[15a,64] Διαλεχθῆναι δ´ ἑνὶ τούτων Καλάνῳ, ὃν καὶ
συνακολουθῆσαι τῷ βασιλεῖ μέχρι Περσίδος καὶ ἀποθανεῖν
τῷ πατρίῳ νόμῳ τεθέντα ἐπὶ πυρκαϊάν· τότε δ´
ἐπὶ λίθων τυχεῖν κείμενον. προσιὼν οὖν καὶ προσαγορεύσας
εἰπεῖν ἔφη, διότι πεμφθείη παρὰ τοῦ βασιλέως
ἀκροασόμενος τῆς σοφίας αὐτῶν καὶ ἀπαγγελῶν
πρὸς αὐτόν· εἰ οὖν μηδεὶς εἴη φθόνος, ἕτοιμος εἴη
μετασχεῖν τῆς ἀκροάσεως. ἰδόντα δ´ ἐκεῖνον χλαμύδα
καὶ καυσίαν φοροῦντα καὶ κρηπῖδα, καταγελάσαντα
„τὸ παλαιόν“ φάναι „πάντ´ ἦν ἀλφίτων καὶ ἀλεύρων
„πλήρη καθάπερ νῦν κόνεως· καὶ κρῆναι δ´ ἔρρεον
„αἱ μὲν ὕδατος γάλακτος δ´ ἄλλαι καὶ ὁμοίως μέλιτος,
„αἱ δ´ οἴνου τινὲς δ´ ἐλαίου· ὑπὸ πλησμονῆς δ´ οἱ ἄνθρωποι
καὶ τρυφῆς εἰς ὕβριν ἐξέπεσον. Ζεὺς δὲ μισήσας
τὴν κατάστασιν ἠφάνισε πάντα καὶ διὰ πόνου
„τὸν βίον ἀπέδειξε· σωφροσύνης δὲ καὶ τῆς ἄλλης
„ἀρετῆς παρελθούσης εἰς μέσον πάλιν εὐπορία τῶν
„ἀγαθῶν ὑπῆρξεν· ἐγγὺς δ´ ἐστὶν ἤδη νυνὶ κόρου καὶ
„ὕβρεως τὸ πρᾶγμα, κινδυνεύει τε ἀφανισμὸς τῶν
„ὄντων γενέσθαι.“ ταῦτα εἰπόντα κελεύειν, εἰ βούλοιτο
ἀκροάσασθαι, καταθέμενον τὴν σκευὴν γυμνὸν
ἐπὶ τῶν αὐτῶν λίθων κείμενον μετέχειν τῶν λόγων.
ἀπορουμένου δὲ αὐτοῦ, Μάνδανιν ὅσπερ ἦν πρεσβύτατος
καὶ σοφώτατος αὐτῶν, τὸν μὲν ἐπιπλῆξαι ὡς
ὑβριστήν, καὶ ταῦτα ὕβρεως κατηγορήσαντα, αὐτὸν
δὲ προσκαλέσασθαι καὶ εἰπεῖν ὡς τὸν μὲν βασιλέα ἐπαινοίη,
διότι ἀρχὴν τοσαύτην διοικῶν ἐπιθυμοίη σοφίας· μόνον γὰρ ἴδοι αὐτὸν ἐν ὅπλοις φιλοσοφοῦντα· ὠφελιμώτατον δ´ εἴη τῶν ἁπάντων, εἰ οἱ τοιοῦτοι φρονοῖεν οἷς πάρεστι δύναμις τοὺς μὲν ἑκουσίους
πείθειν σωφρονεῖν τοὺς δ´ ἀκουσίους ἀναγκάζειν·
αὐτῷ δὲ συγγνώμη εἴη, εἰ δι´ ἑρμηνέων τριῶν διαλεγόμενος
πλὴν φωνῆς μηδὲν συνιέντων πλέον ἢ οἱ
πολλοί, μηδὲν ἰσχύσει τῆς ὠφελείας ἐπίδειξιν ποιήσασθαι·
ὅμοιον γὰρ ὡς ἂν εἰ διὰ βορβόρου καθαρὸν ἀξιοῖ τις ὕδωρ ῥεῖν.
| [15a,64] Onésicrite raconte encore l'entretien qu'il eut avec un de ces
Gymnosophistes, nommé Calanus, le même qui accompagna Alexandre jusqu'en
Perse et qui mourut, fidèle à la tradition nationale, brûlé sur un
bûcher. Onésicrite l'avait trouvé couché sur un tas de pierres. Après
l'avoir abordé et salué, il lui dit qu'il était envoyé par le roi
Alexandre pour entendre leurs sages discours et pour lui en transmettre
l'impression, qu'en conséquence, s'il n'y voyait aucun inconvénient, il
était prêt à assister à leur première conférence. Mais en le voyant
enveloppé de sa chlamyde, le chapeau à larges bords sur la tête et les
sandales de voyage aux pieds, Calanus lui rit au nez et prononça les
paroles suivantes : «Anciennement, la surface de la terre était couverte
de farine d'orge et de froment, comme elle est couverte aujourd'hui de
poussière. Les fontaines en coulant versaient, les unes de l'eau, les
autres du lait ou du miel, d'autres du vin, quelques-unes même de l'huile.
Mais, par un effet naturel de la satiété et de l'excès de bien-être, les
hommes tombèrent dans l'insolence. Indigné d'un pareil état de choses,
Zeus supprima tous ces biens et soumit la vie de l'homme à la loi du
travail. La Sagesse et les autres Vertus firent alors leur apparition dans
le monde et eurent bientôt ramené l'abondance. Au point où nous voilà,
cependant, on sent que de nouveau la satiété et l'insolence approchent et
il est à craindre que l'homme ne se voie supprimer une fois encore tous
les biens dont il jouit». Cela dit, il engagea Onésicrite, s'il voulait
assister à leur conférence et en tirer profit, à se dépouiller au
préalable de ses vêtements et à se coucher nu à côté de lui sur le même
tas de pierres. Onésicrite n'était pas peu embarrassé, lorsque Mandanis,
le plus âgé et le plus sage des Gymnosophistes, après avoir reproché à
Calanus de faire ainsi l'insolent dans le même moment où il dénonçait
l'insolence des hommes, appela l'étranger auprès de lui et lui dit qu'il
félicitait le roi, son maître, de ce qu'ayant un si vaste empire à
gouverner il conservait encore le désir d'acquérir et de posséder la
sagesse, qu'Alexandre était le premier guerrier philosophe qu'il eût
rencontré, et que ce serait cependant une chose éminemment utile si l'on
voyait partout en possession de la souveraine sagesse ceux qui ont le
pouvoir de rendre sages les autres hommes par la persuasion quand ils sont
dociles, par la force quand ils résistent ; qu'il aurait aimé à lui
démontrer en règle l'utilité d'un pareil résultat, mais qu'obligé
d'emprunter le secours de trois interprètes qui, s'ils entendaient sa
langue, n'entendaient pas plus sa pensée que le reste du vulgaire, il le
priait de l'excuser, car autant vaudrait faire passer de l'eau claire par
des conduits bourbeux.
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