[15a,68] Τῆς δ´ ἀνομολογίας τῶν συγγραφέων ἔστω παράδειγμα
καὶ ὁ περὶ τοῦ Καλάνου λόγος· ὅτι μὲν γὰρ συνῆλθεν Ἀλεξάνδρῳ καὶ ἀπέθανεν ἑκὼν παρ´ αὐτῷ διὰ πυρὸς ὁμολογοῦσι· τὸν δὲ τρόπον οὐ τὸν αὐτόν φασιν οὐδὲ κατὰ τὰς αὐτὰς αἰτίας, ἀλλ´ οἱ μὲν οὕτως εἰρήκασι· συνακολουθῆσαι γὰρ ὡς ἐγκωμιαστὴν τοῦ
βασιλέως ἔξω τῶν τῆς Ἰνδικῆς ὅρων παρὰ τὸ κοινὸν
ἔθος τῶν ἐκεῖ φιλοσόφων· ἐκείνους γὰρ τοῖς αὐτόθι
συνεῖναι βασιλεῦσιν ὑφηγουμένους τὰ περὶ τοὺς θεούς,
ὡς τοὺς μάγους τοῖς Πέρσαις. ἐν Πασαργάδαις δὲ νοσήσαντα, τότε πρῶτον αὐτῷ νόσου γενομένης, ἐξαγαγεῖν ἑαυτόν, ἄγοντα ἔτος ἑβδομηκοστὸν καὶ τρίτον, μὴ προσέχοντα ταῖς τοῦ βασιλέως δεήσεσι· γενομένης δὲ πυρᾶς καὶ τεθείσης ἐπ´ αὐτῆς χρυσῆς κλίνης, κατακλιθέντα εἰς αὐτήν, ἐγκαλυψάμενον ἐμπρησθῆναι·
οἱ δὲ ξύλινον οἶκον γενέσθαι, φυλλάδος δ´ ἐμπλησθέντος
καὶ ἐπὶ τῆς στέγης πυρᾶς γενομένης ἐγκλεισθέντα,
ὥσπερ ἐκέλευσε, μετὰ τὴν πομπὴν μεθ´ ἧς ἧκε, ῥίψαντα
ἑαυτὸν ὡς ἂν δοκὸν συνεμπρησθῆναι τῷ οἴκῳ. Μεγασθένης
δ´ ἐν τοῖς μὲν φιλοσόφοις οὐκ εἶναι δόγμα φησὶν ἑαυτοὺς ἐξάγειν·
τοὺς δὲ ποιοῦντας τοῦτο νεανικοὺς κρίνεσθαι, τοὺς μὲν
σκληροὺς τῇ φύσει φερομένους ἐπὶ πληγὴν ἢ κρημνόν,
τοὺς δ´ ἀπόνους ἐπὶ βυθόν, τοὺς δὲ πολυπόνους ἀπαγχομένους,
τοὺς δὲ πυρώδεις εἰς· πῦρ ὠθουμένους· οἷος ἦν καὶ ὁ Κάλανος,
ἀκόλαστος ἄνθρωπος καὶ ταῖς Ἀλεξάνδρου τραπέζαις
δεδουλωμένος· τοῦτον μὲν οὖν ψέγεσθαι, τὸν δὲ
Μάνδανιν ἐπαινεῖσθαι, ὃς τῶν τοῦ Ἀλεξάνδρου ἀγγέλων
καλούντων πρὸς τὸν Διὸς υἱὸν πειθομένῳ τε δῶρα ἔσεσθαι ὑπισχνουμένων ἀπειθοῦντι δὲ κόλασιν μήτ´ ἐκεῖνον φαίη Διὸς
υἱὸν ὅν γε ἄρχειν μηδὲ πολλοστοῦ μέρους τῆς γῆς, μήτε
αὐτῷ δεῖν τῶν παρ´ ἐκείνου δωρεῶν ὧν οὐδεὶς κόρος, μήτε
δὲ ἀπειλῆς εἶναι φόβον ᾧ ζῶντι μὲν ἀρκοῦσα εἴη τροφὸς ἡ Ἰνδική, ἀποθανὼν δὲ ἀπαλλάξαιτο τῆς τετρυχωμένης ὑπὸ γήρως
σαρκός, μεταστὰς εἰς βελτίω καὶ καθαρώτερον βίον·
ὥστ´ ἐπαινέσαι τὸν Ἀλέξανδρον καὶ συγχωρῆσαι.
| [15a,68] Mais veut-on un exemple du peu d'accord des historiens qui ont écrit
sur l'Inde ? On n'a qu'à comparer leurs récits en ce qui concerne Calanus.
Que ce philosophe ait suivi Alexandre et qu'il soit mort de mort
volontaire brûlé sur un bûcher sous les yeux de ce prince, tous en
conviennent, ils sont loin seulement de raconter tous de même les
circonstances de cette mort, qu'ils attribuent du reste à des causes
différentes. Ainsi, suivant les uns, Alexandre se serait attaché Calanus
comme un simple flatteur à gage, et il l'aurait emmené avec lui quand il
avait quitté l'Inde, le faisant contrevenir ainsi à la première règle des
gymnosophistes, qui est de rester toujours dans le pays à la disposition
de leurs rois, puisque ceux-ci les ont investis d'une sorte de ministère
sacré analogue à celui qu'exercent les mages en Perse ; Calanus serait
tombé malade, pour la première fois de sa vie, à Pasargades (il était dans
sa 73e année), et, sans avoir égard aux prières, aux instances
d'Alexandre, il aurait aussitôt pris la résolution d'en finir avec la vie.
On lui aurait alors élevé un bûcher, surmonté d'un lit en or massif ; il
s'y serait couché, et, s'enveloppant la tête, se serait laissé brûler.
Mais, suivant d'autres, c'est une maison en bois qu'on lui avait bâtie ;
cette maison avait été ensuite emplie de ramée, on y avait dressé un
bûcher sur le toit ; puis on avait amené Calanus en grande pompe. Calanus
avait donné l'ordre lui-même que la maison fût fermée, et l'on n'avait pas
tardé à le voir, semblable à une poutre qui s'écroule dans un brasier
ardent, se précipiter du haut du bûcher dans les flammes pour y périr consumé.
Mégasthène assure que le suicide n'est nullement un dogme pour les
philosophes indiens et que ceux d'entre eux qui finissent ainsi sont jugés
sévèrement par les autres, qui les regardent comme autant de têtes folles
; {qu'on fait du reste des distinctions entre eux, suivant leur genre de
mort ;} que ceux qui se jettent sur la pointe d'une épée ou se brisent le
corps contre des rochers sont appelés les durs, ceux qui cherchent la mort
au fond des flots les douillets, ceux qui s'étranglent les entêtés, ceux
enfin qui meurent brûlés les ardents ; que Calanus était de ceux-1à, que,
sans force contre ses passions, il était devenu l'esclave de sa
gourmandise et le parasite d'Alexandre, qu'en raison de cette conduite
tout le monde lui jetait la pierre, que Mandanis au contraire était porté
aux nues, pour avoir répondu comme il avait fait aux messagers royaux qui
l'appelaient auprès du fils de Jupiter, avec promesse de récompense, s'il
obéissait, avec menace de châtiment, s'il refusait d'obéir : il leur avait
déclaré qu'il ne reconnaissait pas comme fils de Jupiter un prince qui ne
possédait en somme qu'une assez mince portion de la terre, que, n'ayant
aucune passion à assouvir, il n'avait que faire de ses présents, et qu'il
ne redoutait pas davantage l'effet de ses menaces, par la raison que, tant
qu'il vivrait, il avait dans l'Inde, sa patrie, une bonne nourrice qui
suffirait à sa subsistance, et qu'à sa mort, débarrassé d'une guenille
charnelle déjà usée par la vieillesse, il gagnerait en échange une vie
meilleure, une vie plus pure. Belle réponse, qui lui avait valu
l'admiration et le pardon d'Alexandre.
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