[1,32] « Ὅτε ἐνομίζομεν, ὦ Ἀθηναῖοι, τὰς γεγενημένας
συμφορὰς ἱκανὰ μνημεῖα τῇ πόλει καταλελεῖφθαι,
ὥστε μηδ´ ἂν τοὺς ἐπιγινομένους ἑτέρας πολιτείας
ἐπιθυμεῖν, τότε δὴ οὗτοι τοὺς κακῶς πεπονθότας, καὶ
ἀμφοτέρων πεπειραμένους, ἐξαπατῆσαι ζητοῦσι τοῖς
αὐτοῖς ψηφίσμασιν, οἷσπερ καὶ πρότερον. Διὸ δὴ καὶ
τούτων μὲν οὐ θαυμάζω, ὑμῶν δὲ τῶν ἀκροωμένων,
ὅτι πάντων ἐστὲ ἐπιλησμονέστατοι ἢ πάσχειν
ἑτοιμότατοι κακῶς ὑπὸ τοιούτων ἀνδρῶν, οἳ τῇ μὲν
τύχῃ, τῶν ἐκ Πειραιῶς πραγμάτων μετέσχον, τῇ δὲ
γνώμῃ τῶν ἐξ ἄστεως. Καί τοι τί ἔδει φεύγοντας
κατελθεῖν, εἰ χειροτονοῦντες ὑμᾶς αὐτοὺς
καταδουλώσεσθε; ἐγὼ μὲν οὖν, ὦ Ἀθηναῖοι, οὔτε
πλούτῳ οὔτε γένει ἀπελαυνόμενος, ἀλλ´ ἀμφότερα
τῶν ἀντιλεγόντων πρότερος ὢν, ἡγοῦμαι ταύτην
μόνην σωτηρίαν εἶναι τῇ πόλει, ἅπασιν Ἀθηναίοις τῆς
πολιτείας μετεῖναι· ἐπεὶ ὅτε καὶ τὰ τείχη,, καὶ τὰς
ναῦς, καὶ τὰ χρήματα, καὶ συμμάχους ἐκτήμεθα, οὐχ
οὕτως ἵνα Ἀθηναίων τινὰ ποιήσωμεν, διενοούμεθα,
ἀλλὰ καὶ Εὐβοεῦσιν ἐπιγαμίαν ἐποιούμεθα· νῦν δὲ
καὶ τοὺς ὑπάρχοντας πολίτας ἀπελοῦμεν; οὔκ, ἂν
ἔμοιγε πείθησθε. Οὐδὲ μετὰ τῶν τειχῶν καὶ ταῦτα
ἡμῶν αὐτῶν περιαιρησόμεθα, ὁπλίτας πολλοὺς καὶ
ἱππέας καὶ τοξότας· ὧν ὑμεῖς ἀντεχόμενοι, βεβαίως
δημοκρατήσεσθε, τῶν δὲ ἐχθρῶν πλέον ἐπικρατήσετε,
ὠφελιμώτεροι δὲ τοῖς συμμάχοις ἔσεσθε. Ἐπίστασθε
γὰρ ταῖς ἐφ´ ἡμῶν ὀλιγαρχίαις γεγενημέναις, καὶ οὐ
τοὺς γῆν κεκτημένους ἔχοντας τὴν πόλιν, ἀλλὰ
πολλοὺς μὲν αὐτῶν ἀποθανόντας, πολλοὺς δ´ ἐκ τῆς
πόλεως ἐκπεσόντας· οὓς ὁ δῆμος καταγαγὼν, ὑμῖν
μὲν τὴν ὑμετέραν ἀπέδωκεν, αὐτὸς δὲ ταύτης οὐκ
ἐτόλμησε μετασχεῖν. Ὥστ´ ἐὰν ἔμοιγε πείθησθε, οὐ
τοὺς εὐεργέτας, καθὸ δύνασθε, τῆς πατρίδος
ἀποστερήσετε, οὐδὲ τοὺς λόγους πιστοτέρους τῶν
ἔργων, οὐδὲ τὰ μέλλοντα τῶν γεγενημένων, νομιεῖτε.
Ἄλλως τε καὶ μεμνημένοι τῶν περὶ τῆς ὀλιγαρχίας
μαχομένων, οἳ τῷ μὲν λόγῳ, τῷ δήμῳ πολεμοῦσι, τῷ
δὲ ἔργῳ τῶν ὑμετέρων ἐπιθυμοῦσιν· ὅπερ κτήσονται,
ὅταν ὑμᾶς ἐρήμους συμμάχων λάβωσιν. Εἶτα τοῖς τῶν
ἡμῖν ὑπαρχόντων ἐρῶσι, τίς ἔσται σωτηρία τῇ πόλει,
εἰ μὴ ποιήσωμεν Λακεδαιμονίοις κελεύουσιν. Ἐγὼ δὲ
τούτοις εἰπεῖν ἀξιῶ, τίς τῷ πλήθει περιγενήσεται, εἰ
ποιήσαιμεν ἃ ἐκεῖνοι προστάττουσιν; εἰ δὲ μή, πολὺ
κάλλιον μαχομένους ἀποθνῄσκειν, ἢ φανερῶς ὑμῶν
αὐτῶν θάνατον καταψηφίσασθαι. Ἡγοῦμαι γάρ, ἐὰν
μὲν πείθω, ἀμφοτέροις κοινὸν εἶναι κίνδυνον. Ὁρῶ
δὲ καὶ Ἀργείους καὶ Μαντινέας τὴν αὐτὴν ἔχοντας
γνώμην· τοὺς μὲν, ὁμόρους ὄντας Λακεδαιμονίοις,
τοὺς δὲ, ἐγγὺς οἰκοῦντας· καὶ τοὺς μὲν, οὐδὲν ἡμῶν
πλείους, τοὺς δὲ, οὐδὲ τρισχιλίους ὄντας. Ἴσασι γὰρ
ὅτι, κἂν πολλάκις εἰς τὴν τούτων ἐμβάλωσι, πολλάκις
αὐτοῖς ἀπαντήσονται, ὅπλα λαβόντες. Ὥστε οὐ καλὸς
ὁ κίνδυνος αὐτοῖς δοκεῖ εἶναι, ἐὰν μὲν νικήσωσι,
τούτους καταδουλώσασθαί γε· ἐὰν δὲ ἡττηθῶσι, σφᾶς
αὐτοὺς τῶν ὑπαρχόντων ἀγαθῶν ἀποστερῆσαι. Ὅσῳ
δ´ ἂν ἄμεινον πράττωσι, τοσούτῳ ἐπιθυμοῦσι
κινδυνεύειν. Εἴχομεν δέ, ὦ ἄνδρες, καὶ ἡμεῖς ταύτην
τὴν γνώμην, ὅτε τῶν Ἑλλήνων ἤρχομεν, καὶ
ἐδοκοῦμεν καλῶς βουλεύεσθαι, περιορῶντες μὲν τὴν
χώραν τεμνομένην, οὐ νομίζοντες δὲ χρῆναι περὶ
αὐτῆς διαμάχεσθαι. Ἄξιον γὰρ ἦν, ὀλίγων
ἀμελοῦντας, πολλῶν ἀγαθῶν φείσασθαι. Νῦν δὲ, ἐπεὶ
ἐκείνων μὲν ἁπάντων μάχῃ ἐστερήμεθα, ἡ δὲ πατρὶς
ἡμῖν λέλειπται, ἴσμεν ὅτι ὁ κίνδυνος οὗτος μόνος ἔχει
τὰς ἐλπίδας τῆς σωτηρίας. Ἀλλὰ χρὴ ἀναμνησθέντας
ὅτι ἤδη καὶ ἑτέροις ἀδικουμένοις βοηθήσαντες, ἐν τῇ
ἀλλοτρίᾳ πολλὰ τρόπαια τῶν πολεμίων ἐστήσαμεν,
ἄνδρας ἀγαθοὺς περὶ τῆς πατρίδος καὶ ἡμῶν αὐτῶν
γίνεσθαι, πιστεύοντας μὲν τοῖς θεοῖς, καὶ ἐλπίζοντας
ἐπὶ τὸ δίκαιον μετὰ τῶν ἀδικουμένων ἔσεσθαι. Δεινὸν
γὰρ ἂν εἴη, ὦ Ἀθηναῖοι, εἰ, ὅτε μὲν ἐφεύγομεν,
ἐμαχόμεθα Λακεδαιμονίοις, ἵνα κατέλθωμεν·
κατελθόντες δὲ, φευξόμεθα, ἵνα μὴ μαχώμεθα.
Οὐκοῦν αἰσχρόν, εἰ εἰς τοῦτο κακίας ἥξομεν, ὥστε οἱ
μὲν πρόγονοι καὶ ὑπὲρ τῆς τῶν ἄλλων ἐλευθερίας
Ἑλλήνων διεκινδύνευον, ὑμεῖς δὲ οὐδὲ ὑπὲρ τῆς
ὑμετέρας αὐτῶν τολμᾶτε πολεμεῖν; »
| [1,32] XXXII. « Nous pensions, Athéniens, que le souvenir
de nos malheurs passés suffirait pour détourner à jamais
nos descendants de l'amour des innovations politiques;
et voilà que certains orateurs, après que nous en avons
fait la déplorable expérience, cherchent, malgré les
maux que nous avons soufferts, à nous surprendre
encore par les mêmes décrets. Je ne suis point surpris
de leur conduite, mais plutôt de ce que vous les écoutez
encore; toujours oublieux, toua jours prêts à vous
laisser entraîner à des résolutions funestes par des
conseillers qui, par hasard, ont partagé le sort des
citoyens revenus du Pirée, mais que leurs affections
attachaient à ceux qui étaient restés dans la ville.
Pourquoi rappeler les bannis si, par vos décrets, vous
allez préparer vous-même votre esclavage? Pour moi,
Athéniens, placé, par mes richesses comme par ma
naissance, au-dessus de mes adversaires, loin de le
céder à aucun d'eux, je suis persuadé que le seul moyen
de salut pour la patrie est de laisser à tous les citoyens
un libre accès au gouvernement de l'Etat. Lorsque nous
avions des remparts, une flotte, des richesses, des alliés,
non seulement nous donnâmes à plusieurs le titre de
citoyen ; mais nous accordâmes aux Eubéens le droit de
contracter des mariages; et aujourd'hui, nous nous
priverions de ceux qui sont déjà citoyens ! Non certes,
si vous suivez mes conseils. Et après avoir détruit nos
remparts, nous ne ferons point disparaître d'autour de
nous les défenseurs qui nous restent; je veux dire cette
foule d'Hoplites, de cavaliers et d'archers. En les
conservant, la démocratie sera raffermie; vous
triompherez plus aisément de vos ennemis, et vous
serez plus utiles à vos alliés. Vous savez qu'aux
époques où l'oligarchie a déjà existé parmi nous, des
citoyens qui ne possédaient point des terres restèrent
dans la ville; mais que plusieurs y périrent et que
d'autres en furent chassés. En les rappelant, le peuple
vous rendit une patrie, tandis qu'il n'osa pas en jouir lui-
même. Si vous écoutez mes conseils, vous ne
chercherez plus, de tous vos moyens, à priver vos
bienfaiteurs de leur patrie. Les paroles ne vous
paraitront pas plus dignes de foi que les actions, et vous
ne compterez pas plus sur l'avenir que sur le passé,
surtout si vous vous souvenez que les soutiens de
l'oligarchie se déclarent contre le peuple dans leurs
discours, tandis qu'au fond de l'âme, ils convoitent vos
biens; et ces biens passeront dans leurs mains le jour où
ils pourront vous surprendre abandonnés de vos alliés.
Quant à ces hommes qui, avides de vos richesses,
demandent comment l'État pourra se sauver si nous ne
faisons point ce que les Lacédémoniens exigent, je crois
devoir leur dire : Mais si nous cédons à leur volonté,
quel avantage le peuple doit-il en recueillir ? Ah ! ne
vaut-il pas mieux chercher un trépas honorable au
milieu des combats que de signer vous-mêmes votre
arrêt de mort? Si je ne parviens point à vous persuader,
nul doute que le danger ne devienne commun à Athènes
et à Lacédémone. Les mêmes sentiments animent les
Argiens, peuple limitrophe de Lacédémone, et les
Mantinéens, qui habitent une contrée voisine. Les uns
ne sont pas plus nombreux que nous, et les autres sont à
peine au nombre de trois mille. Mais les
Lacédémoniens savent que s'ils font chez ces peuples
des incursions fréquentes, ils viendront toujours à leur
rencontre, les armes à la main. D'ailleurs, il leur
paraîtrait peu glorieux de les réduire à l'esclavage s'ils
étaient vainqueurs, ou de perdre, s'ils étaient vaincus,
les avantages dont ils jouissent déjà. Aussi, plus leur
prospérité est brillante et moins ils cherchent les
dangers. Nous aussi, Athéniens, nous pensions de
même à l'époque où nous dominions dans la Grèce :
nous crûmes agir sagement lorsque, regardant avec
indifférence le démembrement de notre territoire, nous
nous imaginâmes qu'il ne fallait pas combattre pour sa
défense : sans doute, il était à propos de négliger
quelques faibles avantages pour en conserver de
considérables. Aujourd'hui qu'une bataille nous a tout
enlevé et que la patrie seule nous reste, nous sentons
qu'il n'y a d'espoir de salut pour nous que dans le
danger. En secourant un peuple opprimé, nous avons,
avec les dépouilles de nos ennemis, élevé de nombreux
trophées sur une terre étrangère. Souvenons-nous de
déployer le même courage pour notre patrie et pour
notre salut; mettons notre confiance dans les dieux, et
espérons qu'ils se déclareront pour des malheureux
qu'on opprime. Il serait indigne de nous, Athéniens,
d'avoir combattu contre Lacédémone pour rentrer dans
notre patrie, après en être sortis; et quand nous y
sommes rentrés, d'en sortir de nouveau, pour ne pas
combattre. Ne devriez-vous pas rougir d'être dégénérés
au point que vous, dont les ancêtres bravèrent mille
dangers pour la liberté des autres peuples, vous n'osiez
point affronter les hasards de la guerre pour votre propre liberté! »
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