[202] ἤδη γὰρ (202a) ἂν οὐσίαν ἢ μὴ οὐσίαν αὐτῷ προστίθεσθαι, δεῖν δὲ
οὐδὲν προσφέρειν, εἴπερ αὐτὸ ἐκεῖνο μόνον τις ἐρεῖ. ἐπεὶ οὐδὲ
τὸ "αὐτὸ" οὐδὲ τὸ "ἐκεῖνο" οὐδὲ τὸ "ἕκαστον" οὐδὲ τὸ
"μόνον" οὐδὲ "τοῦτο" προσοιστέον οὐδ´ ἄλλα πολλὰ
τοιαῦτα· ταῦτα μὲν γὰρ περιτρέχοντα πᾶσι προσφέρεσθαι,
ἕτερα ὄντα ἐκείνων οἷς προστίθεται, δεῖν δέ, εἴπερ ἦν
δυνατὸν αὐτὸ λέγεσθαι καὶ εἶχεν οἰκεῖον αὑτοῦ λόγον, ἄνευ
τῶν ἄλλων ἁπάντων λέγεσθαι. νῦν δὲ ἀδύνατον εἶναι
(202b) ὁτιοῦν τῶν πρώτων ῥηθῆναι λόγῳ· οὐ γὰρ εἶναι αὐτῷ ἀλλ´
ἢ ὀνομάζεσθαι μόνον—ὄνομα γὰρ μόνον ἔχειν—τὰ δὲ ἐκ
τούτων ἤδη συγκείμενα, ὥσπερ αὐτὰ πέπλεκται, οὕτω καὶ
τὰ ὀνόματα αὐτῶν συμπλακέντα λόγον γεγονέναι· ὀνομάτων
γὰρ συμπλοκὴν εἶναι λόγου οὐσίαν. οὕτω δὴ τὰ μὲν
στοιχεῖα ἄλογα καὶ ἄγνωστα εἶναι, αἰσθητὰ δέ· τὰς δὲ
συλλαβὰς γνωστάς τε καὶ ῥητὰς καὶ ἀληθεῖ δόξῃ δοξαστάς.
ὅταν μὲν οὖν ἄνευ λόγου τὴν ἀληθῆ δόξαν τινός τις λάβῃ,
(202c) ἀληθεύειν μὲν αὐτοῦ τὴν ψυχὴν περὶ αὐτό, γιγνώσκειν δ´
οὔ· τὸν γὰρ μὴ δυνάμενον δοῦναί τε καὶ δέξασθαι λόγον
ἀνεπιστήμονα εἶναι περὶ τούτου· προσλαβόντα δὲ λόγον
δυνατόν τε ταῦτα πάντα γεγονέναι καὶ τελείως πρὸς ἐπιστήμην
ἔχειν. οὕτως σὺ τὸ ἐνύπνιον ἢ ἄλλως ἀκήκοας;
(ΘΕΑΙ.) Οὕτω μὲν οὖν παντάπασιν.
(ΣΩ.) Ἀρέσκει οὖν σε καὶ τίθεσαι ταύτῃ, δόξαν ἀληθῆ
μετὰ λόγου ἐπιστήμην εἶναι;
(ΘΕΑΙ.) Κομιδῇ μὲν οὖν.
(202d) (ΣΩ.) Ἆρ´, ὦ Θεαίτητε, νῦν οὕτω τῇδε τῇ ἡμέρᾳ εἰλήφαμεν
ὃ πάλαι καὶ πολλοὶ τῶν σοφῶν ζητοῦντες πρὶν εὑρεῖν
κατεγήρασαν;
(ΘΕΑΙ.) Ἐμοὶ γοῦν δοκεῖ, ὦ Σώκρατες, καλῶς λέγεσθαι τὸ νῦν ῥηθέν.
(ΣΩ.) Καὶ εἰκός γε αὐτὸ τοῦτο οὕτως ἔχειν· τίς γὰρ ἂν
καὶ ἔτι ἐπιστήμη εἴη χωρὶς τοῦ λόγου τε καὶ ὀρθῆς δόξης;
ἓν μέντοι τί με τῶν ῥηθέντων ἀπαρέσκει.
(ΘΕΑΙ.) Τὸ ποῖον δή;
(ΣΩ.) Ὃ καὶ δοκεῖ λέγεσθαι κομψότατα, ὡς τὰ μὲν
(202e) στοιχεῖα ἄγνωστα, τὸ δὲ τῶν συλλαβῶν γένος γνωστόν.
(ΘΕΑΙ.) Οὐκοῦν ὀρθῶς;
(ΣΩ.) Ἰστέον δή· ὥσπερ γὰρ ὁμήρους ἔχομεν τοῦ λόγου
τὰ παραδείγματα οἷς χρώμενος εἶπε πάντα ταῦτα.
(ΘΕΑΙ.) Ποῖα δή;
(ΣΩ.) Τὰ τῶν γραμμάτων στοιχεῖά τε καὶ συλλαβάς. ἢ οἴει
ἄλλοσέ ποι βλέποντα ταῦτα εἰπεῖν τὸν εἰπόντα ἃ λέγομεν;
(ΘΕΑΙ.) Οὔκ, ἀλλ´ εἰς ταῦτα.
| [202] car ce serait dès lors lui attribuer l’existence ou la non-existence ; il ne faut
rien lui accoler, si l’on veut exprimer cet élément seul. On ne doit pas même y
joindre ces mots : « le », ni « cela », ni « chacun », ni « seul », ni « ceci », ni
beaucoup d’autres mots semblables ; car ces termes courants s’appliquent à tout,
étant différents des choses auxquelles on les accole ; mais il faudrait, s’il était
possible d’exprimer l’élément lui-même et s’il admettait une explication qui lui
appartînt exclusivement, l’énoncer sans aucune autre chose. Mais en fait aucun
des éléments premiers ne peut être exprimé par une définition : il ne peut
qu’être nommé ; car il n’a pas autre chose qu’un nom. Au contraire, pour les
êtres composés de ces éléments, comme ils sont complexes, leurs noms, complexes
aussi, deviennent explicables ; car la combinaison dont les noms sont formés est
l’essence de leur définition. Ainsi les éléments sont irrationnels et
inconnaissables, mais perceptibles, tandis que les syllabes sont connaissables,
exprimables et peuvent être l’objet d’une opinion vraie. Lors donc qu’on se
forme sans raisonnement une opinion vraie sur quelque objet, l’âme est dans le
vrai au regard de cet objet, mais elle ne le connaît pas, car celui qui ne peut
donner ni recevoir l’explication rationnelle d’une chose reste dans l’ignorance
au sujet de cette chose ; mais si à l’opinion juste il joint cette explication,
tout cela lui devient possible, et il possède la science parfaite. Est-ce ainsi
qu’on t’a raconté ce rêve, ou autrement ?
(THÉÉTÈTE)
C’est exactement ainsi.
(SOCRATE)
Alors, cela te satisfait, et tu admets que l’opinion vraie accompagnée de raison
est la science ?
(THÉÉTÈTE)
Parfaitement.
(SOCRATE)
Est-il possible, Théétète, que nous ayons ainsi trouvé aujourd’hui même ce
qu’ont si longtemps cherché tant de sages, qui sont parvenus à la vieillesse
avant de le découvrir.
(THÉÉTÈTE)
En tout cas, Socrate, je trouve, moi, ta définition fort belle.
(SOCRATE)
Il est en effet vraisemblable qu’elle l’est ; car quelle science pourrait-il y
avoir encore en dehors de la raison et de l’opinion droite ? Il y a cependant,
dans ce qu’on vient de dire, un point qui me déplaît.
(THÉÉTÈTE)
Lequel donc ?
(SOCRATE)
C’est justement ce qui semble le plus ingénieux, que les éléments sont
inconnaissables, et le genre des syllabes connaissable.
(THÉÉTÈTE)
N’est-ce pas juste ?
(SOCRATE)
Il faut voir. Nous avons en effet pour garants de la thèse les modèles dont
l’auteur a usé pour formuler ses principes.
(THÉÉTÈTE)
Quels modèles ?
(SOCRATE)
Les éléments de l’écriture : les lettres et les syllabes ; ou crois-tu que
l’auteur de la théorie que nous discutons avait quelque autre chose en vue ?
(THÉÉTÈTE)
Non, mais cela même.
|