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[10,121] (121b) « Εἰκόνας τε ἀναθήσειν. <Εὖ> εἰ ἔχοι, ἀδιαφόρως ἂν σχοίη. Μόνον τε
τὸν σοφὸν ὀρθῶς ἂν περί τε μουσικῆς καὶ ποιητικῆς διαλέξασθαι· ποιήματά τε
ἐνεργείᾳ οὐκ ἂν ποιῆσαι. Οὐκ εἶναί τε ἕτερον ἑτέρου σοφώτερον.
Χρηματίσεσθαί τε, ἀλλ' ἀπὸ μόνης σοφίας, ἀπορήσαντα. Καὶ μόναρχον ἐν
καιρῷ θεραπεύσειν. Καὶ ἐπιχαρήσεσθαί τινι ἐπὶ τῷ διορθώματι· καὶ σχολὴν
κατασκευάσειν, ἀλλ' οὐχ ὥστ' ὀχλαγωγῆσαι· καὶ ἀναγνώσεσθαι ἐν πλήθει, ἀλλ'
οὐχ ἑκόντα· δογματιεῖν τε καὶ οὐκ ἀπορήσειν· καὶ καθ' ὕπνους δὲ ὅμοιον
ἔσεσθαι· καὶ ὑπὲρ φίλου ποτὲ τεθνήξεσθαι.
(120b) {Τὸ ἑξῆς} δοκεῖ δ' αὐτοῖς ἁμαρτήματα ἄνισα εἶναι. Καὶ τὴν ὑγίειαν
τισὶ μὲν ἀγαθόν, τισὶ δὲ ἀδιάφορον. Τὴν δὲ ἀνδρείαν φύσει μὴ γίνεσθαι,
λογισμῷ δὲ τοῦ συμφέροντος· καὶ τὴν φιλίαν διὰ τὰς χρείας· δεῖν μέντοι
προκατάρχεσθαι (καὶ γὰρ τὴν γῆν σπείρομεν) συνίστασθαι δὲ αὐτὴν κατὰ
κοινωνίαν ἐν τοῖς ταῖς ἡδοναῖς ἐκπεπληρωμ<ένοις>.
(121a) Τὴν εὐδαιμονίαν διχῆ νοεῖσθαι, τήν τε ἀκροτάτην, οἵα ἐστὶ περὶ τὸν
θεόν, ἐπίτασιν οὐκ ἔχουσαν· καὶ τὴν <κατὰ τὴν> προσθήκην καὶ ἀφαίρεσιν
ἡδονῶν.
| [10,121] (121a) Il y a deux sortes de félicités, l'une est suprême, et n'appartient
qu'à Dieu : elle est toujours égale sans augmentation, ni diminution;
l'autre lui est inférieure, ainsi que celle des hommes : le plus et le
moins s'y trouvent toujours.
(121b) Le sage pourra avoir des statues dans les places publiques; mais il
ne recherchera point ces sortes d'honneurs. Il n'y a que le sage qui
puisse parler avec justesse de la musique et de la poésie. Il ne lira
point de fictions poétiques, et n'en fera point. Il n'est point jaloux de
la sagesse d'un autre. Le gain est permis au sage dans le besoin, pourvu
qu'il l'acquière par la science. Le sage obéira à son prince quand
l'occasion s'en présentera. Il se réjouira avec celui qui sera rentré dans
le chemin de la vertu. Il pourra tenir une école, pourvu que le vulgaire
n'y soit point reçu. Il pourra lire quelques-uns de ses écrits devant le
peuple; que ce ne soit pourtant pas de son propre mouvement. Il sera fixe
en ses opinions, et ne mettra point tout en doute. Il sera aussi
tranquille dans le sommeil que lorsqu'il sera éveillé. Si l'occasion se
présente, le sage mourra pour son ami. »
Voilà les sentiments qu'ils ont du sage. Maintenant passons à la lettre
qu'il écrivit à Ménecée.
| [10,122] Μετιτέον δ' ἐπὶ τὴν ἐπιστολήν· Ἐπίκουρος Μενοικεῖ χαίρειν.
« Μήτε νέος τις ὢν μελλέτω φιλοσοφεῖν, μήτε γέρων ὑπάρχων κοπιάτω
φιλοσοφῶν· οὔτε γὰρ ἄωρος οὐδείς ἐστιν οὔτε πάρωρος πρὸς τὸ κατὰ ψυχὴν
ὑγιαῖνον. Ὁ δὲ λέγων ἢ μήπω τοῦ φιλοσοφεῖν ὑπάρχειν ὥραν ἢ παρεληλυθέναι
τὴν ὥραν ὅμοιός ἐστι τῷ λέγοντι πρὸς εὐδαιμονίαν ἢ μὴ παρεῖναι τὴν ὥραν ἢ
μηκέτι εἶναι. Ὥστε φιλοσοφητέον καὶ νέῳ καὶ γέροντι, τῷ μὲν ὅπως γηράσκων
νεάζῃ τοῖς ἀγαθοῖς διὰ τὴν χάριν τῶν γεγονότων, τῷ δ' ὅπως νέος ἅμα καὶ
παλαιὸς ᾖ διὰ τὴν ἀφοβίαν τῶν μελλόντων. Μελετᾶν οὖν χρὴ τὰ ποιοῦντα τὴν
εὐδαιμονίαν, εἴ περ παρούσης μὲν αὐτῆς πάντα ἔχομεν, ἀπούσης δὲ πάντα
πράττομεν εἰς τὸ ταύτην ἔχειν.
| [10,122] ÉPICURE A MÉNECÉE. SALUT.
« La jeunesse n'est point un obstacle à l'étude de la philosophie.
On ne doit point différer d'acquérir ces connaissances, de même qu'on ne
doit point avoir de honte de consacrer ses dernières années au travail de
la spéculation. L'homme n'a point de temps limité, et ne doit jamais
manquer de force pour guérir son esprit de tous les maux qui l'affligent.
« Ainsi celui qui excuse sa négligence sur ce qu'il n'a pas encore assez
de vigueur pour cette laborieuse application, ou parce qu'il a laissé
échapper les moments précieux qui pouvaient le conduire à cette
découverte, ne parle pas mieux que l'autre qui ne veut pas se tirer de
l'orage des passions, ni des malheurs de la vie, pour en mener une plus
tranquille et plus heureuse, parce qu'il prétend que le temps de cette
occupation nécessaire n'est pas encore arrivé ; ou qu'il s'est écoulé
d'une manière irréparable.
« Il faut donc que les jeunes gens devancent la force de leur esprit, et
que les vieux rappellent toutes celles dont ils sont capables pour
s'attacher à la philosophie ; l'un doit faire cet effort afin qu'arrivant
insensiblement au terme prescrit à ses jours, il persévère dans l'habitude
de la vertu qu'il s'est acquise ; et l'autre afin qu'étant chargé
d'années, il connaisse que son esprit à toute la fermeté de la jeunesse
pour se mettre au-dessus de tous les événements de la fortune, et pour lui
faire regarder avec intrépidité tout ce qui peut l'alarmer dans la
spéculation de l'avenir, dont il est si proche.
| [10,123] « Ἃ δέ σοι συνεχῶς παρήγγελλον, ταῦτα καὶ πρᾶττε καὶ μελέτα,
στοιχεῖα τοῦ καλῶς ζῆν ταῦτ' εἶναι διαλαμβάνων. Πρῶτον μὲν τὸν θεὸν ζῷον
ἄφθαρτον καὶ μακάριον νομίζων, ὡς ἡ κοινὴ τοῦ θεοῦ νόησις ὑπεγράφη, μηθὲν
μήτε τῆς ἀφθαρσίας ἀλλότριον μήτε τῆς μακαριότητος ἀνοίκειον αὐτῷ
πρόσαπτε· πᾶν δὲ τὸ φυλάττειν αὐτοῦ δυνάμενον τὴν μετὰ ἀφθαρσίας
μακαριότητα περὶ αὐτὸν δόξαζε. Θεοὶ μὲν γὰρ εἰσίν· ἐναργὴς γὰρ αὐτῶν ἐστιν
ἡ γνῶσις. Οἵους δ' αὐτοὺς <οἱ> πολλοὶ νομίζουσιν οὐκ εἰσίν· οὐ γὰρ
φυλάττουσιν αὐτοὺς οἵους νομίζουσιν. Ἀσεβὴς δὲ οὐχ ὁ τοὺς τῶν πολλῶν θεοὺς
ἀναιρῶν, ἀλλ' ὁ τὰς τῶν πολλῶν δόξας θεοῖς προσάπτων.
| [10,123] « Méditez donc, mon cher Ménecée, et ne négligez rien de tout ce
qui peut vous mener à la félicité; heureux celui qui s'est fixé dans cette
situation tranquille ! il n'a plus de souhaits à faire, puisqu'il est
satisfait de ce qu'il possède; et s'il n'a pu encore s'élever à ce degré
d'excellence il doit faire tous ses efforts pour y atteindre.
« Suivez donc les préceptes que je vous ai donnés si souvent, mettez-les
en pratique, qu'ils soient les sujets continuels de vos réflexions, parce
que je suis convaincu que vous y trouverez, pour la règle de vos mœurs,
une morale très régulière.
« La base sur laquelle vous devez appuyer toutes vos maximes, c'est la
pensée de l'immortalité et de l'état bienheureux des dieux : ce sentiment
est conforme à l'opinion qui s'en est répandue parmi les hommes; mais
aussi prenez garde qu'en définissant la divinité, vous lui donniez aucun
attribut qui profane la grandeur de son essence, en diminuant son éternité
ou sa félicité suprême; donnez à votre esprit sur cet Être divin tel essor
qu'il vous plaira, pourvu que son immortalité et sa béatitude n'en
reçoivent aucune atteinte.
« Il y a des dieux, c'est une connaissance consacrée à la postérité ; mais
leur existence est tout à fait différente de celle qu'ils trouvent dans
l'imagination des hommes. Celui-là donc n'est point un impie téméraire qui
bannit celle foule de divinités à qui le simple peuple rend des hommages ;
c'est plutôt cet autre qui veut donner à ces êtres divins les sentiments
ridicules du vulgaire.
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