[14] (1) Τὸν δ´ Ἀλκιβιάδην ὁ Νικίας οὐχ ἧττον ἠνία θαυμαζόμενος
ὑπὸ τῶν πολεμίων ἢ τιμώμενος ὑπὸ τῶν πολιτῶν.
πρόξενος μὲν γὰρ ἦν ὁ Ἀλκιβιάδης τῶν Λακεδαιμονίων,
καὶ τοὺς ἁλόντας αὐτῶν περὶ Πύλον ἄνδρας ἐθεράπευσεν·
(2) ἐπεὶ δ´ ἐκεῖνοί τε διὰ Νικίου μάλιστα τῆς εἰρήνης τυχόντες
καὶ τοὺς ἄνδρας ἀπολαβόντες ὑπερηγάπων αὐτόν, ἔν
τε τοῖς Ἕλλησι λόγος ἦν, ὡς Περικλέους μὲν συνάψαντος
αὐτοῖς, Νικίου δὲ λύσαντος τὸν πόλεμον, οἵ τε πλεῖστοι
τὴν εἰρήνην Νικίειον ὠνόμαζον, οὐ μετρίως ἀνιώμενος
ὁ Ἀλκιβιάδης καὶ φθονῶν ἐβούλευε σύγχυσιν ὁρκίων. (3) καὶ
πρῶτον μὲν Ἀργείους αἰσθανόμενος μίσει καὶ φόβῳ τῶν
Σπαρτιατῶν ζητοῦντας ἀποστροφήν, ἐλπίδας αὐτοῖς ἐνεδίδου
κρύφα τῆς Ἀθηναίων συμμαχίας, καὶ παρεθάρρυνε
πέμπων καὶ διαλεγόμενος τοῖς προεστῶσι τοῦ δήμου
μὴ δεδιέναι μηδ´ ὑπείκειν Λακεδαιμονίοις, ἀλλὰ πρὸς
Ἀθηναίους τρέπεσθαι καὶ περιμένειν, ὅσον οὐδέπω
μεταμελομένους καὶ τὴν εἰρήνην ἀφιέντας. (4) ἐπεὶ δὲ
Λακεδαιμόνιοι πρός τε τοὺς Βοιωτοὺς ἐποιήσαντο συμμαχίαν,
καὶ Πάνακτον οὐχ ἑστὼς ὥσπερ ἔδει τοῖς Ἀθηναίοις
παρέδωκαν, ἀλλὰ καταλύσαντες, ὀργιζομένους
λαβὼν τοὺς Ἀθηναίους ἔτι μᾶλλον ἐξετράχυνε, καὶ τὸν
Νικίαν ἐθορύβει καὶ διέβαλλεν εἰκότα κατηγορῶν, ὅτι
τοὺς ἐν Σφακτηρίᾳ τῶν πολεμίων ἀποληφθέντας αὐτὸς
μὲν ἐξελεῖν οὐκ ἠθέλησε στρατηγῶν, ἑτέρων δ´ ἐξελόντων
ἀφῆκε καὶ ἀπέδωκε χαριζόμενος Λακεδαιμονίοις·
(5) εἶτ´ ἐκείνους μὲν οὐκ ἔπεισε φίλος ὢν Βοιωτοῖς μὴ συνόμνυσθαι
μηδὲ Κορινθίοις, Ἀθηναίοις δὲ κωλύει καὶ τὸν
βουλόμενον τῶν Ἑλλήνων φίλον εἶναι καὶ σύμμαχον, εἰ
μὴ δόξειε Λακεδαιμονίοις. (6) ἐκ δὲ τούτου κακῶς φερομένῳ
τῷ Νικίᾳ παρῆσαν ὥσπερ κατὰ τύχην πρέσβεις ἀπὸ τῆς
Λακεδαίμονος, αὐτόθεν τε λόγους ἐπιεικεῖς ἔχοντες καὶ
πρὸς πᾶν τὸ συμβατικὸν καὶ δίκαιον αὐτοκράτορες ἥκειν
φάσκοντες. (7) ἀποδεξαμένης δὲ τῆς βουλῆς, τοῦ δὲ δήμου
τῇ ὑστεραίᾳ μέλλοντος ἐκκλησιάζειν, δείσας ὁ Ἀλκιβιάδης
διεπράξατο τοὺς πρέσβεις ἐν λόγοις γενέσθαι πρὸς
αὐτόν. (8) ὡς δὲ συνῆλθον, ἔλεγε· "τί πεπόνθατε, ἄνδρες
Σπαρτιᾶται; πῶς ἔλαθεν ὑμᾶς, ὅτι τὰ τῆς βουλῆς ἀεὶ
μέτρια καὶ φιλάνθρωπα πρὸς τοὺς ἐντυγχάνοντάς ἐστιν,
ὁ δὲ δῆμος μέγα φρονεῖ καὶ μεγάλων ὀρέγεται; κἂν φάσκητε
κύριοι πάντων ἀφῖχθαι, προστάττων καὶ βιαζόμενος
ἀγνωμονήσει. (9) φέρε δὴ τὴν εὐήθειαν ταύτην ἀφέντες,
εἰ βούλεσθε χρήσασθαι μετρίοις τοῖς Ἀθηναίοις καὶ
μηδὲν ἐκβιασθῆναι παρὰ γνώμην, οὕτω διαλέγεσθε περὶ
τῶν δικαίων ὡς οὐκ ὄντες αὐτοκράτορες. συμπράξομεν δ´
ἡμεῖς Λακεδαιμονίοις χαριζόμενοι. " (10) ταῦτα δ´ εἰπὼν ὅρκους
ἔδωκεν αὐτοῖς καὶ μετέστησεν ἀπὸ τοῦ Νικίου, παντάπασι
πιστεύοντας αὐτῷ καὶ θαυμάζοντας ἅμα τὴν δεινότητα καὶ
τὴν σύνεσιν, ὡς οὐ τοῦ τυχόντος ἀνδρὸς οὖσαν. (11) τῇ δ´ ὑστεραίᾳ
συνήχθη μὲν ὁ δῆμος, εἰσῆλθον δ´ οἱ πρέσβεις. ἐρωτώμενοι
δ´ ὑπὸ τοῦ Ἀλκιβιάδου πάνυ φιλανθρώπως, ἐφ´
οἷς ἀφιγμένοι τυγχάνουσιν, οὐκ ἔφασαν ἥκειν αὐτοκράτορες.
(12) εὐθὺς οὖν ὁ Ἀλκιβιάδης ἐνέκειτο μετὰ κραυγῆς
καὶ ὀργῆς, ὥσπερ οὐκ ἀδικῶν, ἀλλ´ ἀδικούμενος, ἀπίστους
καὶ παλιμβόλους ἀποκαλῶν καὶ μηδὲν ὑγιὲς μήτε
πρᾶξαι μήτ´ εἰπεῖν ἥκοντας, ἐπηγανάκτει δ´ ἡ βουλὴ καὶ
ὁ δῆμος ἐχαλέπαινε, τὸν δὲ Νικίαν ἔκπληξις εἶχε καὶ
κατήφεια τῶν ἀνδρῶν τῆς μεταβολῆς, ἀγνοοῦντα τὴν
ἀπάτην καὶ τὸν δόλον.
| [14] (1) Admiré qu'il était par les ennemis autant qu'honoré
par les citoyens, Nicias n'en était pas moins un sujet de
chagrin pour Alcibiade. Ce dernier était proxène des
Lacédémoniens et il s'était occupé d'hommes à eux faits
prisonniers à Pylos. (2) Mais comme c'est surtout grâce à
Nicias que les Lacédémoniens avaient obtenu la paix et
récupéré leurs hommes, ils l'aimaient tout particulièrement;
le bruit courait chez les Grecs que, si Périclès les avait
engagés dans la guerre, Nicias les en avait délivrés et la
plupart des gens appelaient cette paix "paix de Nicias".
Alcibiade en était excessivement contrarié et, dans sa
jalousie, projetait une violation des serments échangés. (3)
Tout d'abord, sentant que les Argiens, mus par leur haine et
leur envie à l'endroit des Spartiates, cherchaient à rompre
avec eux, Alcibiade leur insuffla secrètement l'espoir d'une
alliance athénienne. Dialoguant avec les chefs du peuple par
le truchement de messagers, il les encourageait à ne pas
craindre les Lacédémoniens, ni à leur céder, mais à se
tourner vers les Athéniens et à attendre que ceux-ci
viennent à résipiscence - ce qui ne pouvait tarder - et
dénoncent le traité de paix. (4) Après avoir conclu une
alliance militaire avec les Béotiens, les Lacédémoniens
livrèrent aux Athéniens Panacton non pas intact, comme il se
devait, mais complètement détruit. Alcibiade, sentant ses
compatriotes furieux, les exaspérait davantage encore, s'en
prenait à Nicias et l'accusait - reproche fondé - de n'avoir
pas consenti, quand il était général, à chasser lui-même les
ennemis laissés en arrière à Sphactérie: une fois que
d'autres s'en furent saisis, il les avait relâchés et rendus
aux Lacédémoniens pour leur faire plaisir. (5) Ensuite,
Alcibiade accusait Nicias de n'avoir pas su convaincre les
Lacédémoniens, dont il était l'ami, de ne pactiser ni avec
les Béotiens, ni avec les Corinthiens; Nicias cherche même à
empêcher qu'aucun Grec veuille être ami et allié d'Athènes
dès lors que cela déplaisait aux Lacédémoniens! (6) Après
quoi, aux côtés de Nicias (qui se trouvait mal pris) vinrent
se ranger, comme par hasard, des ambassadeurs de Lacédémone,
porteurs de propositions intéressantes: ils arrivaient,
affirmaient-ils, nantis des pleins pouvoirs en vue de toute
conciliation équitable. (7) Le Conseil les reçut et le
peuple se préparait à en discuter le lendemain en assemblée.
Alcibiade, prenant peur, fit en sorte que les ambassadeurs
lui ménagent un entretien. (8) Quand ils se trouvèrent
ensemble, Alcibiade leur dit: "Dans quelles dispositions
êtes-vous ici, Messieurs les Spartiates? Comment ne vous
rendez-vous pas compte que le Conseil, c'est vrai, est
toujours modéré et bienveillant envers ses visiteurs, mais
que le peuple, en revanche, est gonflé d'orgueil et de
grandes aspirations? Si vous vous déclarez nantis des pleins
pouvoirs, il se montrera intransigeant dans ses directives
et ses exigences. (9) Allons! fi de votre candeur! si vous
voulez trouver les Athéniens mesurés et ne subir nulle
pression violente contre votre avis, discutez des solutions
équitables comme si vous n'aviez pas pleins pouvoirs. De mon
côté, je travaillerai dans le même sens que vous, afin
d'être agréable aux Lacédémoniens". (10) Sur ces mots, il
leur engagea sa foi par serment et détourna ainsi de Nicias
les ambassadeurs, lesquels se fiaient totalement à lui,
Alcibiade, admirant à la fois son habileté et son
intelligence comme celles d'un homme hors du commun. (11) Le
lendemain, le peuple s'assembla et les ambassadeurs
arrivèrent. Alcibiade leur demandant très courtoisement à
quel titre ils étaient venus, ils prétendirent qu'ils
n'avaient pas pleins pouvoirs. (12) Aussitôt, Alcibiade s'en
prit vivement à eux, criant, furieux, comme s'il était non
le responsable mais la victime d'une vilaine manigance, leur
reprochant dêtre peu fiables, versatiles, venus pour ne rien
faire ni rien dire de sensé! Et le Conseil de s'indigner, le
peuple de s'irriter, tandis que Nicias était saisi de
stupeur et de découragement devant le revirement des
Spartiates - il ignorait la duperie et la ruse d'Alcibiade.
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