[6,1319b] τὴν δὲ τελευταίαν, διὰ τὸ πάντας κοινωνεῖν, οὔτε πάσης
ἐστὶ πόλεως φέρειν, οὔτε ῥᾴδιον διαμένειν μὴ τοῖς νόμοις καὶ τοῖς
ἔθεσιν εὖ συγκειμένην ἃ δὲ φθείρειν συμβαίνει καὶ ταύτην καὶ
τὰς ἄλλας πολιτείας, εἴρηται πρότερον τὰ πλεῖστα σχεδόν. πρὸς δὲ
τὸ καθιστάναι ταύτην τὴν δημοκρατίαν καὶ τὸν δῆμον ποιεῖν ἰσχυρὸν
εἰώθασιν οἱ προεστῶτες προσλαμβάνειν ὡς πλείστους καὶ ποιεῖν
πολίτας μὴ μόνον τοὺς γνησίους ἀλλὰ καὶ τοὺς νόθους καὶ τοὺς ἐξ
ὁποτερουοῦν πολίτου, λέγω δὲ οἷον πατρὸς ἢ μητρός: ἅπαν γὰρ
οἰκεῖον τοῦτο τῷ τοιούτῳ δήμῳ μᾶλλον. εἰώθασι μὲν οὖν οἱ
δημαγωγοὶ κατασκευάζειν οὕτω, δεῖ μέντοι προσλαμβάνειν μέχρι ἂν
ὑπερτείνῃ τὸ πλῆθος τῶν γνωρίμων καὶ τῶν μέσων, καὶ τούτου μὴ
πέρα προβαίνειν: ὑπερβάλλοντες γὰρ ἀτακτοτέραν τε ποιοῦσι
τὴν πολιτείαν, καὶ τοὺς γνωρίμους πρὸς τὸ χαλεπῶς ὑπομένειν τὴν
δημοκρατίαν παροξύνουσι μᾶλλον, ὅπερ συνέβη τῆς στάσεως αἴτιον
γενέσθαι περὶ Κυρήνην: ὀλίγον μὲν γὰρ πονηρὸν παρορᾶται, πολὺ δὲ
γινόμενον ἐν ὀφθαλμοῖς μᾶλλόν ἐστιν. ἔτι δὲ καὶ τὰ τοιαῦτα
κατασκευάσματα χρήσιμα πρὸς τὴν δημοκρατίαν τὴν τοιαύτην, οἷς
Κλεισθένης τε Ἀθήνησιν ἐχρήσατο βουλόμενος αὐξῆσαι τὴν
δημοκρατίαν, καὶ περὶ Κυρήνην οἱ τὸν δῆμον καθιστάντες. φυλαί τε
γὰρ ἕτεραι ποιητέαι πλείους καὶ φατρίαι, καὶ τὰ τῶν ἰδίων ἱερῶν
συνακτέον εἰς ὀλίγα καὶ κοινά, καὶ πάντα σοφιστέον ὅπως ἂν ὅτι
μάλιστα ἀναμειχθῶσι πάντες ἀλλήλοις, αἱ δὲ συνήθειαι
διαζευχθῶσιν αἱ πρότερον. ἔτι δὲ καὶ τὰ τυραννικὰ κατασκευάσματα
δημοτικὰ δοκεῖ πάντα, λέγω δ' οἷον ἀναρχία τε δούλων αὕτη δ' ἂν
εἴη μέχρι του συμφέρουσἀ καὶ γυναικῶν καὶ παίδων, καὶ τὸ ζῆν
ὅπως τις βούλεται παρορᾶν: πολὺ γὰρ ἔσται τὸ τῇ τοιαύτῃ πολιτείᾳ
βοηθοῦν: ἥδιον γὰρ τοῖς πολλοῖς τὸ ζῆν ἀτάκτως ἢ τὸ σωφρόνως.
CHAPITRE III.
ἔστι δὲ {ἔργον} τοῦ νομοθέτου καὶ τῶν βουλομένων συνιστάναι τινὰ
τοιαύτην πολιτείαν οὐ τὸ καταστῆσαι μέγιστον ἔργον οὐδὲ
μόνον, ἀλλ' ὅπως σῴζηται μᾶλλον: μίαν γὰρ ἢ δύο ἢ τρεῖς ἡμέρας οὐ
χαλεπὸν μεῖναι πολιτευομένους ὁπωσοῦν. διὸ δεῖ, περὶ ὧν
τεθεώρηται πρότερον, τίνες σωτηρίαι καὶ φθοραὶ τῶν πολιτειῶν, ἐκ
τούτων πειρᾶσθαι κατασκευάζειν τὴν ἀσφάλειαν, εὐλαβουμένους
μὲν τὰ φθείροντα, τιθεμένους δὲ τοιούτους νόμους, καὶ τοὺς
ἀγράφους καὶ τοὺς γεγραμμένους,
| [6,1319b] § 9. Quant à cette forme dernière de la démagogie, où l'universalité des citoyens
prend part au gouvernement, tout État n'est pas fait pour la supporter; et
l'existence en est fort précaire, à moins que les moeurs et les lois ne s'accordent à la
maintenir. Nous avons indiqué plus haut la plupart des causes qui ruinent cette
forme politique et les autres États républicains.
Pour établir ce genre de démocratie et transférer tout le pouvoir au peuple, les
meneurs tâchent ordinairement d'inscrire aux rôles civiques le plus de gens qu'ils
peuvent ; ils n'hésitent point à comprendre au nombre des citoyens non seulement
ceux qui sont dignes de ce titre, mais aussi tous les citoyens bâtards, et tous ceux
qui ne le sont que d'un des deux côtés : je veux dire soit du côté du père, soit du
côté de la mère. Tous ces éléments sont bons pour former le gouvernement que ces
hommes-là dirigent.
§ 10. Ce sont des moyens tout à fait à la portée des démagogues. Toutefois, qu'ils
n'en fassent usage que jusqu'à ce que les classes inférieures l'emportent en nombre
sur les hautes classes, et les classes moyennes; qu'ils se gardent bien d'aller au
delà; car en dépassant cette limite, on se donne une foule indisciplinable, et l'on
exaspère les classes élevées, qui supportent si difficilement l'empire de la
démocratie. La révolution de Cyrène n'eut point d'autres causes. On ne remarque
point le mal tant qu'il est léger; mais il s'accroît, et il frappe alors tous les yeux.
§ 11. On peut, dans l'intérêt de cette démocratie, employer les moyens dont
Clisthène fit usage à Athènes pour fonder le pouvoir populaire, et qu'appliquèrent
aussi les démocrates de Cyrène. Il faut créer en plus grand nombre de nouvelles
tribus, de nouvelles phratries; il faut substituer aux sacrifices particuliers des fêtes
religieuses, peu fréquentes mais publiques; il faut confondre autant que possible
les relations des citoyens entre eux, en ayant soin de rompre toutes les associations
antérieures.
§ 12. Toutes les ruses des tyrans peuvent même trouver place dans cette
démocratie, par exemple, la désobéissance permise aux esclaves, chose peut-être
utile jusqu'à certain point, la licence des femmes et des enfants. On accordera de
plus à chacun la faculté de vivre comme bon lui semble. A cette condition, bien
des gens ne demanderont pas mieux que de soutenir le gouvernement; car les
hommes en général préfèrent une vie sans discipline à une vie sage et régulière.
CHAPITRE III.
§ 1. Pour le législateur et pour ceux qui veulent fonder un gouvernement
démocratique, instituer ce gouvernement n'est ni la seule ni la plus grande
difficulté; c'est bien plutôt de savoir le faire vivre. Un gouvernement quel qu'il soit
peut toujours bien durer deux ou trois jours. Mais en étudiant, comme nous
l'avons fait plus haut, les causes de salut et de ruine pour les États, on peut essayer
de tirer de cet examen des garanties de stabilité politique, en écartant avec soin
toutes les chances de dissolution et en ne faisant que des lois, formelles ou tacites,
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