[4] Καθόλου μὲν εἰπεῖν, ὃ κατὰ τῶν τεχνῶν καὶ
τῶν ἐπιστημῶν λέγειν εἰώθαμεν, ταὐτὸ καὶ κατὰ
τῆς ἀρετῆς φατέον ἐστίν, ὡς εἰς τὴν παντελῆ
δικαιοπραγίαν τρία δεῖ συνδραμεῖν, φύσιν καὶ
λόγον καὶ ἔθος. καλῶ δὲ λόγον μὲν τὴν μάθησιν,
ἔθος δὲ τὴν ἄσκησιν. εἰσὶ δ´ αἱ μὲν ἀρχαὶ τῆς
φύσεως, αἱ δὲ προκοπαὶ τῆς μαθήσεως, αἱ δὲ
χρήσεις τῆς μελέτης, αἱ δ´ ἀκρότητες πάντων.
καθ´ ὃ δ´ ἂν λειφθῇ τούτων, κατὰ τοῦτ´ ἀνάγκη
χωλὴν γίγνεσθαι τὴν ἀρετήν. ἡ μὲν γὰρ φύσις
ἄνευ μαθήσεως τυφλόν, ἡ δὲ μάθησις δίχα φύσεως
ἐλλιπές, ἡ δ´ ἄσκησις χωρὶς ἀμφοῖν ἀτελές. ὥσπερ
δ´ ἐπὶ τῆς γεωργίας πρῶτον μὲν ἀγαθὴν ὑπάρξαι
δεῖ τὴν γῆν, εἶτα δὲ τὸν φυτουργὸν ἐπιστήμονα,
εἶτα τὰ σπέρματα σπουδαῖα, τὸν αὐτὸν τρόπον
γῇ μὲν ἔοικεν ἡ φύσις, γεωργῷ δ´ ὁ παιδεύων,
σπέρματι δ´ αἱ τῶν λόγων ὑποθῆκαι καὶ τὰ παραγγέλματα.
ταῦτα πάντα διατεινάμενος ἂν εἴποιμ´
ὅτι συνῆλθε καὶ συνέπνευσεν εἰς τὰς τῶν παρ´
ἅπασιν ᾀδομένων ψυχάς, Πυθαγόρου καὶ Σωκράτους
καὶ Πλάτωνος καὶ τῶν ὅσοι δόξης ἀειμνήστου τετυχήκασιν.
Εὔδαιμον μὲν οὖν καὶ θεοφιλὲς εἴ τῳ ταῦτα
πάντα θεῶν τις ἀπέδωκεν. εἰ δέ τις οἴεται τοὺς
οὐκ εὖ πεφυκότας μαθήσεως καὶ μελέτης τυχόντας
ὀρθῆς πρὸς ἀρετὴν οὐκ ἂν τὴν τῆς φύσεως ἐλάττωσιν
εἰς τοὐνδεχόμενον ἀναδραμεῖν, ἴστω πολλοῦ,
μᾶλλον δὲ τοῦ παντὸς διαμαρτάνων. φύσεως μὲν
γὰρ ἀρετὴν διαφθείρει ῥᾳθυμία, φαυλότητα δ´
ἐπανορθοῖ διδαχή· καὶ τὰ μὲν ῥᾴδια τοὺς ἀμελοῦντας
φεύγει, τὰ δὲ χαλεπὰ ταῖς ἐπιμελείαις
ἁλίσκεται. καταμάθοις δ´ ἂν ὡς ἀνύσιμον πρᾶγμα
καὶ τελεσιουργὸν ἐπιμέλεια καὶ πόνος ἐστίν, ἐπὶ
πολλὰ τῶν γιγνομένων ἐπιβλέψας. σταγόνες μὲν
γὰρ ὕδατος πέτρας κοιλαίνουσι, σίδηρος δὲ καὶ
χαλκὸς ταῖς ἐπαφαῖς τῶν χειρῶν ἐκτρίβονται, οἱ
δ´ ἁρμάτειοι τροχοὶ πόνῳ καμφθέντες οὐδ´ ἂν εἴ
τι γένοιτο τὴν ἐξ ἀρχῆς δύναιντ´ ἀναλαβεῖν εὐθυωρίαν·
τάς γε μὴν καμπύλας τῶν ὑποκριτῶν
βακτηρίας ἀπευθύνειν ἀμήχανον, ἀλλὰ τὸ παρὰ
φύσιν τῷ πόνῳ τοῦ κατὰ φύσιν ἐγένετο κρεῖττον.
καὶ μόνα ἆρα ταῦτα τὴν τῆς ἐπιμελείας ἰσχὺν
διαδείκνυσιν; οὔκ, ἀλλὰ καὶ μυρί´ ἐπὶ μυρίοις.
ἀγαθὴ γῆ πέφυκεν· ἀλλ´ ἀμεληθεῖσα χερσεύεται,
καὶ ὅσῳ τῇ φύσει βελτίων ἐστί, τοσούτῳ μᾶλλον
ἐξαργηθεῖσα δι´ ἀμέλειαν ἐξαπόλλυται. ἀλλ´ ἔστι
τις ἀπόκροτος καὶ τραχυτέρα τοῦ δέοντος· ἀλλὰ
γεωργηθεῖσα παραυτίκα γενναίους καρποὺς ἐξήνεγκε.
ποῖα δὲ δένδρα οὐκ ὀλιγωρηθέντα μὲν
στρεβλὰ φύεται καὶ ἄκαρπα καθίσταται, τυχόντα δ´
ὀρθῆς παιδαγωγίας ἔγκαρπα γίγνεται καὶ τελεσφόρα;
ποία δὲ σώματος ἰσχὺς οὐκ ἐξαμβλοῦται
καὶ καταφθίνει δι´ ἀμέλειαν καὶ τρυφὴν καὶ καχεξίαν;
τίς δ´ ἀσθενὴς φύσις οὐ τοῖς γυμνασαμένοις
καὶ καταθλήσασι πλεῖστον εἰς ἰσχὺν ἐπέδωκε; τίνες
δ´ ἵπποι καλῶς πωλοδαμνηθέντες οὐκ εὐπειθεῖς
ἐγένοντο τοῖς ἀναβάταις; τίνες δ´ ἀδάμαστοι
μείναντες οὐ σκληραύχενες καὶ θυμοειδεῖς ἀπέβησαν;
καὶ τί δεῖ τἄλλα θαυμάζειν, ὅπου γε τῶν
θηρίων τῶν ἀγριωτάτων ὁρῶμεν πολλὰ καὶ τιθασευόμενα
καὶ χειροήθη γιγνόμενα τοῖς πόνοις; εὖ δὲ
καὶ ὁ Θετταλὸς ἐρωτηθεὶς τίνες εἰσὶν οἱ ἠπιώτατοι
Θετταλῶν, ἔφη "οἱ παυόμενοι πολεμεῖν." καὶ τί
δεῖ τὰ πολλὰ λέγειν; καὶ γὰρ τὸ ἦθος ἔθος ἐστὶ
πολυχρόνιον, καὶ τὰς ἠθικὰς ἀρετὰς ἐθικὰς ἄν τις
λέγῃ, οὐκ ἄν τι πλημμελεῖν δόξειεν. ἑνὶ δὲ περὶ
τούτων ἔτι παραδείγματι χρησάμενος ἀπαλλάξομαι
τοῦ ἔτι περὶ αὐτῶν μηκύνειν. Λυκοῦργος γὰρ ὁ
τῶν Λακεδαιμονίων νομοθέτης δύο σκύλακας τῶν
αὐτῶν γονέων λαβὼν οὐδὲν ὁμοίως ἀλλήλοις
ἤγαγεν, ἀλλὰ τὸν μὲν λίχνον ἀπέφηνε καὶ σινάμωρον,
τὸν δ´ ἐξιχνεύειν καὶ θηρᾶν δυνατόν. εἶτά
ποτε τῶν Λακεδαιμονίων εἰς ταὐτὸ συνειλεγμένων,
"μεγάλη τοι ῥοπὴ πρὸς ἀρετῆς κύησίν ἐστιν,
ἄνδρες," ἔφησε, "Λακεδαιμόνιοι, καὶ ἔθη καὶ
παιδεῖαι καὶ διδασκαλίαι καὶ βίων ἀγωγαί, καὶ
ἐγὼ ταῦθ´ ὑμῖν αὐτίκα δὴ μάλα ποιήσω φανερά."
εἶτα προσαγαγὼν τοὺς δύο σκύλακας διαφῆκε,
καταθεὶς εἰς μέσον λοπάδα καὶ λαγωὸν κατευθὺ
τῶν σκυλάκων. καὶ ὁ μὲν ἐπὶ τὸν λαγωὸν ᾖξεν, ὁ δ´
ἐπὶ τὴν λοπάδα ὥρμησε. τῶν δὲ Λακεδαιμονίων
οὐδέπω συμβαλεῖν ἐχόντων τί ποτ´ αὐτῷ τοῦτο
δύναται καὶ τί βουλόμενος τοὺς σκύλακας ἐπεδείκνυεν,
"οὗτοι γονέων," ἔφη, "τῶν αὐτῶν ἀμφότεροι,
διαφόρου δὲ τυχόντες ἀγωγῆς ὁ μὲν λίχνος
ὁ δὲ θηρευτὴς ἀποβέβηκε." καὶ περὶ μὲν ἐθῶν
καὶ βίων ἀρκείτω ταῦτα.
| [4] Une considération dominera tout le sujet. Ce que nous
avons càutume de dire sur les arts et les sciences, il faut le
dire également sur la vertu. La vertu parfaite exige le concours
de trois éléments, la nature, la raison et l'habitude,
ce que j appelle raison étant l'instruction, et ce que j'appelle
habitude étant l'exercice. Les commencements, il faut les
demander (à la nature ; les méthodes) à l'instruction ;
l'habitude, à une pratique constante ; la perfection, aux trois
éléments réunis. Selon que les unes ou les autres de ces conditions
laisseront à désirer, il y aura, de toute nécessité, défaillance
dans la vertu. Car la nature sans instruction est
chose aveugle, l'instruction sans la nature, chose défectueuse,
et enfin l'exercice sans la nature et sans l'instruction
ne saurait aboutir à rien. De même qu'en agriculture il faut
d'abord un bon sol, ensuite un cultivateur intelligent, puis
des semences de bonne qualité, de même le sol ici, c'est
la nature ; l'agriculteur, c'est celui qui instruit ; enfin les
semences, ce sont les doctrines inculquées, les préceptes.
Ces trois éléments, je le dis avec assurance, ont concouru et
conspiré pour former les âmes des nobles mortels que célèbrent
les louanges de l'univers entier, les âmes des Pythagore,
des Socrate, des Platon, et de tous ceux qui ont acquis
une gloire à jamais consacrée par le souvenir. Heureux donc
et chéri du ciel, celui qu'un Dieu aura gratifié de tous ces
avantages ! Mais n'allez pas croire que, pour être doué d'une
nature moins heureuse, on ne puisse pas, à l'aide d'une instruction
et d'un exercice habilement dirigés vers la vertu,
réparer, dans la mesure de ses moyens, l'insuffisance naturelle :
ce serait, sachez-le, une grave erreur, ou plutôt une
erreur capitale. L'excellence de la nature se corrompt par la
mollesse, et sa défectuosité se répare au moyen de l'étude.
Les choses les plus faciles échappent à ceux qui y apportent
de la négligence, et à force de soin on triomphe des plus difficiles.
Voulez-vous connaître combien l'application et le travail
ont de résultat et d'efficacité? Portez les yeux sur presque
tout ce qui se passe autour de nous. Des gouttes d'eau
creusent des pierres ; le fer et le bronze s'amincissent sous
les doigts qui les manient ; les roues des chariots une fois
cambrées avec effort ne sauraient, quoi qu'il arrive, reprendre
la forme rectiligne que leur bois avait primitivement;
les bâtons recourbés que portent les comédiens ne pourraient
se redresser. Si bien, que ce qui est contre nature
devient, grâce au travail, plus fort que la nature même. Et
ces exemples sont-ils les seuls qui démontrent la puissance
de l'exercice ? Non : car on en pourrait produire milliers
sur milliers. Une terre est bonne par elle-même : qu'on ne
s'en occupe point, elle devient stérile; et plus elle est féconde
naturellement, plus, quand on la néglige, elle se détériore,
faute de soin. Au contraire, qu'un sol raboteux et âpre au
delà de toute proportion soit soumis à la culture, il aura donné
bientôt une récolte excellente. Quels arbres ne deviennent,
si l'on s'en occupe peu, tortus et inféconds ; et s'ils sont
l'objet d'une direction intelligente, productifs et chargés de
fruits ? Quelle est la force corporelle qui ne s'abâtardit et ne
s'épuise par suite de la négligence, de la mollesse, de la
mauvaise qualité du régime ? Quelle nature chétive n'acquiert
pas une vigueur considérable à force d'exercices et de
luttes constantes ? Quels chevaux habilement dressés dès la
jeunesse, ne sont pas devenus dociles à ceux qui les montent?
Quels d'entre eux, restés sans qu'on les domptât, n'ont pas
opposé une dureté de bouche et une férocité extrêmes ?
Citerai-je d'autres exemples aussi étonnants ? Parmi les bêtes
sauvages les plus intraitables nous en voyons un grand
nombre qu'on adoucit et qu'on apprivoise à force de soins.
Ce Thessalien avait raison : quelqu'un lui demandait quels
étaient les plus placides d'entre les Thessaliens ; il répondit :
«Ceux qui cessent d'aller à la guerre". Pourquoi insisterais-je
plus longuement ? Le caractère n'est rien autre chose
qu'une habitude prolongée ; et les vertus appelées vertus
morales pourraient, sans la moindre impropriété de terme,
être dites vertus d'habitude. Un seul exemple encore sur
ces matières , et je m'abstiendrai de tout développement
ultérieur. Lycurgue, le législateur de Lacédémone, prit deux
petits chiens nés du même père et de la même mère, et il
ne les éleva pas du tout semblablement l'un et l'autre. Il
rendit l'un gourmand et voleur, il habitua l'autre à suivre la
piste et à chasser. Puis, un jour que les Lacédémoniens
étaient réunis dans une même enceinte : "Lacédémoniens,
dit-il, pour engendrer la vertu rien ne déploie une influence
plus considérable que les habitudes, les exercices, les enseignements,
la direction imprimée â la vie ; et c'est une vérité
que je vais à l'instant vous démontrer de la façon la plus
évidente.» Sur ce, ayant fait amener ses deux chiens, il les
lâcha après avoir mis à leur portée et devant eux une assiette
de viande et un lièvre. L'un s'élança à la poursuite du lièvre,
l'autre se jeta sur l'assiette. Les Lacédémoniens ne savaient
pas deviner encore sa pensée, ni dans quelle intention il leur
avait montré les deux chiens. "Ils sont nés, continua Lycurgue,
du même père et de la même mère; mais comme ils ont
reçu une éducation différente, l'un est devenu gourmand, et
l'autre, chasseur.» Relativement aux habitudes et au genre
de vie, nous en avons dit assez.
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