[1,1214] MORALE à EUDÈME - LIVRE I.
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Α'.
(1214a) § 1. Ὁ μὲν ἐν Δήλῳ παρὰ τῷ θεῷ τὴν αὑτοῦ γνώμην ἀποφηνάμενος
συνέγραψεν ἐπὶ τὸ προπύλαιον τοῦ Λητῴου, διελὼν οὐχ ὑπάρχοντα πάντα τῷ
αὐτῷ, τό τε ἀγαθὸν καὶ τὸ καλὸν καὶ τὸ ἡδύ, ποιήσας (5)
“κάλλιστον τὸ δικαιότατον, λῷστον δ᾽ ὑγιαίνειν·,
πάντων ἥδιστον δ᾽ οὗ τις ἐρᾷ τὸ τυχεῖν· ”
ἡμεῖς δ᾽ αὐτῷ μὴ συγχωρῶμεν. Ἡ γὰρ εὐδαιμονία κάλλιστον καὶ ἄριστον
ἁπάντων οὖσα ἥδιστον ἐστίν.
§ 2. Πολλῶν δ᾽ ὄντων θεωρημάτων ἃ περὶ ἕκαστον πρᾶγμα καὶ (10) περὶ
ἑκάστην φύσιν ἀπορίαν ἔχει καὶ δεῖται σκέψεως, τὰ μὲν αὐτῶν συντείνει πρὸς
τὸ γνῶναι μόνον, τὰ δὲ καὶ περὶ τὰς κτήσεις καὶ περὶ τὰς πράξεις τοῦ
πράγματος.
§ 3. Ὅσα μὲν οὖν ἔχει φιλοσοφίαν μόνον θεωρητικήν, λεκτέον κατὰ τὸν
ἐπιβάλλοντα καιρόν, ὅ τι περ οἰκεῖον ἦν τῇ μεθόδῳ·
§ 4. πρῶτον δὲ (15) σκεπτέον ἐν τίνι τὸ εὖ ζῆν καὶ πῶς κτητόν, πότερον
φύσει γίγνονται πάντες εὐδαίμονες οἱ τυγχάνοντες ταύτης τῆς προσηγορίας,
ὥσπερ μεγάλοι καὶ μικροὶ καὶ τὴν χροιὰν διαφέροντες, ἢ διὰ μαθήσεως, ὡς
οὔσης ἐπιστήμης τινὸς τῆς εὐδαιμονίας, ἢ διά τινος ἀσκήσεως (πολλὰ γὰρ
οὔτε κατὰ (20) φύσιν οὔτε μαθοῦσιν ἀλλ᾽ ἐθισθεῖσιν ὑπάρχει τοῖς ἀνθρώποις,
φαῦλα μὲν τοῖς φαύλως ἐθισθεῖσι, χρηστὰ δὲ τοῖς χρηστῶς),
§ 5. ἢ τούτων μὲν κατ᾽ οὐδένα τῶν τρόπων, δυοῖν δὲ θάτερον, ἤτοι καθάπερ
οἱ νυμφόληπτοι καὶ θεόληπτοι τῶν ἀνθρώπων, ἐπιπνοίᾳ δαιμονίου τινὸς ὥσπερ
ἐνθουσιάζοντες, ἢ διὰ τὴν τύχην (25) (πολλοὶ γὰρ ταὐτόν φασιν εἶναι τὴν
εὐδαιμονίαν καὶ τὴν εὐτυχίαν).
6 6. Ὅτι μὲν οὖν ἡ παρουσία διὰ τούτων ἁπάντων ἢ τινῶν ἢ τινὸς ὑπάρχει
τοῖς ἀνθρώποις, οὐκ ἄδηλον -248;ἅπασαι γὰρ αἱ γενέσεις σχεδὸν πίπτουσιν εἰς
ταύτας τὰς ἀρχάς· καὶ γὰρ <τὰς> ἀπὸ τῆς διανοίας ἁπάσας πρὸς τὰς ἀπὸ
ἐπιστήμης (30) ἄν τις συναγάγοι πράξεις)·
§ 7. τὸ δ᾽ εὐδαιμονεῖν καὶ τὸ ζῆν μακαρίως καὶ καλῶς εἴη ἂν ἐν τρισὶ
μάλιστα, τοῖς εἶναι δοκοῦσιν αἰρετωτάτοις. Οἳ μὲν γὰρ τὴν φρόνησιν
μέγιστον εἶναί φασιν ἀγαθόν, οἳ δὲ τὴν ἀρετήν, οἳ δὲ τὴν ἡδονήν.
§ 8. Καὶ πρὸς τὴν εὐδαιμονίαν ἔνιοι περὶ τοῦ μεγέθους αὐτῶν
διαμφισβητοῦσι, (1214b) συμβάλλεσθαι φάσκοντες θάτερον θατέρου μᾶλλον εἰς
αὐτήν, οἳ μὲν ὡς οὖσαν μεῖζον ἀγαθὸν τὴν φρόνησιν τῆς ἀρετῆς, οἳ δὲ ταύτης
τὴν ἀρετήν, οἳ δ᾽ ἀμφοτέρων τούτων τὴν ἡδονήν. Καὶ τοῖς μὲν ἐκ πάντων
δοκεῖ τούτων, τοῖς δ᾽ (5) ἐκ δυοῖν, τοῖς δ᾽ ἐν ἑνί τινι τούτων εἶναι τὸ
ζῆν εὐδαιμόνως.
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Β'.
§ 1. Περὶ δὴ τούτων ἐπιστήσαντας, ἅπαντα τὸν δυνάμενον ζῆν κατὰ τὴν αὑτοῦ
προαίρεσιν θέσθαι τινὰ σκοπὸν τοῦ καλῶς ζῆν, ἤτοι τιμὴν ἢ δόξαν ἢ πλοῦτον
ἢ παιδείαν, πρὸς ὃν ἀποβλέπων ποιήσεται πάσας τὰς πράξεις (τό γε (10) μὴ
συντετάχθαι τὸν βίον πρός τι τέλος ἀφροσύνης πολλῆς σημεῖον ἐστίν),
§ 2. μάλιστα δὴ δεῖ πρῶτον ἐν αὑτῷ διορίσασθαι μήτε προπετῶς μήτε ῥαθύμως,
ἐν τίνι τῶν ἡμετέρων τὸ ζῆν εὖ, καὶ τίνων ἄνευ τοῖς ἀνθρώποις οὐκ
ἐνδέχεται τοῦθ᾽ ὑπάρχειν. Οὐ γὰρ ταὐτόν, ὧν τ᾽ ἄνευ (15) οὐχ οἷόν τε
ὑγιαίνειν, καὶ τὸ ὑγιαίνειν·
§ 3. ὁμοίως δ᾽ ἔχει τοῦτο καὶ ἐφ᾽ ἑτέρων πολλῶν, ὥστ᾽ οὐδὲ τὸ ζῆν καλῶς
καὶ ὧν ἄνευ οὐ δυνατὸν ζῆν καλῶς
§ 4. -248;ἔστι δὲ τῶν τοιούτων τὰ μὲν οὐκ ἴδια τῆς ὑγιείας οὐδὲ τῆς ζωῆς ἀλλὰ
κοινὰ πάντων ὡς εἰπεῖν, καὶ τῶν ἕξεων καὶ τῶν πράξεων, οἷον ἄνευ τοῦ (20)
ἀναπνεῖν ἢ ἐγρηγορέναι ἢ κινήσεως μετέχειν οὐθὲν ἂν ὑπάρξειεν (21) ἡμῖν
οὔτ᾽ ἀγαθὸν οὔτε κακόν, τὰ δ᾽ ἴδια μᾶλλον περὶ ἑκάστην φύσιν· ἃ δεῖ μὴ
λανθάνειν· οὐ γὰρ ὁμοίως οἰκεῖον πρὸς εὐεξίαν τοῖς εἰρημένοις κρεωφαγία
καὶ τῶν περιπάτων οἱ μετὰ δεῖπνον-247;.
§ 5. Ἔστι γὰρ ταῦτ᾽ αἴτια τῆς (25) ἀμφισβητήσεως περὶ τοῦ εὐδαιμονεῖν, τί
ἐστι καὶ γίνεται διὰ τίνων· ὧν ἄνευ γὰρ οὐχ οἷόν τε εὐδαιμονεῖν, ἔνιοι
μέρη τῆς εὐδαιμονίας εἶναι νομίζουσι.
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Γ'.
§ 1. Πάσας μὲν οὖν τὰς δόξας ἐπισκοπεῖν, ὅσας ἔχουσί τινες περὶ αὐτῆς,
περίεργον (πολλὰ γὰρ φαίνεται καὶ τοῖς (30) παιδαρίοις καὶ τοῖς κάμνουσι
καὶ παραφρονοῦσι, περὶ ὧν ἂν οὐθεὶς νοῦν ἔχων διαπορήσειεν· δέονται γὰρ οὐ
λόγων, ἀλλ᾽ οἳ μὲν ἡλικίας ἐν ᾗ μεταβαλοῦσιν, οἳ δὲ κολάσεως ἰατρικῆς ἢ
πολιτικῆς· κόλασις γὰρ ἡ φαρμακεία τῶν πληγῶν οὐκ ἐλάττων ἐστίν),
§ 2. ὁμοίως δὲ ταύταις οὐδὲ τὰς τῶν πολλῶν <ἐπισκεπτέον>
| [1,1214] MORALE A EUDÈME - LIVRE I. DU BONHEUR.
CHAPITRE PREMIER.
(1214a) § 1. Le moraliste qui à Délos a mis sa pensée sous la protection
du Dieu, a écrit les deux vers suivants sur le Propylée du Latoon, en
considérant sans doue l'ensemble de tous les avantages qu'un homme à lui
seul ne peut jamais réunir complètement, le bien, le beau et l'agréable :
(5) « Le juste est le plus beau; la santé, le meilleur;
Obtenir ce qu'on aime est le plus doux au coeur. »
Nous ne partageons pas tout à fait l'idée exprimée dans cette inscription ;
et suivant nous, le bonheur qui est la plus belle et la meilleure de
toutes les choses, en est aussi tout à la fois la plus agréable et la plus douce.
§ 2. Parmi les considérations nombreuses que chaque espèce de choses et
(10) chaque nature d'objets peuvent soulever, et qui demandent un sérieux
examen, les unes ne tendent qu'à connaître la chose dont on s'occupe ;
d'autres tendent en outre à la posséder, et à en tirer toutes les
applications qu'elle comporte.
§ 3. Quant aux questions qui ne sont, dans ces études philosophiques, que
de pure théorie, nous les traiterons, selon que l'occasion s'en
présentera, au point de vue qui les rend spéciales à cet ouvrage.
§ 4. D'abord, (15) nous rechercherons en quoi consiste bonheur, et par
quels moyens on peut l'acquérir. Nous nous demanderons si tous ceux qui
reçoivent ce surnom d'heureux, le sont par le simple effet de la nature,
comme ils sont grands ou petits, et comme ils diffèrent par le visage et
le teint ; ou bien, s'ils sont heureux grâce à l'enseignement d'une
certaine science qui serait celle du bonheur ; ou bien encore, si c'est
par une sorte de pratique et d'exercice ; car il est une foule de qualités
diverses que les hommes possèdent non pas par (20) nature ni même par
étude, mais qu'ils acquièrent par la simple habitude, mauvaises quand ils
ont contracté de mauvaises habitudes, et bonnes quand ils en ont contracté
de bonnes.
§ 5. Enfin nous rechercherons si, toutes ces explications du bonheur étant
fausses, le bonheur n'est l'effet que de l'une de ces deux causes : ou il
vient de la faveur des Dieux qui nous l'accordent, comme ils inspirent les
hommes saisis d'une fureur divine et embrasés d'enthousiasme sous le
souffle de quelque génie ; ou bien, il vient du hasard ; (25) car il y a
beaucoup de gens qui confondent le bonheur et la fortune.
§ 6. On doit voir sans peine que le bonheur ne se trouve dans la vie
humaine que grâce à tous ces éléments réunis, ou à quelques-uns d'entre
eux, ou tout au moins à un seul. La génération de toutes les choses vient,
ou peu s'en faut, de ces divers principes ; et c'est ainsi qu'on peut
assimiler tous les actes qui dérivent de la réflexion aux actes même (30)
qui relèvent de la science.
§ 7. Le bonheur, ou en d'autres termes une heureuse et belle existence,
consiste surtout dans trois choses, qui semblent être les plus désirables
de toutes ; car le plus grand de tous les biens, selon les uns, c'est la
prudence ; selon les autres, c'est la vertu ; selon d'autres enfin, c'est
le plaisir.
§ 8. Aussi, l'on discute sur la part de chacun de ces éléments dans le
bonheur, (1214b) suivant que l'on croit que l'un d'eux y contribue plus
que l'autre. Les uns prétendent que la prudence est un bien plus grand que
la vertu ; les autres trouvent au contraire la vertu supérieure à la
prudence ; et les autres trouvent le plaisir fort au-dessus de toutes
deux. Par suite, les uns croient que le bonheur se compose de la réunion
de toutes ces conditions ; les autres croient qu'il suffit de deux d'entre
elles ; d'autres même le trouvent dans une seule.
CHAPITRE II.
§ 1. C'est en s'arrêtant à l'un de ces points de vue que tout homme qui
peut vivre selon sa libre volonté, doit se proposer, pour bien conduire sa
vie, un but spécial, l'honneur, la gloire, la richesse ou la science ; et
les regards fixés sans cesse sur le but qu'il a choisi, il y doit
rapporter toutes les actions qu'il fait ; car (10) c'est la marque d'une
grande déraison que de n'avoir point ordonné son existence sur un plan
régulier et constant.
§ 2. Aussi, un point capital, c'est de bien se rendre compte à soi-même,
sans précipitation ni négligence, dans lequel de ces biens humains on fait
consister le bonheur, et quelles sont les conditions qui nous paraissent
absolument indispensables pour que le bonheur soit possible. Il importe de
ne pas confondre, par exemple, et la santé et les choses (15) sans
lesquelles la santé ne pourrait être.
§ 3. De même ici, comme dans une foule d'autres cas, il ne faut pas
confondre le bonheur avec les choses sans lesquelles on ne saurait être
heureux.
§ 4. Il y a de ces conditions qui ne sont point spéciales à la santé non
plus qu'à la vie heureuse, mais qui sont en quelque sorte communes à
toutes les manières d'être, à tous les actes sans exception. Il est par
trop clair que sans les fonctions organiques (20) de respirer, de veiller,
de nous mouvoir, nous ne saurions sentir ni bien ni mal. A côté de ces
conditions générales, il y en a qui sont spéciales à chaque nature
d'objets et qu'il importe de ne pas méconnaître. Et pour revenir à la
santé, les fonctions que je viens de citer sont bien autrement
essentielles que la condition de manger de la viande ou de se promener
après dîner.
§ 5. C'est tout cela qui fait qu'on (25) agite tant de questions sur le
bonheur, et qu'on se demande ce qu'il est, et comment on peut se l'assurer
; car il y a des gens qui prennent pour ces parties constitutives du
bonheur les choses sans lesquelles le bonheur serait impossible
CHAPITRE III.
§ 1. Il serait fort inutile d'examiner une à une toutes les opinions
émises à ce sujet. Les idées qui passent par la tête (30) des enfants, des
malades ou des hommes pervers, ne méritent pas l'attention d'un esprit
sérieux. Il n'est que faire de raisonner avec eux. Mais les uns n'ont
besoin que de quelques années de plus qui les changent et les mûrissent ;
les autres ont besoin du secours de la médecine, ou de la politique qui
les guérit ou les châtie ; car la guérison que procurent les châtiments
n'est pas un remède moins efficace que ceux de la médecine.
§ 2. De même non plus, il ne faut pas en ce qui regarde le bonheur
considérer les opinions du vulgaire.
|