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[10,124] « Οὐ γὰρ προλήψεις εἰσὶν ἀλλ' ὑπολήψεις ψευδεῖς αἱ τῶν πολλῶν ὑπὲρ
θεῶν ἀποφάσεις· ἔνθεν αἱ μέγισται βλάβαι τε τοῖς κακοῖς ἐκ θεῶν ἐπάγονται
καὶ ὠφέλειαι <τοῖς ἀγαθοῖς>. Ταῖς γὰρ ἰδίαις οἰκειούμενοι διὰ παντὸς
ἀρεταῖς τοὺς ὁμοίους ἀποδέχονται, πᾶν τὸ μὴ τοιοῦτον ὡς ἀλλότριον νομίζοντες.
« Συνέθιζε δὲ ἐν τῷ νομίζειν μηθὲν πρὸς ἡμᾶς εἶναι τὸν θάνατον· ἐπεὶ πᾶν
ἀγαθὸν καὶ κακὸν ἐν αἰσθήσει· στέρησις δέ ἐστιν αἰσθήσεως ὁ θάνατος. Ὅθεν
γνῶσις ὀρθὴ τοῦ μηθὲν εἶναι πρὸς ἡμᾶς τὸν θάνατον ἀπολαυστὸν ποιεῖ τὸ τῆς
ζωῆς θνητόν, οὐκ ἄπειρον προστιθεῖσα χρόνον ἀλλὰ τὸν τῆς ἀθανασίας
ἀφελομένη πόθον.
| [10,124] « Tout ce que la plupart de ces faibles esprits avancent sur la
connaissance qu'ils en ont, n'est point par aucune notion intérieure qui
puisse servir de preuve invincible, c'est seulement par de simples
préjugés. Quelle apparence que les dieux, selon l'opinion commune,
s'embarrassent de punir les coupables et de récompenser les bons, qui,
pratiquant sans cesse toutes les vertus qui sont le propre d'un excellent
naturel, veulent que ces divinités leur ressemblent, et estiment que tout
ce qui n'est pas conforme à leurs habitudes mortelles est fort éloigné de
la nature divine.
« Faites-vous une habitude de penser que la mort n'est rien à notre égard,
puisque la douleur ou le plaisir dépend du sentiment, et qu'elle n'est
rien que la privation de ce même sentiment.
« C'est une belle découverte que celle qui peut convaincre l'esprit, que
la mort ne nous concerne en aucune manière; c'est un heureux moyen de
passer avec tranquillité cette vie mortelle sans nous fatiguer de
l'incertitude des temps qui la doivent suivre, et sans nous repaître de
l'espérance de l'immortalité.
| [10,125] « Οὐθὲν γάρ ἐστιν ἐν τῷ ζῆν δεινὸν τῷ κατειληφότι γνησίως τὸ μηθὲν
ὑπάρχειν ἐν τῷ μὴ ζῆν δεινόν· ὥστε μάταιος ὁ λέγων δεδιέναι τὸν θάνατον
οὐχ ὅτι λυπήσει παρὼν ἀλλ' ὅτι λυπεῖ μέλλων. Ὃ γὰρ παρὸν οὐκ ἐνοχλεῖ
προσδοκώμενον κενῶς λυπεῖ.
« Τὸ φρικωδέστατον οὖν τῶν κακῶν ὁ θάνατος οὐθὲν πρὸς ἡμᾶς, ἐπειδή περ
ὅταν μὲν ἡμεῖς ὦμεν, ὁ θάνατος οὐ πάρεστιν· ὅταν δ' ὁ θάνατος παρῇ, τόθ'
ἡμεῖς οὐκ ἐσμέν. Οὔτε οὖν πρὸς τοὺς ζῶντάς ἐστιν οὔτε πρὸς τοὺς
τετελευτηκότας, ἐπειδή περ περὶ οὓς μὲν οὐκ ἔστιν, οἱ δ' οὐκέτι εἰσίν.
« Ἀλλ' οἱ πολλοὶ τὸν θάνατον ὁτὲ μὲν ὡς μέγιστον τῶν κακῶν φεύγουσιν, ὁτὲ
δὲ ὡς ἀνάπαυσιν τῶν ἐν τῷ ζῆν <κακῶν αἱροῦνται.
| [10,125] « En effet, ce n'est point un malheur de vivre, à celui qui est une
fois persuadé que le moment de sa dissolution n'est accompagné d'aucun
mal; et c'est être ridicule de marquer la crainte que l'on a de la mort,
non pas que sa vue, dans l'instant qu'elle nous frappe, donne aucune
inquiétude, mais parce que, dans l'attente de ses coups, l'esprit se
laisse accabler par les tristes vapeurs du chagrin? Est-il possible que la
présence d'une chose étant incapable d'exciter aucun trouble en nous, nous
puissions nous affliger avec tant d'excès par la seule pensée de son approche?
« La mort, encore un coup, qui paraît la plus redoutable de tous les maux,
n'est qu'une chimère, parce qu'elle n'est rien tant que la vie subsiste;
et lorsqu'elle arrive, la vie n'est plus : ainsi elle n'a point d'empire
ni sur les vivants ni sur les morts ; les uns ne sentent pas encore sa
fureur, et les autres, qui n'existent plus, sont à l'abri de ses atteintes.
« Les âmes vulgaires évitent quelquefois la mort, parce qu'elles
l'envisagent comme le plus grand de tous les maux ;
| [10,126] Ὁ δὲ σοφὸς οὔτε παραιτεῖται τὸ ζῆν> οὔτε φοβεῖται τὸ μὴ ζῆν· οὔτε
γὰρ αὐτῷ προσίσταται τὸ ζῆν οὔτε δοξάζεται κακὸν εἶναί τι τὸ μὴ ζῆν. Ὥσπερ
δὲ τὸ σιτίον οὐ τὸ πλεῖον πάντως ἀλλὰ τὸ ἥδιστον αἱρεῖται, οὕτω καὶ χρόνον
οὐ τὸν μήκιστον ἀλλὰ τὸν ἥδιστον καρπίζεται.
« Ὁ δὲ παραγγέλλων τὸν μὲν νέον καλῶς ζῆν, τὸν δὲ γέροντα καλῶς
καταστρέφειν εὐήθης ἐστὶν οὐ μόνον διὰ τὸ τῆς ζωῆς ἀσπαστόν, ἀλλὰ καὶ διὰ
τὸ τὴν αὐτὴν εἶναι μελέτην τοῦ καλῶς ζῆν καὶ τοῦ καλῶς ἀποθνῄσκειν.
« πολὺ δὲ χείρων καὶ ὁ λέγων καλὸν μὲν μὴ φῦναι, φύντα δ' ὅπως ὤκιστα
πύλας Ἀΐδαο περῆσαι.
| [10,126] elles tremblent aussi très souvent par le chagrin qu'elles ont de
perdre tous les plaisirs qu'elle leur arrache, et de l'éternelle inaction où elle
les jette; c'est sans raison que la pensée de ne plus vivre leur donne de
l'horreur, puisque la perte de la vie ôte le discernement que l'on pourrait avoir,
que la cessation d'être enfermât en soi quelque chose de mauvais; et de
même qu'on ne choisit pas l'aliment par sa quantité, mais par sa
délicatesse, ainsi le nombre des années ne fait pas la félicité de notre
vie ; c'est la manière dont on la passe qui contribue à son agrément.
« Qu'il est ridicule d'exhorter un jeune homme à bien vivre, et de faire
comprendre à celui que la vieillesse approche du tombeau, qu'il doit
mourir avec fermeté ; ce n'est pas que ces deux choses ne soient
infiniment estimables d'elles-mêmes, mais c'est que les spéculations qui
nous font trouver des charmes dans une vie réglée nous mènent avec
intrépidité jusqu'à l'heure de la mort.
« C'est une folie beaucoup plus grande d'appeler le non-être un bien, ou
de dire que, dès l'instant qu'on a vu la lumière, il faut s'arracher à la vie.
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