainsi lorsque nous assurons que la volupté est la fin d'une vie
bienheureuse, il ne faut pas s'imaginer que nous entendions parler de ces
sortes de plaisirs qui se trouvent dans la jouissance de l'amour, ou dans
le luxe et l'excès des bonnes tables, comme quelques ignorants l'ont voulu
insinuer, aussi bien que les ennemis de notre secte, qui nous ont imposé sur
cette matière, par l'interprétation maligne qu'ils ont donnée à notre opinion.
| [10,132] « οὐ γὰρ πότοι καὶ κῶμοι συνείροντες οὐδ' ἀπολαύσεις παίδων καὶ
γυναικῶν οὐδ' ἰχθύων καὶ τῶν ἄλλων ὅσα φέρει πολυτελὴς τράπεζα τὸν ἡδὺν
γεννᾷ βίον, ἀλλὰ νήφων λογισμὸς καὶ τὰς αἰτίας ἐξερευνῶν πάσης αἱρέσεως
καὶ φυγῆς καὶ τὰς δόξας ἐξελαύνων ἐξ ὧν πλεῖστος τὰς ψυχὰς καταλαμβάνει
θόρυβος. Τούτων δὲ πάντων ἀρχὴ καὶ τὸ μέγιστον ἀγαθὸν φρόνησις· διὸ καὶ
φιλοσοφίας τιμιώτερον ὑπάρχει φρόνησις, ἐξ ἧς αἱ λοιπαὶ πᾶσαι πεφύκασιν
ἀρεταί, διδάσκουσα ὡς οὐκ ἔστιν ἡδέως ζῆν ἄνευ τοῦ φρονίμως καὶ καλῶς καὶ
δικαίως, <οὐδὲ φρονίμως καὶ καλῶς καὶ δικαίως> ἄνευ τοῦ ἡδέως· συμπεφύκασι
γὰρ αἱ ἀρεταὶ τῷ ζῆν ἡδέως, καὶ τὸ ζῆν ἡδέως τούτων ἐστὶν ἀχώριστον.
| [10,132] « Cette volupté, qui est le centre de notre bonheur, n'est autre
chose que d'avoir l'esprit sans aucune agitation, et que le corps soit
exempt de douleur; l'ivrognerie, l'excès des viandes, le commerce criminel
des femmes, la délicatesse des boissons et tout ce qui assaisonne les
bonnes tables, n'ont rien qui conduise à une agréable vie : il n'y a que
la frugalité et la tranquillité de l'esprit qui puissent faire cet effet
heureux; c'est ce calme qui nous facilite l'éclaircissement des choses qui
doivent fixer notre choix, ou de celles que nous devons fuir; et c'est
par lui qu'on se défait des opinions qui troublent la disposition de ce
mobile de notre vie.
« Le principe de toutes ces choses ne se trouve que dans la prudence qui,
par conséquent, est un bien très excellent ; aussi mérite-t-elle sur la
philosophie l'honneur de la préférence, parce qu'elle est sa règle dans la
conduite de ses recherches; qu'elle fait voir l'utilité qu'il y a de
sortir de cette ignorance qui fait toutes nos alarmes; et que d'ailleurs
elle est la source de toutes les vertus qui nous enseignent que la vie est
sans agrément, si la prudence, l'honnêteté et la justice ne dirigent tous
ses mouvements, et que, suivant toujours la route que ces choses nous
tracent, nos jours s'écoulent avec cette satisfaction, dont le bonheur est
inséparable : car ses vertus sont le propre d'une vie pleine de félicité
et d'agrément, qui ne peut jamais être sans leur excellente pratique.
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