[1,2,25] Πρὸς μὲν οὖν Κράτητα μακροῦ λόγου δεῖ, καὶ ἴσως οὐδὲν ὄντος
πρὸς τὰ νῦν. Ἀριστάρχου δὲ τοῦτο μὲν ἐπαινῶμεν, διότι τὴν
Κρατήτειον ἀφεὶς ὑπόθεσιν, δεχομένην πολλὰς ἐνστάσεις περὶ τῆς
καθ' ἡμᾶς Αἰθιοπίας ὑπονοεῖ γεγονέναι τὸν λόγον· τὰ δ' ἄλλα
ἐπισκοπῶμεν. Καὶ πρῶτον ὅτι καὶ αὐτὸς μικρολογεῖται μάτην περὶ
τῆς γραφῆς. Καὶ γὰρ ἂν ἑκατέρως γράφηται, δύναται ἐφαρμόττειν
τοῖς νοήμασιν αὐτοῦ. τί γὰρ διαφέρει λέγειν ἢ οὕτως, δύο εἰσὶ καθ'
ἡμᾶς Αἰθίοπες, οἱ μὲν πρὸς ἀνατολὰς, οἱ δὲ πρὸς δύσεις· ἢ οὕτως, καὶ
γὰρ "πρὸς ἀνατολὰς καὶ πρὸς δύσει ς; Ἔπειθ' ὅτι ψευδοῦς προίίσταται
δόγματος. Φέρε γὰρ τὸν ποιητὴν ἀγνοεῖν μὲν τὸν ἰσθμόν, τῆς δὲ
κατ' Αἴγυπτον Αἰθιοπίας μεμνῆσθαι ὅταν φῇ·
Αἰθίοπας, τοὶ διχθὰ δεδαίαται·
Πῶς οὖν; Οὐ διχθὰ δεδαίαται οὕτω, ἀλλ' ἀγνοῶν οὕτως εἴρηκεν ὁ
ποιητής; Πότερ' οὐδ' ἡ Αἴγυπτος, οὐδ' οἱ Αἰγύπτιοι ἀπὸ τοῦ Δέλτα
ἀρξάμενοι μέχρι πρὸς Συήνην ὑπὸ τοῦ Νείλου δίχα διῄρηνται,
Οἱ μὲν δυσομένου Ὑπερίονος, οἱ δ' ἀνιόντος;
Τί δ' ἄλλο ἡ Αἴγυπτός ἐστι πλὴν ἡ ποταμία, ἣν ἐπικλύζει τὸ ὕδωρ;
Αὕτη δ' ἐφ' ἑκάτερα τοῦ ποταμοῦ κεῖται πρὸς ἀνατολὴν καὶ δύσιν.
Ἀλλὰ μὴν ἡ Αἰθιοπία ἐπ' εὐθείας ἐστὶ τῇ Αἰγύπτῳ καὶ παραπλησίως
ἔχει πρός τε τὸν Νεῖλον καὶ τὴν ἄλλην φύσιν τῶν τόπων. Καὶ γὰρ
αὕτη στενή τέ ἐστι καὶ μακρὰ καὶ ἐπίκλυστος. τὰ δ' ἔξω τῆς
ἐπικλύστου ἔρημά τε καὶ ἄνυδρα καὶ σπανίως οἰκεῖσθαι δυνάμενα, τὰ
μὲν πρὸς ἕω τὰ δὲ πρὸς δύσιν κεκλιμένα. Πῶς οὖν οὐχὶ καὶ δίχα
διῄρηται; Ἢ τοῖς μὲν τὴν Ἀσίαν ἀπὸ τῆς Λιβύης διαιροῦσιν
ἀξιόλογον τοῦθ' ὅριον ἐφάνη ὁ Νεῖλος, μῆκος μὲν ἀνατείνων ἐπὶ τὴν
μεσημβρίαν πλειόνων ἢ μυρίων σταδίων, πλάτος δέ, ὥστε καὶ νήσους
ἀπολαμβάνειν μυριάνδρους, ὧν μεγίστη ἡ Μερόη τὸ βασίλειον καὶ
μητρόπολις τῶν Αἰθιόπων, αὐτὴν δὲ τὴν Αἰθιοπίαν οὐχ ἱκανὸς ἦν
διαιρεῖν δίχα; Καὶ μὴν οἵ γε ἐπιτιμῶντες τοῖς τὰς ἠπείρους τῷ ποταμῷ
διαιροῦσι τῶν ἐγκλημάτων τοῦτο μέγιστον προφέρουσιν αὐτοῖς, ὅτι
τὴν αἴγυπτον καὶ τὴν Αἰθιοπίαν διασπῶσι καὶ ποιοῦσι τὸ μέν τι μέρος
ἑκατέρας αὐτῶν Λιβυκόν, τὸ δ' Ἀσιατικόν· ἢ εἰ μὴ βούλονται τοῦτο,
ἢ οὐ διαιροῦσι τὰς ἠπείρους ἢ οὐ τῷ ποταμῷ.
| [1,2,25] 25. Pour répondre à Cratès, il faudrait s'engager dans une discussion fort
longue, qui n'aurait peut-être pas grand rapport avec l'objet qui nous
occupe. Quant à Aristarque, s'il mérite qu'on le loue d'abord pour avoir
rejeté l'hypothèse de Cratès, laquelle en effet prête à mille objections, et
pour avoir entrevu qu'il s'agissait, dans le passage d'Homère, de notre
Éthiopie et non point d'une autre, sur le reste, en revanche, il nous parait,
lui aussi, donner prise à la critique. Premièrement, il n'avait que faire de
disserter si minutieusement sur la leçon à adopter, l'une et l'autre leçons
pouvant également bien s'ajuster à son sens. Y a-t-il, en effet, la moindre
différence à dire : «On compte dans notre hémisphère deux nations
d'Éthiopiens, l'une à l'orient, l'autre à l'occident, ou ceci : «On compte
dans notre hémisphère deux nations d'Éthiopiens, car il y a de ces
Éthiopiens tant à l'orient qu'à l'occident?»En second lieu, l'opinion qu'il
soutient repose sur certains faits matériellement faux. Supposons avec lui
que le poète a effective-ment ignoré l'existence de l'isthme et que c'est
bien des Éthiopiens limitrophes de l'Égypte qu'il a voulu parler dans ce
vers, «Les Éthiopiens divisés en deux nations,»
ne le sont-ils pas en effet? Et est-ce vraiment par ignorance que le poêle
s'est exprimé ainsi? L'Égypte et les Égyptiens, depuis le Delta jusqu'à
Syène, ne sont-ils pas divisés, partagés en deux par le Nil,
«Ceux-ci au couchant, ceux-là au levant?»
Et l'Égypte est-elle autre chose que la vallée même du fleuve, autrement
dit le terrain inondé par ses eaux ? Ne s'étend-elle point des deux côtés
du Nil, au levant et au couchant? Mais l'Éthiopie, à son tour, est le
prolongement direct de l'Égypte, elle offre avec ce pays de grandes
analogies et par sa situation relativement au cours du Nil et par la
disposition générale des lieux: comme l'Égypte, elle est étroite, longue et
sujette à des inondations périodiques, et tout l'espace situé en dehors de
la limite des débordements du fleuve, tant sur la rive orientale que sur la
rive occidentale, n'y est de même qu'un désert aride, presque partout
inhabitable : cela étant, pourquoi donc ne serait-elle pas, elle aussi,
divisée en deux régions distinctes? Le Nil, par la longueur de son cours,
lequel s'étend à plus de mille stades au midi, et par la largeur de son lit,
capable d'enserrer des îles peuplées de plusieurs milliers d'hommes,
comme voilà Méroé, la plus grande de toutes, Méroé, résidence des rois
d'Éthiopie et métropole de la contrée, le Nil, dis-je, a pu paraître à ceux
qui veulent à toute force séparer l'Asie de la Libye une ligne de
démarcation suffisante, et il n'aurait pas suffi à partager en deux l'Éthiopie
! Quelle est pourtant la principale objection de ceux qui s'élèvent contre
cette délimitation des deux continents par le fleuve ? Que l'Égypte et
l'Éthiopie se trouvent par là en quelque sorte démembrées et divisées en
deux parties, l'une libyque et l'autre asiatique, inconvénient très grand en
effet, et qu'on ne peut éviter qu'en renonçant tout à fait à délimiter les
deux continents, ou en leur cherchant une autre ligne de démarcation que
le fleuve.
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