[1,2,3] Ποιητὴν γὰρ ἔφη πάντα στοχάζεσθαι ψυχαγωγίας, οὐ
διδασκαλίας. Τοὐναντίον δ' οἱ παλαιοὶ φιλοσοφίαν τινὰ λέγουσι
πρώτην τὴν ποιητικήν, εἰσάγουσαν εἰς τὸν βίον ἡμᾶς ἐκ νέων καὶ
διδάσκουσαν ἤθη καὶ πάθη καὶ πράξεις μεθ' ἡδονῆς· οἱ δ' ἡμέτεροι
καὶ μόνον ποιητὴν ἔφασαν εἶναι τὸν σοφόν. Διὰ τοῦτο καὶ τοὺς
παῖδας αἱ τῶν Ἑλλήνων πόλεις πρώτιστα διὰ τῆς ποιητικῆς
παιδεύουσιν, οὐ ψυχαγωγίας χάριν δήπουθεν ψιλῆς, ἀλλὰ
σωφρονισμοῦ· ὅπου γε καὶ οἱ μουσικοὶ ψάλλειν καὶ λυρίζειν καὶ
αὐλεῖν διδάσκοντες μεταποιοῦνται τῆς ἀρετῆς ταύτης· παιδευτικοὶ
γὰρ εἶναί φασι καὶ ἐπανορθωτικοὶ τῶν ἠθῶν. Ταῦτα δ' οὐ μόνον
παρὰ τῶν Πυθαγορείων ἀκούειν ἐστὶ λεγόντων, ἀλλὰ καὶ
Ἀριστόξενος οὕτως ἀποφαίνεται. Καὶ Ὅμηρος δὲ τοὺς ἀοιδοὺς
σωφρονιστὰς εἴρηκε, καθάπερ τὸν τῆς Κλυταιμνήστρας φύλακα,
Ὦ πόλλ' ἐπέτελλεν
Ἀτρείδης Τροίηνδε κιὼν εἴρυσθαι ἄκοιτιν,
τόν τε αἴγισθον οὐ πρότερον αὐτῆς περιγενέσθαι πρὶν ἢ
Τὸν μὲν ἀοιδὸν ἄγων ἐς νῆσον ἐρήμην κάλλιπεν·
τὴν δ' ἐθέλων ἐθέλουσαν ἀνήγαγεν ὅνδε δόμονδε.
Χωρὶς δὲ τούτων ὁ Ἐρατοσθένης ἑαυτῷ μάχεται· μικρὸν γὰρ πρὸ τῆς
λεχθείσης ἀποφάσεως ἐναρχόμενος τοῦ περὶ τῆς γεωγραφίας λόγου
φησὶν ἅπαντας κατ' ἀρχὰς φιλοτίμως ἔχειν εἰς τὸ μέσον φέρειν τὴν
ὑπὲρ τῶν τοιούτων ἱστορίαν. Ὅμηρον γοῦν ὑπέρ τε τῶν Αἰθιόπων
ὅσα ἐπύθετο καταχωρίσαι εἰς τὴν ποίησιν καὶ περὶ τῶν κατ' Αἴγυπτον
καὶ Λιβύην· τὰ δὲ δὴ κατὰ τὴν Ἑλλάδα καὶ τοὺς σύνεγγυς τόπους καὶ
λίαν περιέργως ἐξενηνοχέναι, πολυτρήρωνα μὲν τὴν Θίσβην
λέγοντα, Ἁλίαρτον δὲ ποιήεντα, ἐσχατόωσαν δὲ Ἀνθηδόνα, Λίλαιαν
δὲ πηγῇς ἔπι Κηφισσοῖο, καὶ οὐδεμίαν προσθήκην κενῶς ἀπορρίπτειν.
Πότερον οὖν ὁ ποιῶν ταῦτα ψυχαγωγοῦντι ἔοικεν ἢ διδάσκοντι; Νὴ
Δία, ἀλλὰ ταῦτα μὲν οὕτως εἴρηκε; τὰ δ' ἔξω τῆς αἰσθήσεως καὶ
οὗτος καὶ ἄλλοι τερατολογίας μυθικῆς πεπληρώκασιν. Οὐκοῦν ἐχρῆν
οὕτως εἰπεῖν, ὅτι ποιητὴς πᾶς τὰ μὲν ψυχαγωγίας χάριν μόνον
ἐκφέρει, τὰ δὲ διδασκαλίας· ὁ δ' ἐπήνεγκεν, ὅτι ψυχαγωγίας μόνον,
διδασκαλίας δ' οὔ. Καὶ προσεξεργάζεταί γε, πυνθανόμενος τί
συμβάλλεται πρὸς ἀρετὴν ποιητοῦ πολλῶν ὑπάρξαι τόπων ἔμπειρον
ἢ στρατηγίας ἢ γεωργίας ἢ ῥητορικῆς ἢ οἷα δὴ περιποιεῖν αὐτῷ τινες
ἐβουλήθησαν; Τὸ μὲν οὖν ἅπαντα ζητεῖν περιποιεῖν αὐτῷ
προεκπίπτοντος ἄν τις θείη τῇ φιλοτιμίᾳ· ὡς ἂν εἴ τις, φησὶν ὁ
Ἵππαρχος, Ἀττικῆς εἰρεσιώνης κατηγοροίη καὶ ἃ μὴ δύναται φέρειν
μῆλα καὶ ὄγχνας, οὕτως ἐκείνου πᾶν μάθημα καὶ πᾶσαν τέχνην.
Τοῦτο μὲν δὴ ὀρθῶς ἂν λέγοις, ὦ Ἐρατόσθενες· ἐκεῖνα δ' οὐκ ὀρθῶς,
ἀφαιρούμενος αὐτὸν τὴν τοσαύτην πολυμάθειαν καὶ τὴν ποιητικὴν
γραώδη μυθολογίαν ἀποφαίνων, ᾗ δέδοται πλάττειν, φησίν, ὃ ἂν
αὐτῇ φαίνηται ψυχαγωγίας οἰκεῖον. Ἆρα γὰρ οὐδὲ τοῖς ἀκροωμένοις
τῶν ποιητῶν οὐδὲν συμβάλλεται πρὸς ἀρετήν; Λέγω δὲ τὸ πολλῶν
ὑπάρξαι τόπων ἔμπειρον ἢ στρατηγίας ἢ γεωργίας ἢ ῥητορικῆς, ἅπερ
ἡ ἀκρόασις, ὡς εἰκός, περιποιεῖ.
| [1,2,3] 3. Est-il vrai, comme le prétend Ératosthène, que le poète vise
uniquement à récréer l'esprit et nullement à l'instruire? Les Anciens
définissaient, au contraire, la poésie une sorte de philosophie primitive,
qui nous introduit dès l'enfance dans la science de la vie et nous instruit
par la voie du plaisir de tout ce qui est relatif aux mœurs, aux passions et
aux actions de l'homme; notre école aujourd'hui va même plus loin : elle
proclame que le sage seul est poète. De là aussi cet usage pratiqué par
les différents gouvernements de la Grèce de faire commencer la première
éducation des enfants par la poésie, considérée apparemment non
comme un simple moyen de divertissement, mais bien comme une école
de sagesse. Ajoutons que les musiciens eux-mêmes, ceux qui enseignent
soit à chanter au son des instruments soit à jouer de la lyre ou de la flûte,
revendiquent ce mérite pour leur art et s'intitulent «précepteurs et
correcteurs des mœurs,» et que ce n'est pas là une opinion
exclusivement pythagoricienne, qu'Aristoxène l'a émise également, et
qu'Homère déjà qualifie les aèdes de «sophronistes ou d'instituteurs»,
notamment ce gardien de Clytemnestre,
«A qui Atride, en partant pour Troie, avait longuement recommandé sa
femme et confié le soin de veiller sur elle.»
On sait, en effet, qu'Égisthe ne réussit à triompher de la vertu de la reine
qu'après avoir
«Conduit l'aède, pour l'y abandonner, sur les rivages d'une île déserte...:
voulant alors ce que voulait son amant, Clytemnestre suivit Égisthe jusque
dans sa maison.»
Ératosthène d'ailleurs se contredit ici lui-même : avant d'émettre la
proposition en question, quelques lignes à peine plus haut, et tout au
début de son Traité de géographie, il avait solennellement déclaré que,
dès la plus haute antiquité, tous les hommes ont eu à cœur de publier
leurs connaissances géographiques ; qu'Homère, par exemple, a inséré
dans ses vers tout ce qu'il avait pu apprendre des Éthiopiens, de l'Égypte
et de la Libye, entrant même, à propos de la Grèce et des pays voisins,
dans des détails presque trop minutieux, puisqu'il va jusqu'à rappeler et
les «innombrables pigeons de Thisbé» et les «gazons d'Haliarte»
et la «situation extrême d'Anthedon» et celle de Lilée «aux
sources du Céphise», et qu'en général il évite de laisser échapper
fût-ce une épithète inutile. - Or, je le demande, celui qui agit de la sorte
vise-t-il plutôt à amuser qu'à instruire? - Ici peut-être, répondront les
partisans d'Ératosthène, Homère songe à instruire; en revanche tout ce
qui n'est pas proprement du domaine des sens a été peuplé par lui,
comme par les autres poètes, de monstres imaginaires, semblables à
ceux de la Fable. - Soit; mais alors il eût fallu dire que tout poète compose
tantôt uniquement en vue de l'agrément, tantôt aussi en vue de
l'instruction de ses lecteurs ; et c'est ce que ne fait pas Ératosthène, qui
accuse Homère d'avoir cherché partout et toujours à amuser, jamais à
instruire. Il va plus loin, et, pour corroborer son dire, demande ce que
pourraient ajouter au mérite du poète cette connaissance exacte d'une
infinité de lieux et toutes ces notions de stratégie, d'agriculture, de
rhétorique et d'autres sciences encore que quelques-uns ont prétendu
attribuer à Homère. - En prêtant ainsi à Homère la science universelle, on
peut paraître, nous l'avouons, entraîné par un excès de zèle, et, comme
le dit Hipparque, autant vaudrait faire honneur à l'irésiöné attique des
poires , des pommes dont elle est chargée, mais qu'elle ne peut pro-duite,
que de revendiquer pour Homère la connaissance de toutes les sciences,
et de tous les arts sans exception. Sur ce point-là donc, ô Ératosthène, tu
as peut-être raison; mais à coup sûr tu te trompes quand, non content de
refuser à Homère autant d'érudition, tu prétends réduire la poésie à n'être
qu'une vieille conteuse de fables, qu'on laisse libre d'imaginer tout ce qui
peut lui sembler bon à divertir les esprits. N'y a-t-il donc rien, en effet,
dans l'audition des poètes qui puisse nous porter à la vertu? Toutes ces
notions, par exemple, de géographie, d'art militaire, d'agriculture et de
rhétorique, que cette audition tout au moins nous procure, ne peuvent-
elles rien pour ce but suprême?
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