[16] (1) Ἐν τούτῳ δὲ σῖτος ἧκεν εἰς Ῥώμην, πολὺς μὲν ὠνητὸς ἐξ Ἰταλίας, οὐκ
ἐλάττων δὲ δωρητὸς ἐκ Συρακουσῶν Γέλωνος τοῦ τυράννου πέμψαντος, ὥστε
τοὺς πλείστους ἐν ἐλπίσι γενέσθαι χρησταῖς, ἅμα τῆς ἀπορίας καὶ τῆς διαφορᾶς
τὴν πόλιν ἀπαλλαγήσεσθαι προσδοκῶντας. (2) εὐθὺς οὖν βουλῆς ἀθροισθείσης,
περιχυθεὶς ἔξωθεν ὁ δῆμος ἐκαραδόκει τὸ τέλος, ἐλπίζων ἀγορᾷ τε χρήσεσθαι
φιλανθρώπῳ καὶ προῖκα τὰς δωρεὰς νεμηθήσεσθαι. (3) καὶ γὰρ ἔνδον ἦσαν οἱ
ταῦτα τὴν βουλὴν πείθοντες. (4) ὁ μέντοι Μάρκιος ἀναστὰς σφόδρα καθήψατο
τῶν χαριζομένων τοῖς πολλοῖς, δημαγωγοὺς καὶ προδότας ἀποκαλῶν τῆς
ἀριστοκρατίας καὶ σπέρματα πονηρὰ θρασύτητος καὶ ὕβρεως εἰς ὄχλον
ἀφειμένα τρέφοντας καθ´ αὑτῶν, ἃ καλῶς μὲν εἶχε μὴ περιιδεῖν ἐν ἀρχῇ
φυόμενα μηδ´ ἰσχυρὸν ἀρχῇ τηλικαύτῃ ποιῆσαι τὸν δῆμον, ἤδη δὲ καὶ φοβερὸν
εἶναι τῷ πάντα βουλομένοις αὐτοῖς ὑπάρχειν καὶ μηδὲν ἄκοντας βιάζεσθαι, μηδὲ
πείθεσθαι τοῖς ὑπάτοις, ἀλλ´ ἀναρχίας ἔχοντας ἡγεμόνας ἰδίους ἄρχοντας
προσαγορεύειν. (5) "ἐπιδόσεις μὲν οὖν καὶ διανομάς, ὥσπερ Ἑλλήνων οἱ
κράτιστα δημοκρατούμενοι, καθίζεσθαι ψηφιζομένους" ἔφη "παντελῶς ἐστιν εἰς
κοινὸν ὄλεθρον τὴν ἀπείθειαν αὐτῶν ἐφοδιάζειν. (6) οὐ γὰρ χάριν γε δήπου
φήσουσιν ἀπολαμβάνειν τῶν στρατειῶν ἃς ἐγκατέλιπον, καὶ τῶν ἀποστάσεων
αἷς προήκαντο τὴν πατρίδα, καὶ τῶν διαβολῶν ἃς ἐδέξαντο κατὰ τῆς βουλῆς,
ἀλλ´ ὑφιεμένους διὰ φόβον καὶ κολακεύοντας ὑμᾶς ταῦτα διδόναι καὶ συγχωρεῖν
ἐλπίσαντες, οὐδὲν ἕξουσι πέρας ἀπειθείας, οὐδὲ παύσονται διαφερόμενοι καὶ
στασιάζοντες. (7) ὥστε τοῦτο μέν ἐστι κομιδῇ μανικόν· εἰ δὲ σωφρονοῦμεν,
ἀφαιρησόμεθα τὴν δημαρχίαν αὐτῶν, ἀναίρεσιν οὖσαν τῆς ὑπατείας καὶ
διάστασιν τῆς πόλεως, οὐκέτι μιᾶς ὡς πρότερον οὔσης, ἀλλὰ δεδεγμένης τομήν,
μηδέποτε συμφῦναι μηδ´ ὁμοφρονῆσαι μηδὲ παύσασθαι νοσοῦντας ἡμᾶς καὶ
ταρασσομένους ὑπ´ ἀλλήλων ἐάσουσαν."
| [16] (1) C'est alors que du blé arrive à Rome: une grande
partie a été achetée en Italie, une quantité non moindre est
un don envoyé de Syracuse par le tyran Gélon. Dès lors la
grande majorité des gens reprennent bon espoir, s'attendant
à voir la cité délivrée à la fois de la disette et de la
discorde. (2) Le Sénat s'étant immédiatement réuni, le
peuple se répandit à l'extérieur, attendant anxieusement la
fin de la séance: il espérait se fournir à bon marché -- et
même, que le blé serait distribué gratuitement! (3) Il y
avait effectivement en séance des gens qui tentaient de
convaincre le Sénat dans ce sens. (4) Cependant Marcius se
leva et s'en prit violemment à ceux qui cherchaient à
flatter la masse, les appelant démagogues, traîtres à
l'aristocratie, individus nourrissant contre eux-mêmes des
germes pernicieux d'audace et de violence lancés à l'adresse
du populaire; on ferait bien, dès le départ, de ne pas
regarder avec indifférence le développement de ces
germes-là, et de ne pas renforcer la plèbe en lui concédant
un pareil pouvoir. La plèbe, assurément, était déjà
redoutable du fait que tout relevait de ses volontés, que
rien ne lui était imposé contre son gré, qu'elle n'obéissait
pas aux consuls mais avait ses propres meneurs d'anarchie
qu'elle nommait "magistrats"! (5) Siéger en votant des
largesses et des distributions, comme font les plus
fortement démocratiques des cités grecques, c'est,
disait-il, encourager totalement la désobéissance de ces
gens-là, pour aboutir à une catastrophe générale. (6) Car
enfin, la plèbe ne va pas dire qu'elle reçoit la récompense
des expéditions qu'elle a désertées, des défections par
lesquelles elle a abandonné la patrie, et des calomnies
contre le Sénat, qu'elle a agréées! En fait, elle espère que
c'est par crainte que vous cédez, et que c'est pour la
flatter que vous consentez à lui faire ce cadeau: aussi ne
mettra-t-elle aucun terme à sa désobéissance et ne
cessera-t-elle plus de susciter discordes et rébellions. (7)
Dès lors, pareil choix serait absolument fou! Si nous sommes
de bon sens, nous leur enlèverons le tribunat de la plèbe,
car il constitue l'abrogation du consulat et la dislocation
de la cité, qui n'est plus une, comme autrefois, mais
affectée d'une coupure; ce tribunat ne nous permettra plus
jamais de nous trouver ensemble en union et accord, et nous
ne cesserons pas de vivre dans un état maladif et troublé
par la faute les uns des autres.
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