[1,2,36] Περὶ δὲ τῶν τοῦ ὠκεανοῦ παθῶν εἴρηται μὲν ἐν μύθου σχήματι· καὶ
γὰρ τούτου στοχάζεσθαι δεῖ τὸν ποιητήν. Ἀπὸ γὰρ τῶν ἀμπώτεων καὶ
τῶν πλημμυρίδων ἡ Χάρυβδις αὐτῷ μεμύθευται, οὐδ' αὐτὴ
παντάπασιν Ὁμήρου πλάσμα οὖσα, ἀλλ' ἀπὸ τῶν ἱστορουμένων περὶ
τὸν Σικελικὸν πορθμὸν διεσκευασμένη. εἰ δὲ δὶς τῆς παλιρροίας
γινομένης καθ' ἑκάστην ἡμέραν καὶ νύκτα ἐκεῖνος τρὶς εἴρηκε·
Τρὶς μὲν γάρ τ' ἀνίησιν ἐπ' ἤματι, τρὶς δ' ἀναροιβδεῖ,
λέγοιτ' ἂν καὶ οὕτως· οὐ γὰρ κατ' ἄγνοιαν τῆς ἱστορίας ὑποληπτέον
λέγεσθαι τοῦτο, ἀλλὰ τραγῳδίας χάριν καὶ φόβου, ὃν ἡ Κίρκη πολὺν
τοῖς λόγοις προστίθησιν ἀποτροπῆς χάριν, ὥστε καὶ τὸ ψεῦδος
παραμίγνυσθαι. Ἐν αὐτοῖς γοῦν τοῖς ἔπεσι τούτοις εἴρηκε μὲν οὕτως ἡ Κίρκη·
Τρὶς μὲν γάρ τ' ἀνίησιν ἐπ' ἤματι, τρὶς δ' ἀναροιβδεῖ
δεινόν· μὴ σύ γε κεῖθι τύχοις, ὅτε ῥοιβδήσειε·
οὐ γάρ κεν ῥύσαιτό σ' ὑπὲκ κακοῦ οὐδ' Ἐνοσίχθων.
Καὶ μὴν παρέτυχέ τε τῇ ἀναρροιβδήσει ὁ Ὀδυσσεὺς καὶ οὐκ ἀπώλετο,
ὥς φησιν αὐτός·
Ἡ μὲν ἀνερροίβδησε θαλάσσης ἁλμυρὸν ὕδωρ·
αὐτὰρ ἐγὼ ποτὶ μακρὸν ἐρινεὸν ὑψόσ' ἀερθείς,
τῷ προσφὺς ἐχόμην, ὡς νυκτερίς.
Εἶτα περιμείνας τὰ ναυάγια καὶ λαβόμενος πάλιν αὐτῶν σώζεται,
ὥστ' ἐψεύσατο ἡ Κίρκη. ὡς οὖν τοῦτο, κἀκεῖνο τὸ « τρὶς μὲν γάρ τ'
ἀνίησιν ἐπ' ἤματι » ἀντὶ τοῦ δίς, ἅμα καὶ τῆς ὑπερβολῆς τῆς τοιαύτης
συνή θους πᾶσιν οὔσης, τρισμακαρίους καὶ τρισαθλίους λεγόντων· καὶ
ὁ ποιητής·
Τρισμάκαρες Δαναοί,
καί
Ἀσπασίη τρίλλιστο,
{καί}
Τριχθά τε καὶ τετραχθά.
Ἴσως δ' ἄν τις καὶ ἀπὸ τῆς ὥρας τεκμήραιτο, ὅτι ὑπαινίττεταί πως τὸ
ἀληθές· μᾶλλον γὰρ {ἂν} ἐφαρμόττοι τῷ δὶς γενέσθαι τὴν παλίρροιαν
κατὰ τὸν συνάμφω χρόνον, τὸν ἐξ ἡμέρας καὶ νυκτός, ἢ τῷ τρὶς
τοσοῦτον χρόνον μεῖναι τὰ ναυάγια ὑποβρύχια, ὀψὲ δὲ ἀναβληθῆναι
ποθοῦντι. Καὶ συνεχῶς προσισχομένῳ τοῖς κλάδοις·
Νωλεμέως δ' ἐχόμην, ὄφρ' ἐξεμέσειεν ὀπίσσω
ἱστὸν καὶ τρόπιν αὖτις, ἐελδομένῳ δέ μοι ἦλθεν
ὄψ'· ἦμός τ' ἐπὶ δόρπον ἀνὴρ ἀγορῆθεν ἀνέστη,
κρίνων νείκεα πολλὰ δικαζομένων αἰζηῶν,
καὶ τότε δήμοι δοῦρα Χαρύβδιος ἐξεφαάνθη.
Πάντα γὰρ ταῦτα χρόνου τινὸς ἔμφασιν ἀξιολόγου δίδωσι, καὶ
μάλιστα τὸ τὴν ἑσπέραν ἐπιτεῖναι, ( καὶ) μὴ κοινῶς εἰπόντα, ἡνίκα ὁ
δικαστὴς ἀνίσταται, ἀλλ' ἡνίκα κρίνων νείκεα πολλά, ὥστε βραδῦναι
πλέον τι καὶ ἄλλως δὲ οὐ πιθανὴν ἂν ὑπέτεινε τῷ ναυαγῷ τὴν
ἀπαλλαγήν, εἰ πρὶν ἀποσπασθῆναι πολὺ καὶ αὐτίκα εἰς τοὐπίσω
παλίρρους μετέπιπτεν.
| [1,2,36] 36. Pour ce qui est, maintenant, des phénomènes de l'Océan, il est bien
vrai, {comme le marque Ératosthène}, qu'Homère les a décrits sous la
forme d'un mythe, car, en thèse générale, c'est là la forme que tout poète
doit cher-cher à donner à sa pensée, et, dans le cas présent, c'est
évidemment le double phénomène du flux et du reflux qui lui a suggéré
l'idée de sa fable de Charybde; mais cela ne veut point dire que cette
fable en elle-même ait été créée de toutes pièces par l'imagination
d'Homère; loin de là, Homère n'a fait qu'arranger et mettre en oeuvre
certaines notions positives concernant le détroit de Sicile. Que si,
maintenant, il a parlé de trois reflux au lieu de deux pour les vingt-quatre heures,
«Car TROIS FOIS par jour elle vomit l'onde amère, et TROIS FOIS la ravale,»
voici, à ce qu'il semble, ce qu'on pourrait dire pour le justifier : d'abord, il
n'y a pas à supposer un instant que ce soit par ignorance du phénomène
lui-même que le poète s'est exprimé de la sorte, mais il fallait qu'il
ménageât un effet tragique, un effet de terreur : Circé ayant besoin de
terrifier le héros pour le détourner plus sûrement de son fatal projet, on
conçoit qu'elle appelle le mensonge à son aide Que dit-elle, en effet, dans
le passage en question?
«Trois fois par jour Charybde vomit l'onde amère et trois fois elle la ravale
avec un bruit terrible. Évite alors, évite de te trouver à sa portée au
moment du reflux : autrement Neptune lui-même ne pourrait te soustraire à
la mort.»
Et pourtant Ulysse assiste sans périr à ce terrible reflux; lui-même raconte
la scène en ces termes :
«Et voilà que le monstre engloutit de nouveau l'onde amère. Mais moi, me
suspendant aux branches élevées d'un figuier sauvage, comme la chauve-
souris, j'y demeurai attaché.»
Il attend de la sorte que les débris de son vaisseau reparaissent, les saisit
au passage et se sauve; et par le fait Circé se trouve avoir menti. Mais
l'ayant fait mentir sur un point, Homère a bien pu la faire mentir sur un
autre, et dans ce vers,
«Car trois fois par jour elle vomit,»
lui faire dire exprès trois fois au lieu de deux; d'autant qu'il existe dans le
langage ordinaire une hyperbole toute pareille, «trois fois heureux et trois
fois malheureux,» dont tout le monde se sert, et qu'Homère lui-même a
souvent employée, dans ce vers-ci par exemple,
«Trois fois heureux les Grecs;» dans cet autre également,
«Nuit charmante et TROIS FOIS désirée,»
et dans cet autre encore, «{Fendue} en TROIS et quatre.»
Peut-être d'ailleurs serait-on fondé à voir dans l'heure marquée par le
héros comme un moyen adroit du poète pour laisser au moins pressentir
la vérité. Car il est certain que le double reflux dans l'espace d'un jour et
d'une nuit ferait mieux comprendre que le reflux triple comment les débris
du naufrage ont pu rester si longtemps engloutis et reparaître si tard, au
gré du héros toujours cramponné aux branches de son figuier :
«Aux rameaux du figuier sans relâche attaché, j'attendais que le monstre
revomît le mât et la carène; mais ce moment tarda longtemps au gré de
mon impatience : ce fut à l'heure où, pressé par la faim, le juge se lève et
quitte l'assemblée, après avoir entre les citoyens aux prises décidé maints
procès, à cette heure seulement que du sein de Charybde ces précieux
débris reparurent à mes yeux.»
Toutes ces circonstances effectivement indiquent un laps de temps
considérable, celle-ci surtout, «que déjà le soir étendait son voile sur la
terre,» sans compter que le poète, au lieu de dire simplement et d'une
manière générale «à l'heure où le juge se lève,» a ajouté, «ayant décidé
maints procès,» ce qui implique une heure encore plus avancée. Enfin,
Homère n'aurait offert au héros naufragé qu'un moyen de salut bien peu
vraisemblable, si, avant qu'il eût eu le temps d'être emporté au loin, un
nouveau reflux eût pu tout à coup le ramener en arrière.
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