[4,1j] Ὥστε Σωκράτης οὐκ ἔπραξε κακῶς; (-) Οὔ, ἀλλ´ οἱ
δικασταὶ καὶ οἱ κατήγοροι. (-) Οὐδ´ ἐν Ῥώμῃ Ἑλουίδιος; (-) Οὔ, ἀλλ´ ὁ ἀποκτείνας
αὐτόν. (-) Πῶς λέγεις;
(-) Ὡς καὶ σὺ ἀλεκτρυόνα οὐ λέγεις κακῶς πρᾶξαι τὸν
νικήσαντα καὶ κατακοπέντα, ἀλλὰ τὸν ἀπλῆγα ἡττηθέντα· οὐδὲ κύνα
εὐδαιμονίζεις τὸν μήτε διώκοντα
μήτε πονοῦντα, ἀλλ´ ὅταν ἱδρῶντα ἴδῃς, ὅταν ὀδυνώμενον, ὅταν ῥηγνύμενον
ὑπὸ τοῦ δρόμου. τί παραδοξολογοῦμεν, εἰ λέγομεν παντὸς κακὸν εἶναι τὸ παρὰ
τὴν ἐκείνου φύσιν; τοῦτο παράδοξόν ἐστιν; σὺ γὰρ αὐτὸ
ἐπὶ πάντων τῶν ἄλλων οὐ λέγεις; διὰ τί ἐπὶ μόνου οὖν
τοῦ ἀνθρώπου ἄλλως φέρῃ; ἀλλ´ ὅτι λέγομεν ἥμερον
εἶναι τοῦ ἀνθρώπου τὴν φύσιν καὶ φιλάλληλον
καὶ πιστήν, τοῦτο παράδοξον οὐκ ἔστιν; (-) Οὐδὲ
τοῦτο. (-) Πῶς οὖν ἔτι οὐ δερόμενος βλάπτεται ἢ δεσμευόμενος ἢ
ἀποκεφαλιζόμενος; οὐχὶ οὕτως μέν· εἰ
γενναίως πάσχει, καὶ προσκερδαίνων καὶ προσωφελούμενος ἀπέρχεται, ἐκεῖνος
δὲ βλαπτόμενός ἐστιν ὁ τὰ
οἰκτρότατα πάσχων καὶ αἴσχιστα, ὁ ἀντὶ ἀνθρώπου λύκος γινόμενος ἢ ἔχις ἢ
σφήξ; Ἄγε οὖν ἐπέλθωμεν τὰ ὡμολογημένα. ὁ ἀκώλυτος
ἄνθρωπος ἐλεύθερος, ᾧ πρόχειρα τὰ πράγματα ὡς βούλεται. ὃν δ´ ἔστιν ἢ
κωλῦσαι ἢ ἀναγκάσαι ἢ ἐμποδίσαι
ἢ ἄκοντα εἴς τι ἐμβαλεῖν, δοῦλός ἐστιν. τίς δ´ ἀκώλυτος; ὁ μηδενὸς τῶν
ἀλλοτρίων ἐφιέμενος. τίνα δ´ ἀλλότρια; ἃ οὐκ ἔστιν ἐφ´ ἡμῖν οὔτ´ ἔχειν οὔτε μὴ
ἔχειν οὔτε ποιὰ ἔχειν ἢ πῶς ἔχοντα. οὐκοῦν τὸ σῶμα ἀλλότριον, τὰ μέρη αὐτοῦ
ἀλλότρια, ἡ κτῆσις ἀλλοτρία. ἂν
οὖν τινι τούτων ὡς ἰδίῳ προσπαθῇς, δώσεις δίκας
ἃς ἄξιον τὸν τῶν ἀλλοτρίων ἐφιέμενον. αὕτη ἡ
ὁδὸς ἐπ´ ἐλευθερίαν ἄγει, αὕτη μόνη ἀπαλλαγὴ δουλείας,
{μόνῃ} τὸ δυνηθῆναί ποτ´ εἰπεῖν ἐξ ὅλης ψυχῆς τὸ
ἄγου δέ μ´, ὦ Ζεῦ, καὶ σύ γ´ ἡ Πεπρωμένη,
ὅποι ποθ´ ὑμῖν εἰμι διατεταγμένος.
Ἀλλὰ τί λέγεις, φιλόσοφε; καλεῖ σε ὁ τύραννος
ἐροῦντά τι ὧν οὐ πρέπει σοι. λέγεις ἢ οὐ λέγεις; εἰπέ
μοι. (-) Ἄφες σκέψωμαι. (-) Νῦν σκέψῃ; ὅτε δ´ ἐν τῇ σχολῇ
ἦς, τί ἐσκέπτου; οὐκ ἐμελέτας, τίνα ἐστὶ τὰ ἀγαθὰ
καὶ τὰ κακὰ καὶ τίνα οὐδέτερα; (-) Ἐσκεπτόμην. (-)
Τίνα οὖν ἤρεσκεν ὑμῖν; (-) Τὰ δίκαια καὶ καλὰ ἀγαθὰ εἶναι,
τὰ ἄδικα καὶ αἰσχρὰ κακά. (-) Μή τι τὸ ζῆν ἀγαθόν;
(-) Οὔ. (-) Μή τι τὸ ἀποθανεῖν κακόν; (-) Οὔ. (-) Μή τι
φυλακή; (-) Οὔ. (-) Λόγος δ´ ἀγεννὴς καὶ ἄπιστος καὶ
φίλου προδοσία καὶ κολακεία τυράννου τί ὑμῖν ἐφαίνετο; (-) Κακά. (-) Τί οὖν;
οὐχὶ σκέπτῃ, οὐχὶ δ´ ἔσκεψαι καὶ βεβούλευσαι. ποία γὰρ σκέψις, εἰ καθήκει μοὶ
δυναμένῳ τὰ μέγιστα ἀγαθὰ ἐμαυτῷ περιποιῆσαι, τὰ
μέγιστα κακὰ μὴ περιποιῆσαι; καλὴ σκέψις καὶ ἀναγκαία, πολλῆς βουλῆς
δεομένη. τί ἡμῖν ἐμπαίζεις, ἄνθρωπε; οὐδέποτε τοιαύτη σκέψις γίνεται. οὐδ´ εἰ
ταῖς ἀληθείαις κακὰ μὲν ἐφαντάζου τὰ αἰσχρά, τὰ δ´ ἄλλα
οὐδέτερα, ἦλθες ἂν ἐπὶ ταύτην τὴν ἐπίστασιν, οὐδ´
ἐγγύς· ἀλλ´ αὐτόθεν διακρίνειν εἶχες, ὥσπερ ὄψει τῇ
διανοίᾳ. πότε γὰρ σκέπτῃ, εἰ τὰ μέλανα λευκά ἐστιν, εἰ
τὰ βαρέα κοῦφα; οὐχὶ δὲ τοῖς ἐναργῶς φαινομένοις
ἐπακολουθεῖς; πῶς οὖν νῦν σκέπτεσθαι λέγεις, εἰ τὰ
οὐδέτερα τῶν κακῶν φευκτότερα; ἀλλ´ οὐκ ἔχεις τὰ
δόγματα ταῦτα, ἀλλὰ φαίνεταί σοι οὔτε ταῦτα οὐδέτερα, ἀλλὰ τὰ μέγιστα κακά,
οὔτ´ ἐκεῖνα κακά, ἀλλ´ οὐδὲν πρὸς ἡμᾶς. οὕτως γὰρ ἐξ ἀρχῆς εἴθισας σεαυτόν·
‘ποῦ εἰμι; ἐν σχολῇ. καὶ ἀκούουσί μου τίνες; λέγω
μετὰ τῶν φιλοσόφων. ἀλλ´ ἐξελήλυθα τῆς σχολῆς·
ἆρον ἐκεῖνα τὰ τῶν σχολαστικῶν καὶ τῶν μωρῶν.’ οὕτως καταμαρτυρεῖται φίλος
ὑπὸ φιλοσόφου, οὕτως παρασιτεῖ φιλόσοφος, οὕτως ἐπ´ ἀργυρίῳ ἐκμισθοῖ
ἑαυτόν, οὕτως ἐν συγκλήτῳ τις οὐ λέγει τὰ φαινόμενα·
ἔνδοθεν τὸ δόγμα αὐτοῦ βοᾷ, οὐ ψυχρὸν καὶ ταλαίπωρον ὑποληψείδιον ἐκ
λόγων εἰκαίων ὡς ἐκ τριχὸς ἠρτημένον, ἀλλὰ ἰσχυρὸν καὶ χρηστικὸν καὶ ὑπὸ τοῦ
διὰ τῶν ἔργων γεγυμνάσθαι μεμυημένον. παραφύλαξον
σαυτόν, πῶς ἀκούεις (-) οὐ λέγω, ὅτι τὸ παιδίον σου
ἀπέθανεν· πόθεν σοι; ἀλλ´ ὅτι σου τὸ ἔλαιον ἐξεχέθη,
ὁ οἶνος ἐξεπόθη, ἵνα τις ἐπιστὰς διατεινομένῳ σοι τοῦτ´
αὐτὸ μόνον εἴπῃ ‘φιλόσοφε, ἄλλα λέγεις ἐν τῇ σχολῇ·
τί ἡμᾶς ἐξαπατᾷς; τί σκώληξ ὢν λέγεις, ὅτι ἄνθρωπος
εἶ;’ ἤθελον ἐπιστῆναί τινι αὐτῶν συνουσιάζοντι, ἵνα
ἴδω, πῶς τείνεται καὶ ποίας φωνὰς ἀφίησιν, εἰ μέμνηται
τοῦ ὀνόματος αὐτοῦ, τῶν λόγων οὓς ἀκούει ἢ λέγει
ἢ ἀναγιγνώσκει.
| [4,1j] —Le mal n'a donc pas été pour Socrate? — Non, mais pour ses juges et ses
accusateurs. — A Rome, il n'a donc pas été pour Helvidius? — Non, mais pour
celui qui l'a fait périr. —Que dis-tu là? — C'est pour la même raison que
tu n'appelles pas malheureux le coq victorieux qui a été blessé, mais le
coq sans blessures, qui a été vaincu. C'est encore pour la même raison que
tu trouves heureux, non pas le chien qui n'a rien poursuivi et qui n'a pas
eu de peine, mais celui que tu vois couvert de sueur, fatigué, n'en
pouvant plus à force de courir. Quel paradoxe disons-nous donc, quand nous
disons que le mal pour tout être est ce qui est contraire à sa nature?
Est-ce vraiment là un paradoxe? N'est-ce pas précisément ce que tu dis
toi-même pour tous les autres êtres? Pourquoi alors soutiens-tu autre
chose au sujet de l'homme seul? Eh bien! quand nous disons que la nature
de l'homme est d'être sociable, affectueux, loyal, est-ce là encore un
paradoxe? —Pas davantage. — Comment en serait-ce donc un, quand nous
disons que ce n'est pas un mal d'être écorché, d'être mis en prison,
d'être décapité? Qui souffre tout cela en homme de cœur, ne s'en tire-t-il
pas avec avantage et profit? Le mal réel, le sort le plus déplorable et le
plus honteux, c'est, quand on était un homme, de devenir un loup, une
vipère, un frelon.
Marchons donc, et parcourons tout ce sur quoi nous sommes d'accord.
L'homme libre est celui pour qui il n'y a pas d'obstacles, et qui trouve
sous sa main les choses comme il les veut. L'esclave est celui qu'on peut
entraver, contraindre, empêcher, jeter contre son gré dans quelque chose.
Pour qui donc n'y a-t-il pas d'obstacles? Pour qui ne désire pas ce qui
n'est point à nous. Et qu'est-ce qui n'est pas à nous? Ce qu'il ne dépend
pas de nous d'avoir ou de ne pas avoir, d'avoir de telle qualité, ou en
tel état. Notre corps n'est donc pas à nous, ses parties ne sont pas à
nous, notre fortune n'est pas à nous. Par suite, si tu t'attaches à
quelqu'une de ces choses comme si elle t'appartenait en propre, tu en
seras puni, ainsi que doit l'être celui qui désire ce qui n'est pas à lui.
La seule route qui conduise à la liberté, le seul moyen de s'affranchir de
la servitude, c'est de pouvoir dire du fond de son cœur :
« O Jupiter! O Destinée ! conduisez-moi où vous avez arrêté de me placer. »
Mais toi, que dis-tu, ô philosophe? Le tyran t'appelle pour que tu lui
contes des choses qui sont indignes de toi : les lui diras-tu, ou ne les
lui diras-tu pas? Réponds-moi. — Laisse-moi réfléchir. — Tu vas réfléchir
maintenant? A quoi réfléchissais-tu donc, quand tu étais à l'école? Ne
cherchais-tu pas ce qui était un bien, ce qui était un mal, ce qui n'était
ni l'un ni l'autre? — C'était sur cela que je réfléchissais. — Que
décidais-tu donc? —Que tout ce qui était juste et honorable était un bien;
que tout ce qui était injuste et honteux était un mal. — La vie te
paraissait-elle un bien? — Non. —La mort te paraissait-elle un mal? — Non.
— Et la prison? — Non plus. — Et que pensions-nous de paroles sans dignité
et sans honneur, qui trahissent un ami, ou qui flattent un tyran? —
Qu'elles étaient un mal. — Eh bien! tu n'as pas à réfléchir; tu n'as à
réfléchir ni à délibérer. Qu'avons-nous, en effet, à nous demander s'il
nous convient de nous procurer les plus grands des biens et d'éloigner de
nous les plus grands des maux, quand nous le pouvons? O le bel examen !
Comme il est nécessaire! Et quelle longue délibération il exige! Pourquoi
te moquer de nous? Homme, jamais pareil examen ne se présente. Si tu
pensais, comme cela est vrai, que les seuls maux sont les choses
honteuses, les seuls biens les choses honorables, et que tout le reste est
indifférent, tu n'en serais jamais venu à cette hésitation; tant s'en
faut! Sur-le-champ, tu aurais tout démêlé, comme d'un coup d'œil, par ta
seule raison. Réfléchis-tu jamais pour savoir si le noir est blanc? si ce
qui est lourd est léger? Ne te rends-tu pas là sur-le-champ à l'évidence?
Comment donc nous dis-tu aujourd'hui que tu réfléchiras pour savoir s'il
faut fuir ce qui est indifférent plus que ce qui est un mal? C'est que tu
n'as pas vraiment ces convictions ; c'est que les choses indifférentes ne
te paraissent pas indifférentes, mais les plus grands des maux; et que les
maux, à leur tour, ne te paraissent pas des maux, mais des choses sans
importance pour nous. Voici, en effet, les habitudes que tu as prises dès
le principe : « Où suis-je? A l'école. Et quels sont ceux qui m'écoutent?
C'est à des philosophes que je parle. » (Puis un instant après) : « Ah !
je suis hors de l'école ! » Supprime-moi toutes ces distinctions de
scholastiques et d'imbéciles. C'est avec elles qu'un philosophe dépose à
faux contre un ami, avec elles qu'il se fait parasite, avec elles qu'il se
vend pour de l'argent, avec elles que dans le sénat on ne dit pas ce que
l'on pense, tandis que l'on crie ses opinions dans l'intérieur de l'école.
Tu n'es rien que velléités d'idées frivoles et misérables ; et tu tiens à
un cheveu avec tes propos en l'air. Il faudrait, au contraire, que tu
fusses un homme fort, un homme pratique; que l'exercice et les œuvres
eussent fait de toi un véritable initié. Observe-toi toi-même. Comment
reçois-tu la nouvelle, je ne dis pas que ton fils est mort (car d'où cela
te viendrait-il?), mais que ton huile a été répandue, et qu'on a bu ton
vin? Puisse celui qui surviendrait alors, au milieu des beaux cris que tu
pousserais, ne te dire que ceci : « Philosophe, tu parles autrement dans
l'école ! Pourquoi donc nous tromper? » Pourquoi, lorsque tu n'es qu'un
ver, dire que tu es un homme? » Je voudrais arriver, quand un de ces
individus est dans un tête-à-tête amoureux; je voudrais voir ce qu'y
devient sa force, quels propos il y tient, et s'il s'y souvient de son
titre, et de toutes les belles choses qu'il entend, qu'il dit, ou qu'il lit.
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