HODOI ELEKTRONIKAI
Du texte à l'hypertexte

Denys d'Halicarnasse, Mémoires sur les anciens orateurs, III (Démosthène)

Chapitre 22

  Chapitre 22

[3,22] Κβ'. Ὅταν μέν τινα τῶν Ἰσοκράτους ἀναγινώσκω λόγων, εἴτε τῶν πρὸς τὰ δικαστήρια καὶ τὰς ἐκκλησίας γεγραμμένων, τῶν ἐν ἤθει, σπουδαῖος γίνομαι, καὶ πολὺ τὸ εὐσταθὲς ἔχω τῆς γνώμης, ὥσπερ οἱ τῶν σπονδείων αὐλημάτων τῶν Δωρίων τε κἀναρμονίων μελῶν ἀκροώμενοι. Ὅταν δὲ Δημοσθένους τινὰ λάβω λόγων, ἐνθουσιῶ τε, καὶ δεῦρο κἀκεῖσε ἄγομαι, πάθος ἕτερον ἐξ ἑτέρου μεταλαμβάνων, ἀπιστῶν, ἀγωνιῶν, δεδιώς, καταφρονῶν, μισῶν, ἐλεῶν, εὐνοῶν, ὀργιζόμενος, φθονῶν, ἅπαντα τὰ πάθη μεταλαμβάνων ὅσα κρατεῖν πέφυκεν ἀνθρωπίνης γνώμης· διαφέρειν τε οὐδὲν ἐμαυτῷ δοκῶ τῶν τὰ μητρῷα καὶ τὰ κορυβαντικὰ, καὶ ὅσα τούτοις παραπλήσιά ἐστι, τελουμένων· εἴτε ὀσμαῖς ἐκεῖνοί γε, εἴτε ἤχοις, εἴτε τῶν δαιμόνων πνεύματι αὐτῶν κινούμενοι, τὰς πολλὰς καὶ ποικίλας ἐκεῖνοι λαμβάνουσι φαντασίας. Καὶ δή ποτε καὶ ἐνεθυμήθην τί ποτε τοὺς τότε ἀνθρώπους ἀκούοντας αὐτοῦ λέγοντος ταῦτα, πάσχειν εἰκὸς ἦν. Ὅπου γὰρ ἡμεῖς, οἱ τοσοῦτον ἀπηρτημένοι τοῖς χρόνοις, καὶ οὐθὲν πρὸς τὰ πράγματα πεπονθότες, οὕτως ὑπαγόμεθα καὶ κρατούμεθα, καί ὅποι ποτ´ ἂν ἡμᾶς λόγος ἄγῃ, πορευόμεθα· πῶς τότε Ἀθηναῖοί τε καὶ οἱ ἄλλοι Ἕλληνες ἤγοντο ὑπὸ τοῦ ἀνδρὸς ἐπὶ τῶν ἀληθινῶν τε καὶ ἰδίων ἀγώνων, αὐτοῦ λέγοντος ἐκείνου τὰ ἑαυτοῦ μετὰ τῆς ἀξιώσεως ἧς εἶχε, τὴν αὐτοπάθειαν καὶ τὸ παράστημα τῆς ψυχῆς ἀποδεικνυμένου, κοσμοῦντος ἅπαντα καὶ χρωματίζοντος τῇ πρεπούσῃ ὑποκρίσει, ἧς δεινότατος ἀσκητὴς ἐγένετο, ὡς ἅπαντές τε ὁμολογοῦσι, καὶ ἐξ αὐτῶν ἰδεῖν ἔστι τῶν λόγων ὧν ἄρτι προηνεγκάμην, οὓς οὐκ ἔνι τῷ βουλομένῳ ἐν ἡδονῇ ὡς ἀνάγνωσμα διελθεῖν, ἀλλ´ αὐτοὶ διδάσκουσι πῶς αὐτοὺς ὑποκρίνεσθαι δεῖ, νῦν μὲν εἰρωνευόμενον, νῦν δ' ἀγανακτοῦντα, νῦν δὲ νεμεσῶντα· δεδιττόμενόν αὖ καὶ θεραπεύοντα, καὶ νουθετοῦντα, καὶ παρορμῶντα, καὶ πάνθ´ βούλεται ποιεῖν λέξις, ἀποδεικνύμενον ἐπὶ τῆς προφορᾶς. Εἰ δὴ τὸ διὰ τοσούτων ἐγκαταμισγόμενον τοῖς βυβλίοις πνεῦμα τοσαύτην ἰσχὺν ἔχει, καὶ οὕτως ἄγων ἐστι τῶν αὐτῶν, που τότε ὑπερφυές τι καὶ δεινὸν χρῆμα ἦν ἐπὶ τῶν ἐκείνου λόγων. [3,22] XXII. Lorsque je lis un discours d'Isocrate, soit dans le genre judiciaire, soit dans le genre délibératif, ou sur un sujet de morale, je reste calme : mon âme est impassible, et je me trouve dans le même état qu'un homme dont l'oreille est frappée par des chants spondaïques, ou par des airs composés dans le mode dorien et d'une harmonie pleine de gravité. Mais quand je prends un discours de Démosthène, je suis transporté d'une fureur divine et poussé, en tous sens, par mille émotions qui me bouleversent. La défiance, l'esprit de parti, la crainte, le mépris, la haine, la compassion, la bienveillance, la colère, l'envie; toutes les passions qui se disputent le coeur de l'homme, m'agitent tour-à-tour, et je ne diffère plus en rien des prêtres de Cybèle, lorsqu'ils célèbrent les mystères de leurs dieux ; soit que leurs transports divers proviennent de l'odeur des parfums ou du son des instruments, soit qu'ils naissent d'une inspiration divine : plus d'une fois, je me demande quelles sensations vives devait éprouver son auditoire. Et en effet, si malgré l'intervalle des siècles qui nous séparent de cet orateur, et quoique les sujets qu'il traite soient étrangers â nos intérêts, il nous saisit, il nous subjugue et nous transporte comme il veut; à quel point les Athéniens et les autres Grecs de son temps ne devaient-ils pas être entraînés par cette éloquence, au moment même d'une délibération solennelle, sur des matières qui les touchaient de si près, et lorsque Démosthène parlait au milieu d'eux avec cette dignité qui fut son plus noble attribut; avec un accent passionné qui exprimait toute l'énergie de son âme; et lorsqu'il rehaussait toutes ses paroles par une action sublime, qu'il porta plus loin que tous les orateurs, de l'aveu même de tout le monde et comme il est facile de s'en convaincre par les harangues que je viens de citer? Elles ne procurent pas seulement une lecture agréable: elles nous apprennent, en outre, comment nous devons parler en public et employer tantôt l'ironie, la colère, la menace, la douceur ; tantôt les avis ou les exhortations, et proportionner toujours l'action au caractère même du style. Mais si, à la simple lecture, nous retrouvons encore dans ses discours cet esprit de vie, qui nous transporte sur le lieu même de la scène; sans doute, son éloquence avait quelque chose de surnaturel et d'irrésistible.


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Dernière mise à jour : 4/09/2009