HODOI ELEKTRONIKAI
Du texte à l'hypertexte

Arrien, Les Entretiens d'Épictête, livre IV

Chapitre 6b

  Chapitre 6b

[4,6b] Οὐ θέλεις οὖν ἀφεὶς τοὺς ἄλλους αὐτὸς σαυτῷ γενέσθαι καὶ μαθητὴς καὶ διδάσκαλος; ’ὄψονται οἱ ἄλλοι, εἰ λυσιτελεῖ αὐτοῖς παρὰ φύσιν ἔχειν καὶ διεξάγειν, ἐμοὶ δ´ οὐδείς ἐστιν ἐγγίων ἐμοῦ. τί οὖν τοῦτό ἐστιν, ὅτι τοὺς μὲν λόγους ἀκήκοα τοὺς τῶν φιλοσόφων καὶ συγκατατίθεμαι αὐτοῖς, ἔργῳ δ´ οὐδὲν γέγονα κουφότερος; μή τι οὕτως ἀφυής εἰμι; καὶ μὴν περὶ τὰ ἄλλα, ὅσα ἐβουλήθην, οὐ λίαν ἀφυὴς εὑρέθην, ἀλλὰ καὶ γράμματα ταχέως ἔμαθον καὶ παλαίειν καὶ γεωμετρεῖν καὶ συλλογισμοὺς ἀναλύειν. μή τι οὖν οὐ πέπεικέ με λόγος; καὶ μὴν οὐκ ἄλλα τινὰ οὕτως ἐξ ἀρχῆς ἐδοκίμασα εἱλόμην καὶ νῦν περὶ τούτων ἀναγιγνώσκω, ταῦτα ἀκούω, ταῦτα γράφω· ἄλλον οὐχ εὑρήκαμεν μέχρι νῦν ἰσχυρότερον τούτου λόγον. τί οὖν τὸ λεῖπόν μοι ἐστίν; μὴ οὐκ ἐξῄρηται τἀναντία δόγματα; μὴ αὐταὶ αἱ ὑπολήψεις ἀγύμναστοί εἰσιν οὐδ´ εἰθισμέναι ἀπαντᾶν ἐπὶ τὰ ἔργα, ἀλλ´ ὡς ὁπλάρια ἀποκείμενα κατίωται καὶ οὐδὲ περιαρμόσαι μοι δύναται; καίτοι οὔτ´ ἐπὶ τοῦ παλαίειν οὔτ´ ἐπὶ τοῦ γράφειν ἀναγιγνώσκειν ἀρκοῦμαι τῷ μαθεῖν, ἀλλ´ ἄνω κάτω στρέφω τοὺς προτεινομένους καὶ ἄλλους πλέκω καὶ μεταπίπτοντας ὡσαύτως. τὰ δ´ ἀναγκαῖα θεωρήματα, ἀφ´ ὧν ἔστιν ὁρμώμενον ἄλυπον γενέσθαι, ἄφοβον ἀπαθῆ, ἀκώλυτον, ἐλεύθερον, ταῦτα δ´ οὐ γυμνάζω οὐδὲ μελετῶ κατὰ ταῦτα τὴν προσήκουσαν μελέτην. εἶτά μοι μέλει, τί οἱ ἄλλοι περὶ ἐμοῦ ἐροῦσιν, εἰ φανοῦμαι αὐτοῖς ἀξιόλογος, εἰ φανοῦμαι εὐδαίμων;‘ Ταλαίπωρε, οὐ θέλεις βλέπειν, τί σὺ λέγεις περὶ σαυτοῦ; τίς φαίνῃ σαυτῷ; τίς ἐν τῷ ὑπολαμβάνειν, τίς ἐν τῷ ὀρέγεσθαι, τίς ἐν τῷ ἐκκλίνειν· τίς ἐν ὁρμῇ, παρασκευῇ, ἐπιβολῇ, τοῖς ἄλλοις τοῖς ἀνθρωπικοῖς ἔργοις; ἀλλὰ μέλει σοι, εἴ σε ἐλεοῦσιν οἱ ἄλλοι; (-) Ναί· ἀλλὰ παρὰ τὴν ἀξίαν ἐλεοῦμαι. (-) Οὐκοῦν ἐπὶ τούτῳ ὀδυνᾷ; δέ γε ὀδυνώμενος ἐλεεινός ἐστιν; (-) Ναί. (-) Πῶς οὖν ἔτι παρὰ ἀξίαν ἐλεῇ; αὐτοῖς γὰρ οἷς περὶ τὸν ἔλεον πάσχεις κατασκευάζεις σεαυτὸν ἄξιον τοῦ ἐλεεῖσθαι. τί οὖν λέγει Ἀντισθένης; οὐδέποτ´ ἤκουσας; ’βασιλικόν, Κῦρε, πράττειν μὲν εὖ, κακῶς δ´ ἀκούειν‘. τὴν κεφαλὴν ὑγιᾶ ἔχω καὶ πάντες οἴονται ὅτι κεφαλαλγῶ. τί μοι μέλει; ἀπύρετός εἰμι καὶ ὡς πυρέσσοντί μοι συνάχθονται· ’τάλας, ἐκ τοσούτου χρόνου οὐ διέλειπες πυρέσσων‘. λέγω καὶ ἐγὼ σκυθρωπάσας ὅτιναί· ταῖς ἀληθείαις πολὺς ἤδη χρόνος, ἐξ οὗ μοι κακῶς ἐστιν‘. ’τί οὖν γένηται;‘ ὡς ἂν θεὸς θέλῃ. καὶ ἅμα ὑποκαταγελῶ τῶν οἰκτειρόντων με. τί οὖν κωλύει καὶ ἐνταῦθα ὁμοίως; πένης εἰμί, ἀλλὰ ὀρθὸν δόγμα ἔχω περὶ πενίας. τί οὖν μοι μέλει, εἴ μ´ ἐπὶ τῇ πενίᾳ ἐλεοῦσιν; οὐκ ἄρχω, ἄλλοι δ´ ἄρχουσιν. ἀλλ´ δεῖ ὑπειληφέναι, ὑπείληφα περὶ τοῦ ἄρχειν καὶ μὴ ἄρχειν. ὄψονται οἱ ἐλεοῦντές με, ἐγὼ δ´ οὔτε πεινῶ οὔτε διψῶ οὔτε ῥιγῶ, ἀλλ´ ἀφ´ ὧν αὐτοὶ πεινῶσιν διψῶσιν οἴονται κἀμέ. τί οὖν αὐτοῖς ποιήσω; περιερχόμενος κηρύσσω καὶ λέγωμὴ πλανᾶσθε, ἄνδρες, ἐμοὶ καλῶς ἐστιν· οὔτε πενίας ἐπιστρέφομαι οὔτε ἀναρχίας οὔτε ἁπλῶς ἄλλου οὐδενὸς δογμάτων ὀρθῶν· ταῦτα ἔχω ἀκώλυτα, οὐδενὸς πεφρόντικα ἔτι‘; καὶ τίς αὕτη φλυαρία; πῶς ἔτι ὀρθὰ δόγματα ἔχω μὴ ἀρκούμενος τῷ εἶναι ὅς εἰμι, ἀλλ´ ἐπτοημένος ὑπὲρ τοῦ δοκεῖν; [4,6b] Ne voudras-tu pas laisser là les autres hommes, et être à toi-même ton disciple et ton maître? Tu devrais dire : « Les autres verront s'il leur est utile de vivre et d'agir contrairement à la nature; pour moi, je n'ai personne qui me tienne de plus près que moi-même. Or, comment se fait-il que j'aie écouté les leçons des philosophes, que je partage leurs idées, et que dans la vie cependant je ne m'en sente pas allégé? Ma nature serait-elle si ingrate? Pourtant, dans toutes les autres choses que j'ai entreprises, on ne l'a pas trouvée trop ingrate. J'ai très vite appris les lettres, la lutte, la géométrie, l'analyse des syllogismes. Serait-ce que leurs raisons ne m'ont pas convaincu? Mais il n'en est pas qui m'aient jamais paru aussi bonnes depuis le premier mot, et que j'aie autant adoptées. De plus, c'est à elles aujourd'hui que se rapporte tout ce que je lis, tout ce que j'entends, tout ce que j'écris ; et nous n'avons pas jusqu'ici trouvé de raisons qui me parussent plus fortes. » Que me reste t-il donc à faire? N'ai-je pas détruit en moi les opinions contraires? Ou bien sont-ce là des principes qui restent en moi, sans que je les applique, sans que, d'habitude, je les mette en pratique, comme des armes que j'aurais déposées quelque part, que je laisserais s'y rouiller, et qui finiraient par ne plus m'aller? Certes, pas plus comme lecteur ou comme écrivain que comme lutteur, je ne m'en tiens à la théorie : au contraire, je tourne et retourne tout ce que l'on me présente, je combine d'autres raisonnements, et jusqu'à des sophismes. Mais quant à ces connaissances indispensables, sur lesquelles il faut s'appuyer pour s'élever au-dessus de la peine, au-dessus de la crainte, au-dessus des troubles, au-dessus des entraves, pour être libre enfin, celles-là je ne les mets pas en œuvre, je ne m'y attache pas comme je devrais m'y attacher. Et je m'inquiète après cela de ce que les autres diront de moi, de l'estime dont je leur paraîtrai digne, et du bonheur que je leur paraîtrai avoir ! » Malheureux! ne veux-tu pas voir comment tu te juges toi-même, ce que tu es à tes propres yeux, en fait d'opinions, en fait de désirs, en fait de craintes, en fait de volontés, de projets, d'entreprises, ou de tout autre mode de l'activité humaine? Ah ! tu t'occupes plutôt de savoir si les autres te prennent en pitié ! — Oui; mais ils me prennent en pitié sans que je le mérite. — Cela te fait de la peine, n'est-ce pas? Mais celui qui éprouve de la peine n'est-il pas à plaindre? — Oui. — Comment donc dire encore qu'on te prend en pitié sans que tu le mérites? La peine même que te fait éprouver la pitié, te rend digne de pitié. Que dit Antisthène? Ne l'as-tu pas appris? « Cyrus, c'est un lot de roi, que d'être bien, et d'entendre dire que l'on est mal. » Ma tête est en bon état, et tout le monde croit que la tête me fait mal. Qu'est-ce que cela me fait? Je n'ai point de fièvre, et tout le monde me plaint d'avoir la fièvre. « Malheureux ! me dit-on, voici tant de temps que la fièvre ne te quitte pas. » Et je dis à mon tour, en prenant un air chagrin : « Oui, en vérité, voici bien longtemps que je suis malade. » — « Et qu'arrivera-t-il? » — « Ce que Dieu voudra. » Et en même temps je ris tout bas de ceux qui me prennent en pitié. Eh bien ! qu'est-ce qui empêche de faire de même pour ce qui nous occupe? Je suis pauvre, mais j'ai de la pauvreté une opinion juste; que m'importe alors qu'on me prenne en pitié pour ma pauvreté ! Je ne suis pas magistrat, et d'autres le sont, mais je pense des magistratures et de la vie privée ce qu'on en doit penser; c'est à ceux qui me plaignent de faire attention à ce qu'ils pensent. Je n'ai pour ma part ni faim, ni soif, ni froid, mais eux, parce qu'ils ont faim et soif, s'imaginent qu'il en est de même de moi; que puis-je leur faire? Vais-je parcourir la ville, et proclamer à la façon d'un crieur public : « Hommes, ne vous y trompez pas : je ne m'inquiète ni de ma pauvreté, ni de ma condition privée; je ne m'inquiète absolument que d'une seule chose, de penser juste. Voilà ce qui dépend de moi, et je ne m'occupe pas du reste. » Qu'est-ce que ce serait que ce bavardage? Et comment aurais-je des idées justes, moi qui ne me contenterais pas d'être ce que je suis, et me tourmenterais pour le paraître?


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Dernière mise à jour : 18/05/2007