[3,1285a] CHAPITRE IX.
§ 1. Ἴσως δὲ καλῶς ἔχει μετὰ τοὺς εἰρημένους λόγους μεταβῆναι καὶ
σκέψασθαι περὶ βασιλείας· φαμὲν γὰρ τῶν ὀρθῶν πολιτειῶν μίαν εἶναι
ταύτην. Σκεπτέον δὲ πότερον συμφέρει τῇ μελλούσῃ καλῶς οἰκήσεσθαι
καὶ πόλει καὶ χώρᾳ βασιλεύεσθαι, ἢ οὔ, ἀλλ' ἄλλη τις πολιτεία μᾶλλον, ἢ
τισὶ μὲν συμφέρει τισὶ δ' οὐ συμφέρει. Δεῖ δὴ πρῶτον διελέσθαι πότερον
ἕν τι γένος ἔστιν αὐτῆς ἢ πλείους ἔχει διαφοράς.
§ 2. Ῥᾴδιον δὴ τοῦτό γε καταμαθεῖν, ὅτι πλείω τε γένη περιέχει καὶ τῆς
ἀρχῆς ὁ τρόπος ἐστὶν οὐχ εἷς πασῶν. Ἡ γὰρ ἐν τῇ Λακωνικῇ πολιτείᾳ
δοκεῖ μὲν εἶναι βασιλεία μάλιστα τῶν κατὰ νόμον, οὐκ ἔστι δὲ κυρία
πάντων, ἀλλ' ὅταν ἐξέλθῃ τὴν χώραν ἡγεμών ἐστι τῶν πρὸς τὸν
πόλεμον· ἔτι δὲ τὰ πρὸς τοὺς θεοὺς ἀποδέδοται τοῖς βασιλεῦσιν. Αὕτη
μὲν οὖν ἡ βασιλεία οἷον στρατηγία τις αὐτοκρατόρων καὶ ἀίδιός ἐστιν·
κτεῖναι γὰρ οὐ κύριος, εἰ μὴ ἔν τινι καιρῷ, καθάπερ ἐπὶ τῶν ἀρχαίων ἐν
ταῖς πολεμικαῖς ἐξόδοις, ἐν χειρὸς νόμῳ. Δηλοῖ δ' Ὅμηρος· ὁ γὰρ
Ἀγαμέμνων κακῶς μὲν ἀκούων ἠνείχετο ἐν ταῖς ἐκκλησίαις, ἐξελθόντων
δὲ καὶ κτεῖναι κύριος ἦν· λέγει γοῦν :
"Ὃν δέ κ' ἐγὼν ἀπάνευθε μάχης
οὔ οἱ ἄρκιον ἐσσεῖται φυγέειν κύνας ἠδ' οἰωνούς·
πὰρ γὰρ ἐμοὶ θάνατος".
§ 3. Ἓν μὲν οὖν τοῦτ' εἶδος βασιλείας, στρατηγία διὰ βίου, τούτων δ' αἱ
μὲν κατὰ γένος εἰσὶν αἱ δ' αἱρεταί· παρὰ ταύτην δ' ἄλλο μοναρχίας εἶδος,
οἷαι παρ' ἐνίοις εἰσὶ βασιλεῖαι τῶν βαρβάρων. Ἔχουσι δ' αὗται τὴν
δύναμιν πᾶσαι παραπλησίαν τυραννίσιν, εἰσὶ δὲ καὶ κατὰ νόμον καὶ
πάτριαι· διὰ γὰρ τὸ δουλικώτεροι εἶναι τὰ ἤθη φύσει οἱ μὲν βάρβαροι
τῶν Ἑλλήνων, οἱ δὲ περὶ τὴν Ἀσίαν τῶν περὶ τὴν Εὐρώπην, ὑπομένουσι
τὴν δεσποτικὴν ἀρχὴν οὐδὲν δυσχεραίνοντες. Τυραννικαὶ μὲν οὖν διὰ
τὸ τοιοῦτόν εἰσιν, ἀσφαλεῖς δὲ διὰ τὸ πάτριαι καὶ κατὰ νόμον εἶναι.
§ 4. Καὶ ἡ φυλακὴ δὲ βασιλικὴ καὶ οὐ τυραννικὴ διὰ τὴν αὐτὴν αἰτίαν. Οἱ
γὰρ πολῖται φυλάττουσιν ὅπλοις τοὺς βασιλεῖς, τοὺς δὲ τυράννους
ξενικόν· οἱ μὲν γὰρ κατὰ νόμον καὶ ἑκόντων οἱ δ' ἀκόντων ἄρχουσιν,
ὥσθ' οἱ μὲν παρὰ τῶν πολιτῶν οἱ δ' ἐπὶ τοὺς πολίτας ἔχουσι τὴν
φυλακήν.
§ 5. Δύο μὲν οὖν εἴδη ταῦτα μοναρχίας, ἕτερον δ' ὅπερ ἦν ἐν τοῖς
ἀρχαίοις Ἕλλησιν, οὓς καλοῦσιν αἰσυμνήτας. Ἔστι δὲ τοῦθ' ὡς ἁπλῶς
εἰπεῖν αἱρετὴ τυραννίς, διαφέρουσα δὲ τῆς βαρβαρικῆς οὐ τῷ μὴ κατὰ
νόμον ἀλλὰ τῷ μὴ πάτριος εἶναι μόνον. Ἦρχον δ' οἱ μὲν διὰ βίου τὴν
ἀρχὴν ταύτην, οἱ δὲ μέχρι τινῶν ὡρισμένων χρόνων ἢ πράξεων, οἷον
εἵλοντό ποτε Μυτιληναῖοι Πιττακὸν πρὸς τοὺς φυγάδας ὧν
προειστήκεσαν Ἀντιμενίδης καὶ Ἀλκαῖος ὁ ποιητής.
§ 6. Δηλοῖ δ' Ἀλκαῖος ὅτι τύραννον εἵλοντο τὸν Πιττακὸν ἔν τινι τῶν
σκολιῶν μελῶν·
"τὸν κακοπάτριδα Πίττακον πόλιος τᾶς ἀχόλω καὶ βαρυδαίμονος
ἐστάσαντο τύραννον μέγ' ἐπαινέοντες ἀόλλεες".
| [3,1285a] CHAPITRE IX.
§ 1 . Les développements qui précèdent nous conduisent assez bien à
l'étude de la royauté, que nous avons classée parmi les bons
gouvernements. La cité ou l'État bien constitué doit-il ou ne doit-il pas,
dans son intérêt, être régi par un roi ? N'existe-t-il point de
gouvernement préférable à celui-là, qui, s'il est utile à quelques
peuples, peut ne pas l'être à bien d'autres ? Telles sont les questions
que nous avons à examiner. Mais recherchons d'abord si la royauté
est simple, ou si elle ne se divise pas en plusieurs espèces différentes.
§ 2. Il est bien aisé de reconnaître qu'elle est multiple, et que ses
attributions ne sont pas identiques dans tous les États. Ainsi, la
royauté dans le gouvernement de Sparte, parait être celle qui est la
plus légale ; mais elle n'est pas maîtresse absolue. Le roi dispose
souverainement de deux choses seulement : des affaires militaires,
qu'il dirige quand il est hors du territoire national, et des affaires
religieuses. La royauté ainsi comprise n'est vraiment qu'un généralat
inamovible, investi de pouvoirs suprêmes. Elle n'a point le droit de vie
et de mort, si ce n'est dans un seul cas, réservé aussi chez les anciens :
dans les expéditions militaires, dans la chaleur du combat. C'est
Homère qui nous l'apprend. Agamemnon, quand on délibère, se laisse
patiemment insulter ; mais quand on marche à l'ennemi, son pouvoir
va jusqu'au droit de mort, et il peut s'écrier :
"Celui qu'alors je trouve auprès de nos vaisseaux ,
Je le jette, le lâche, aux chiens, aux vils oiseaux ;
Car j'ai droit de tuer ...".
§ 3. Cette première espèce de royauté n'est donc qu'un généralat
viager ; elle peut être du reste tantôt héréditaire et tantôt élective.
Après celle-là, je placerai une seconde espèce de royauté, que l'on
trouve établie chez quelques peuples barbares ; en général, elle a les
mêmes pouvoirs à peu près que la tyrannie, bien qu'elle soit légitime et
héréditaire. Des peuples poussés par un esprit naturel de servitude,
disposition beaucoup plus prononcée chez les barbares que chez les
Grecs, dans les Asiatiques que dans les Européens, supportent le joug
du despotisme sans peine et sans murmure ; voilà pourquoi les
royautés qui pèsent sur ces peuples sont tyranniques, bien qu'elles
reposent d'ailleurs sur les bases solides de la loi et de l'hérédité.
§ 4. Voilà encore pourquoi la garde qui entoure ces rois-là est vraiment
royale, et qu'elle n'est pas une garde comme en ont les tyrans. Ce sont
des citoyens en armes qui veillent à la sûreté d'un roi ; le tyran ne
confie la sienne qu'à des étrangers. C'est que là, l'obéissance est
légale et volontaire, et qu'ici elle est forcée. Les uns ont une garde de
citoyens ; les autres ont une garde contre les citoyens.
§ 5. Après ces deux espèces de monarchies, en vient une troisième,
dont on trouve des exemples chez les anciens Grecs, et qu'on nomme
Aesymnétie. C'est, à bien dire, une tyrannie élective, se distinguant de
la royauté barbare, non en ce qu'elle n'est pas légale, mais seulement
en ce qu'elle n'est pas héréditaire. Les aesymnètes recevaient leurs
pouvoirs, tantôt pour la vie, tantôt pour un temps ou un fait déterminé.
C'est ainsi que Mitylène élut Pittacus, pour repousser les bannis, que
commandaient Antiménide et Alcée, le poète.
§ 6. Alcée lui-même nous apprend dans un de ses Scolies que
Pittacus fut élevé à la tyrannie ; il y reproche à ses concitoyens
"d'avoir pris un Pittacus, l'ennemi de son pays, pour en faire le tyran de
cette ville, qui ne sent ni le poids de ses maux, ni le poids de sa honte,
et qui n'a point assez de louanges pour son assassin. "
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