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[10,31] Τὴν διαλεκτικὴν ὡς παρέλκουσαν ἀποδοκιμάζουσιν· ἀρκεῖν γὰρ τοὺς
φυσικοὺς χωρεῖν κατὰ τοὺς τῶν πραγμάτων φθόγγους.
Ἐν τοίνυν τῷ Κανόνι λέγων ἐστὶν ὁ Ἐπίκουρος κριτήρια τῆς ἀληθείας εἶναι
τὰς αἰσθήσεις καὶ προλήψεις καὶ τὰ πάθη, οἱ δ' Ἐπικούρειοι καὶ τὰς
φανταστικὰς ἐπιβολὰς τῆς διανοίας· λέγει δὲ καὶ ἐν τῇ πρὸς Ἡρόδοτον
ἐπιτομῇ καὶ ἐν ταῖς Κυρίαις δόξαις·
« Πᾶσα γάρ, » φησίν, « αἴσθησις ἄλογός ἐστι καὶ μνήμης οὐδεμιᾶς δεκτική·
οὔτε γὰρ ὑφ' αὑτῆς κινεῖται οὔτε ὑφ' ἑτέρου κινηθεῖσα δύναταί τι
προσθεῖναι ἢ ἀφελεῖν·
| [10,31] Au reste, les épicuriens rejettent la dialectique comme superflue, et
en donnent pour raison que ce que les physiciens disent sur les noms des
choses suffit.
Épicure dit donc, dans son livre intitulé Canon, que « les moyens de
connaître la vérité sont les sens, les notions antécédentes, et les
passions. » Les sectateurs de ce philosophe y ajoutent les idées qui
se présentent à l'esprit, et voici ce qu'Épicure lui-même dit dans son
Abrégé à Hérodote, et dans ses opinions principales :
« Les sens, dit-il, ne renferment point de raison, ils ne conservent aucun
souvenir des choses ; car ils ne se meuvent point eux-mêmes, et ne peuvent
ni rien ajouter au mouvement qu'ils reçoivent, ni en rien diminuer. Ils ne
sont aussi soumis à aucune direction ;
| [10,32] οὐδὲ ἔστι τὸ δυνάμενον αὐτὰς διελέγξαι. Οὔτε
γὰρ ἡ ὁμογένεια αἴσθησις τὴν ὁμογενῆ διὰ τὴν ἰσοσθένειαν, οὔθ' ἡ
ἀνομογένεια τὴν ἀνομογένειαν, οὐ γὰρ τῶν αὐτῶν εἰσι κριτικαί· οὔτε μὴν
λόγος, πᾶς γὰρ λόγος ἀπὸ τῶν αἰσθήσεων ἤρτηται. Οὔθ' ἡ ἑτέρα τὴν ἑτέραν,
πάσαις γὰρ προσέχομεν. Καὶ τὸ τὰ ἐπαισθήματα δ' ὑφεστάναι πιστοῦται τὴν
τῶν αἰσθήσεων ἀλήθειαν. Ὑφέστηκε δὲ τό τε ὁρᾶν ἡμᾶς καὶ ἀκούειν ὥσπερ τὸ
ἀλγεῖν· ὅθεν καὶ περὶ τῶν ἀδήλων ἀπὸ τῶν φαινομένων χρὴ σημειοῦσθαι. Καὶ
γὰρ καὶ ἐπίνοιαι πᾶσαι ἀπὸ τῶν αἰσθήσεων γεγόνασι κατά τε περίπτωσιν καὶ
ἀναλογίαν καὶ ὁμοιότητα καὶ σύνθεσιν, συμβαλλομένου τι καὶ τοῦ λογισμοῦ.
Τά τε τῶν μαινομένων φαντάσματα καὶ <τὰ> κατ' ὄναρ ἀληθῆ, κινεῖ γάρ· τὸ δὲ
μὴ ὂν οὐ κινεῖ. »
| [10,32] car une sensation homogène ne peut en rectifier
une autre de même espèce, parce qu'elles ont une force égale ;
non plus qu'une sensation hétérogène n'en peut rectifier une
semblable, parce que les objets dont elles jugent ne sont pas les mêmes.
Pareillement, différentes sensations ne peuvent se rectifier l'une
l'autre, vu que dans ce que nous disons nous avons égard à toutes. On ne
peut pas même dire que la raison conduise les sens, puisqu'elle dépend
d'eux. Ainsi la réalité des sensations établit la certitude des sens. En
effet, il est aussi certain que nous voyons et que nous entendons, qu'il
est certain que nous sentons de la douleur ; de sorte qu'il faut juger des
choses que nous n'apercevons point, par les signes que nous en donnent
celles que nous découvrons. On doit encore convenir que toutes nos idées
viennent des sens, et se forment par incidence, par analogie, ressemblance
et composition, à l'aide du raisonnement, qui y contribue en quelque
sorte. Les idées même des gens qui ont l'esprit troublé, et celles qui
nous naissent dans les songes, sont réelles, puisqu'elles se trouvent
accompagnées de mouvement, et que ce qui n'existe pas n'en peut
produire aucun. »
| [10,33] Τὴν δὲ πρόληψιν λέγουσιν οἱονεὶ κατάληψιν ἢ δόξαν ὀρθὴν ἢ ἔννοιαν ἢ
καθολικὴν νόησιν ἐναποκειμένην, τουτέστι μνήμην τοῦ πολλάκις ἔξωθεν
φανέντος, οἷον τὸ « Τοιοῦτόν ἐστιν ἄνθρωπος· » ἅμα γὰρ τῷ ῥηθῆναι ἄνθρωπος
εὐθὺς κατὰ πρόληψιν καὶ ὁ τύπος αὐτοῦ νοεῖται προηγουμένων τῶν αἰσθήσεων.
Παντὶ οὖν ὀνόματι τὸ πρώτως ὑποτεταγμένον ἐναργές ἐστι· καὶ οὐκ ἂν
ἐζητήσαμεν τὸ ζητούμενον εἰ μὴ πρότερον ἐγνώκειμεν αὐτό· οἷον Τὸ πόρρω
ἑστὼς ἵππος ἐστὶν ἢ βοῦς· δεῖ γὰρ κατὰ πρόληψιν ἐγνωκέναι ποτὲ ἵππου καὶ
βοὸς μορφήν· οὐδ' ἂν ὠνομάσαμέν τι μὴ πρότερον αὐτοῦ κατὰ πρόληψιν τὸν
τύπον μαθόντες. Ἐναργεῖς οὖν εἰσιν αἱ προλήψεις·
καὶ τὸ δοξαστὸν ἀπὸ προτέρου τινὸς ἐναργοῦς ἤρτηται, ἐφ' ὃ ἀναφέροντες
λέγομεν, οἷον « Πόθεν ἴσμεν εἰ τοῦτό ἐστιν ἄνθρωπος; »
| [10,33] Par ce que les épicuriens appellent notions antécédentes, ils
entendent une espèce de compréhension, soit opinion vraie, soit pensée ou
acte inné et universel de l'entendement, c'est-à-dire le souvenir d'une
chose qui s'est souvent représentée à nous extérieurement, comme dans
cette proposition : « L'homme est disposé de cette manière. » En même
temps que le mot d'homme se prononce, l'idée de la figure de l'homme se
représente à l'esprit en vertu des notions antécédentes, dans lesquelles
les sens nous servent de guide. Ainsi l'évidence d'une chose est liée avec
le nom qu'elle porte originairement. En effet, nous ne saurions rechercher
une chose, sans nous être formé auparavant l'idée de l'objet qui fait le
sujet de notre recherche. Par exemple, pour juger si une chose qu'on voit
de loin est un cheval ou un bœuf, il faut avoir premièrement l'idée de ces
deux animaux ; et nous ne pourrions nommer aucune chose, sans en avoir
auparavant acquis l'idée par les notions antécédentes, d'où s'ensuit que
ces notions sont évidentes.
Il faut encore remarquer que toute opinion que l'on conçoit dépend d'une
chose antécédente déjà connue comme évidente, et à laquelle nous la
rapportons, comme dans cette question : « D'où savons-nous que c'est là un
homme, ou non? »
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