[2,1264a] Δεῖ δὲ μηδὲ τοῦτο αὐτὸ ἀγνοεῖν, ὅτι χρὴ προσέχειν τῷ πολλῷ
χρόνῳ καὶ τοῖς πολλοῖς ἔτεσιν, ἐν οἷς οὐκ ἂν ἔλαθεν, εἰ ταῦτα καλῶς
εἶχεν· πάντα γὰρ σχεδὸν εὕρηται μέν, ἀλλὰ τὰ μὲν οὐ συνῆκται, τοῖς δ'
οὐ χρῶνται γινώσκοντες.
§ 11. Μάλιστα δ' ἂν γένοιτο φανερὸν εἴ τις τοῖς ἔργοις ἴδοι τὴν τοιαύτην
πολιτείαν κατασκευαζομένην· οὐ γὰρ δυνήσεται μὴ μερίζων αὐτὰ καὶ
χωρίζων ποιῆσαι τὴν πόλιν, τὰ μὲν εἰς συσσίτια τὰ δὲ εἰς φατρίας καὶ
φυλάς. Ὥστε οὐδὲν ἄλλο συμβήσεται νενομοθετημένον πλὴν μὴ
γεωργεῖν τοὺς φύλακας· ὅπερ καὶ νῦν Λακεδαιμόνιοι ποιεῖν
ἐπιχειροῦσιν.
Οὐ μὴν ἀλλ' οὐδὲ ὁ τρόπος τῆς ὅλης πολιτείας τίς ἔσται τοῖς
κοινωνοῦσιν, οὔτ' εἴρηκεν ὁ Σωκράτης οὔτε ῥᾴδιον εἰπεῖν. Καίτοι
σχεδὸν τό γε πλῆθος τῆς πόλεως τὸ τῶν ἄλλων πολιτῶν γίνεται
πλῆθος, περὶ ὧν οὐδὲν διώρισται, πότερον καὶ τοῖς γεωργοῖς κοινὰς
εἶναι δεῖ τὰς κτήσεις ἢ καὶ καθ' ἕκαστον ἰδίας, ἔτι δὲ καὶ γυναῖκας καὶ
παῖδας ἰδίους ἢ κοινούς.
§ 12. Εἰ μὲν γὰρ τὸν αὐτὸν τρόπον κοινὰ πάντα πάντων, τί διοίσουσιν
οὗτοι ἐκείνων τῶν φυλάκων; Ἢ τί πλεῖον αὐτοῖς ὑπομένουσι τὴν ἀρχὴν
αὐτῶν, ἢ τί μαθόντες ὑπομενοῦσι τὴν ἀρχήν, ἐὰν μή τι σοφίζωνται
τοιοῦτον οἷον Κρῆτες; Ἐκεῖνοι γὰρ τἆλλα ταὐτὰ τοῖς δούλοις ἐφέντες
μόνον ἀπειρήκασι τὰ γυμνάσια καὶ τὴν τῶν ὅπλων κτῆσιν. Εἰ δέ,
καθάπερ ἐν ταῖς ἄλλαις πόλεσι, καὶ παρ' ἐκείνοις ἔσται τὰ τοιαῦτα, τίς ὁ
τρόπος ἔσται τῆς κοινωνίας; Ἐν μιᾷ γὰρ πόλει δύο πόλεις ἀναγκαῖον
εἶναι, καὶ ταύτας ὑπεναντίας ἀλλήλαις. Ποιεῖ γὰρ τοὺς μὲν φύλακας οἷον
φρουρούς, τοὺς δὲ γεωργοὺς καὶ τοὺς τεχνίτας καὶ τοὺς ἄλλους πολίτας.
§ 13. Ἐγκλήματα δὲ καὶ δίκαι, καὶ ὅσα ἄλλα ταῖς πόλεσιν ὑπάρχειν φησὶ
κακά, πάνθ' ὑπάρξει καὶ τούτοις. Καίτοι λέγει ὁ Σωκράτης ὡς οὐ
πολλῶν δεήσονται νομίμων διὰ τὴν παιδείαν, οἷον ἀστυνομικῶν καὶ
ἀγορανομικῶν καὶ τῶν ἄλλων τῶν τοιούτων, ἀποδιδοὺς μόνον τὴν
παιδείαν τοῖς φύλαξιν. Ἔτι δὲ κυρίους ποιεῖ τῶν κτημάτων τοὺς
γεωργοὺς ἀποφορὰν φέροντας· ἀλλὰ πολὺ μᾶλλον εἰκὸς εἶναι
χαλεποὺς καὶ φρονημάτων πλήρεις, ἢ τὰς παρ' ἐνίοις εἱλωτείας τε καὶ
πενεστείας καὶ δουλείας.
§ 14. Ἀλλὰ γὰρ εἴτ' ἀναγκαῖα ταῦθ' ὁμοίως εἴτε μή, νῦν γε οὐδὲν
διώρισται. Καὶ περὶ τῶν ἐχομένων τίς ἡ τούτων τε πολιτεία καὶ παιδεία
καὶ νόμοι τίνες. Ἔστι δ' οὔθ' εὑρεῖν ῥᾴδιον, οὔτε τὸ διαφέρον μικρὸν, τὸ
ποιούς τινας εἶναι τούτους πρὸς τὸ σῴζεσθαι τὴν τῶν φυλάκων
κοινωνίαν.
| [2,1264a] On ne peut refuser non plus de tenir compte de cette longue suite de
temps et d'années, où, certes, un tel système, s'il était bon, ne serait pas resté
inconnu. En ce genre, tout, on peut le dire, a été imaginé ; mais telles idées n'ont
pas pu prendre; et telles autres ne sont pas mises en usage, bien qu'on les
connaisse.
§ 11. Ce que nous disons de la République de Platon, serait encore bien
autrement évident, si l'on voyait un gouvernement pareil exister en réalité.
On ne pourrait d'abord l'établir qu'à cette condition de partager et
d'individualiser la propriété en en donnant une portion, ici aux repas
communs, là à l'entretien des phratries et des tribus. Alors toute cette
législation n'aboutirait qu'à interdire l'agriculture aux guerriers ; et c'est
précisément ce que de nos jours cherchent à faire les Lacédémoniens. Quant
au gouvernement général de cette communauté, Socrate n'en dit mot, et il
nous serait tout aussi difficile qu'à lui d'en dire davantage. Cependant la
masse de la cité se composera de cette masse de citoyens à l'égard desquels
on n'aura rien statué. Pour les laboureurs, par exemple, la propriété sera-t-elle
particulière, ou sera-t-elle commune ? Leurs femmes et leurs enfants seront-
ils ou ne seront-ils pas en commun?
§ 12. Si les règles de la communauté sont les mêmes pour tous, où sera la
différence des laboureurs aux guerriers ? Où sera pour les premiers la
compensation de l'obéissance qu'ils doivent aux autres ? Qui leur apprendra
même à obéir? A moins qu'on n'emploie à leur égard l'expédient des Crétois,
qui ne défendent que deux choses à leurs esclaves, se livrer à la gymnastique
et posséder des armes. Si tous ces points sont réglés ici comme ils le sont dans
les autres États, que deviendra dès lors la communauté ? On aura
nécessairement constitué dans l'État deux États ennemis l'un de l'autre ; car
des laboureurs et des artisans, on aura fait des citoyens ; et des guerriers, on
aura fait des surveillants chargés de les garder perpétuellement.
§ 13. Quant aux dissensions, aux procès et aux autres vices que Socrate
reproche aux sociétés actuelles, j'affirme qu'ils se retrouveront tous sans
exception dans la sienne. Il soutient que, grâce à l'éducation, il ne faudra
point dans sa République tous ces règlements sur la police, la tenue des
marchés et autres matières aussi peu importantes ; et cependant il ne donne
d'éducation qu'à ses guerriers. D'un autre côté, il laisse aux laboureurs la
propriété des terres, à la condition d'en livrer les produits ; mais il est fort à
craindre que ces propriétaires-là ne soient bien autrement indociles, bien
autrement fiers que les hilotes les pénestes ou tant d'autres esclaves.
§ 14. Socrate, au reste, n'a rien dit sur l'importance relative de toutes ces
choses. Il n'a point parlé davantage de plusieurs autres qui leur tiennent de
bien près, telles que le gouvernement, l'éducation et les lois spéciales à la
classe des laboureurs ; or, il n'est ni plus facile, ni moins important de savoir
comment on l'organisera, pour que la communauté des guerriers puisse
subsister à côté d'elle.
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