[1,2,35] Οἱ δὲ πλάττοντες Ἐρεμβοὺς ἴδιόν τι ἔθνος Αἰθιο πικὸν καὶ ἄλλο
Κηφήνων καὶ τρίτον Πυγμαίων καὶ ἄλλα μυρία ἧττον ἂν πιστεύοιντο,
πρὸς τῷ μὴ ἀξιοπίστῳ καὶ σύγχυσίν τινα ἐμφαίνοντες τοῦ μυθικοῦ καὶ
ἱστορικοῦ σχήματος. ὅμοιοι δ' εἰσὶ τούτοις καὶ οἱ Σιδονίους ἐν τῇ κατὰ
Πέρσας θαλάττῃ διηγούμενοι ἢ ἄλλοθί που τοῦ ὠκεανοῦ, καὶ τὴν τοῦ
Μενελάου πλάνην ἐξωκεανίζοντες· ὁμοίως δὲ καὶ τοὺς Φοίνικας. Τῆς
δ' ἀπιστίας αἴτιον οὐκ ἐλάχιστόν ἐστι τὸ ἐναντιοῦσθαι ἀλλήλοις τοὺς
λέγοντας. Οἱ μὲν γὰρ καὶ τοὺς Σιδονίους τοὺς καθ' ἡμᾶς ἀποίκους
εἶναι τῶν ἐν τῷ ὠκεανῷ φασί, προστιθέντες καὶ διὰ τί Φοίνικες
ἐκαλοῦντο, ὅτι καὶ ἡ θάλαττα ἐρυθρά· οἱ δ' ἐκείνους τούτων. Εἰσὶ δ' οἳ
καὶ τὴν Αἰθιοπίαν εἰς τὴν καθ' ἡμᾶς Φοινίκην μετάγουσι, καὶ τὰ περὶ
τὴν Ἀνδρομέδαν ἐν Ἰόπῃ συμβῆναί φασιν· οὐ δήπου κατ' ἄγνοιαν
τοπικὴν καὶ τούτων λεγομένων, ἀλλ' ἐν μύθου μᾶλλον σχήματι·
καθάπερ καὶ τῶν παρ' Ἡσιόδῳ καὶ τοῖς ἄλλοις, ἃ προφέρει ὁ
Ἀπολλόδωρος, οὐδ' ὃν τρόπον παρατίθησι τοῖς Ὁμήρου ταῦτα εἰδώς.
Τὰ μὲν γὰρ Ὁμήρου τὰ περὶ τὸν Πόντον καὶ τὴν Αἴγυπτον
παρατίθησιν ἄγνοιαν αἰτιώμενος, ὡς λέγειν μὲν τὰ ὄντα βουλομένου,
μὴ λέγοντος δὲ τὰ ὄντα, ἀλλὰ τὰ μὴ ὄντα ὡς ὄντα κατ' ἄγνοιαν.
Ἡσιόδου δ' οὐκ ἄν τις αἰτιάσαιτο ἄγνοιαν, Ἡμίκυνας λέγοντος καὶ
Μακροκεφάλους καὶ Πυγμαίους· οὐδὲ γὰρ αὐτοῦ Ὁμήρου ταῦτα
μυθεύοντος, ὧν εἰσι καὶ οὗτοι οἱ Πυγμαῖοι, οὐδ' Ἀλκμᾶνος
Στεγανόποδας ἱστοροῦντος, οὐδ' Αἰσχύλου Κυνοκεφάλους καὶ
Στερνοφθάλμους καὶ Μονομμάτους, ὅπου γε οὐδὲ τοῖς πεζῇ
συγγράφουσιν ἐν ἱστορίας σχήματι προσέχομεν περὶ πολλῶν, κἂν μὴ
ἐξομολογῶνται τὴν μυθογραφίαν. Φαίνεται γὰρ εὐθὺς ὅτι μύθους
παραπλέκουσιν ἑκόντες οὐκ ἀγνοίᾳ τῶν ὄντων, ἀλλὰ πλάσει τῶν
ἀδυνάτων τερατείας καὶ τέρψεως χάριν. δοκοῦσι δὲ κατ' ἄγνοιαν, ὅτι
μάλιστα καὶ πιθανῶς τὰ τοιαῦτα μυθεύουσι περὶ τῶν ἀδήλων καὶ τῶν
ἀγνοουμένων. Θεόπομπος δὲ ἐξομολογεῖται φήσας ὅτι καὶ μύθους ἐν
ταῖς ἱστορίαις ἐρεῖ, κρεῖττον ἢ ὡς Ἡρόδοτος καὶ Κτησίας καὶ
Ἑλλάνικος καὶ οἱ τὰ Ἰνδικὰ συγγράψαντες.
| [1,2,35] 35. Quant à ceux qui ont imaginé de faire des Érembes soit une tribu
particulière de la nation éthiopienne, soit une tribu de Céphènes, voire en
troisième lieu une tribu de Pygmées, sans parler de mille autres fictions
du même genre, s'ils nous paraissent mériter moins de confiance, c'est
qu'indépendamment du peu de vraisemblance qu'offre la chose en soi ils
font là une sorte de confusion de l'histoire et de la fable. Nous retrouvons
cette même confusion chez ceux qui, voulant faire de l'Océan extérieur le
théâtre des erreurs de Ménélas, placent les Sidoniens et naturellement
aussi les Phéniciens sur les bords de la mer Persique ou sur tel autre
rivage de l'Océan. A vrai dire, la façon dont ces auteurs se contredisent
entre eux n'entre pas pour peu de chose dans l'incrédulité qu'ils
rencontrent. Tandis que les uns, en effet, regardent les Sidoniens de
notre mer intérieure comme une colonie des Sidoniens de l'Océan,
ajoutant, qui plus est, que le nom de Phéniciens leur est venu de la
couleur rouge des eaux de la mer extérieure, les autres affirment
précisément l'inverse. Il en est aussi qui transportent l'Éthiopie dans notre
Phénicie et font de Jopé le théâtre des aventures d'Andromède, non qu'ils
ignorent la véritable situation des lieux en question, mais ils prétendent
user des licences du genre mythique, comme ont fait Hésiode et tant
d'autres que cite Apollodore. Seulement, en comparant aux fictions
d'Homère les fictions de ces auteurs, Apollodore ne sait pas tenir la
balance égale. Citant, par exemple, comme terme de comparaison, ce
qu'Homère raconte et du Pont et de l'Égypte, il en tire contre le poète une
accusation en règle d'ignorance : suivant lui, le poète a voulu dire la
vérité, mais, loin de la dire, il a, faute de savoir, donné le faux pour le vrai.
Or, nous le demandons, jamais personne se serait-il avisé d'accuser
Hésiode d'ignorance, pour avoir parlé d'Hérnicynes, de Macrocéphales et
de Pygmées, quand Homère a pu user impunément de fictions
semblables, et entre autres précisément de ce même mythe des
Pygmées, quand en outre Alcman nous parle de Stéganopodes et
'Eschyle de Cynocéphales, de Sternophthalmes et de Monommates,
quand surtout nous tolérons tant d'ouvrages en prose, écrits soi-
disant dans le genre historique, et qui contiennent, sans que leurs auteurs
l'avouent, tant de mythes véritables. C'est qu'en effet il saute aux yeux
d'abord que c'est de propos délibéré et nullement par ignorance
historique que les auteurs de ces ouvrages ont entremêlé de fables leurs
récits, imaginant ainsi l’impossible afin de flatter le goût du public pour le
merveilleux. Seulement, ce qui peut faire croire à leur ignorance, c'est
qu'en général, et pour trouver plus aisément créance, ils ont choisi de
préférence comme théâtre de leurs fictions les parties de la terre les plus
mystérieuses et les plus ignorées. Au moins Théopompe a-t-il la bonne foi
d'avouer ce qui en est : il déclare hautement qu'il mêlera plus d'une fais la
fable à l'histoire, mieux seulement que n'ont su le faire Hérodote, Ctésias,
Hellanicus et les différents historiens qui ont écrit sur l'Inde.
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