[1,2,30] Θαυμάζειν δὲ δεῖ τῶν Αἰγυπτίων καὶ Σύρων, πρὸς οὓς νῦν ἡμῖν ὁ
λόγος, εἰ μηδ' ἐκείνου λέγοντος τὰ παρ' αὐτοῖς ἐπιχώρια συνιᾶσιν,
ἀλλὰ καὶ ἄγνοιαν αἰτιῶνται, ᾗ αὐτοὺς ἐνόχους δείκνυσιν ὁ λόγος.
Ἁπλῶς δὲ τὸ μὴ λέγειν οὐ τοῦ μὴ εἰδέναι σημεῖόν ἐστιν· οὐδὲ γὰρ τὰς
τροπὰς τοῦ Εὐρίπου λέγει οὐδὲ τὰς Θερμοπύλας οὐδ' ἄλλα πλείω τῶν
γνωρίμων παρὰ τοῖς Ἕλλησιν, οὐ μὴν ἠγνόει γε. Ἀλλὰ καὶ λέγει, οὐ
δοκεῖ δὲ τοῖς ἐθελοκωφοῦσιν, ὥστε ἐκείνους αἰτιατέον. Ὁ ποιητὴς
τοίνυν διιπετέας καλεῖ τοὺς ποταμούς, οὐ τοὺς χειμάρρους μόνους,
ἀλλὰ καὶ πάντας κοινῶς, ὅτι πληροῦνται πάντες ἀπὸ τῶν ὀμβρίων
ὑδάτων· ἀλλὰ τὸ κοινὸν ἐπὶ τῶν κατ' ἐξοχὴν ἴδιον γίνεται. Ἄλλως γὰρ
ἂν τὸν χειμάρρουν ἀκούοι τις διιπετῆ καὶ ἄλλως τὸν ἀέναον· ἐνταῦθα
δὲ διπλασιάζει πως ἡ ἐξοχή. Καὶ καθάπερ εἰσί τινες ὑπερβολαὶ ἐπὶ
ὑπερβολαῖς, ὡς τὸ κουφότερον εἶναι φελλοῦ σκιᾶς, δειλότερον δὲ
λαγὼ Φρυγός, ἐλάττω δ' ἔχειν γῆν τὸν ἀγρὸν ἐπιστολῆς Λακωνικῆς·
οὕτως ἐξοχὴ ἐπὶ ἐξοχῇ συντρέχει ἐπὶ τοῦ διιπετῆ τὸν Νεῖλον λέγεσθαι.
ὁ μὲν γὰρ χειμάρρους ὑπερβέβληται τοὺς ἄλλους ποταμοὺς τῷ
διιπετὴς εἶναι· Ὀ δὲ Νεῖλος καὶ τοὺς χειμάρρους, ἐπὶ τοσοῦτον
πληρούμενος καὶ πλήθους καὶ χρόνου. Ὥστ' ἐπεὶ καὶ γνώριμον ἦν τὸ
πάθος τοῦ ποταμοῦ τῷ ποιητῇ, ὡς παραμεμυθήμεθα, καὶ κέχρηται τῷ
ἐπιθέτῳ τούτῳ κατ' αὐτοῦ, οὐκ ἄλλως δεκτέον ἢ ὡς εἰρήκαμεν. Τὸ δὲ
πλείοσι στόμασιν ἐκδιδόναι κοινὸν καὶ πλειόνων, ὥστ' οὐκ ἄξιον
μνήμης ὑπέλαβε, καὶ ταῦτα πρὸς εἰδότας· καθάπερ οὐδ' Ἀλκαῖος,
καίτοι φήσας ἀφῖχθαι καὶ αὐτὸς εἰς Αἴγυπτον. Αἱ δὲ προσχώσεις καὶ
ἐκ τῶν ἀναβάσεων μὲν δύνανται ὑπονοεῖσθαι καὶ ἐξ ὧν δὲ εἶπε περὶ
τῆς Φάρου. Ὁ γὰρ ἱστορῶν αὐτῷ περὶ τῆς Φάρου, μᾶλλον δὲ ἡ κοινὴ
φήμη, διότι μὲν τότε τοσοῦτον ἀπεῖχεν ἀπὸ τῆς ἠπείρου, ὅσον φησί,
δρόμον νεὼς ἡμερήσιον, οὐκ ἂν εἴη διατεθρυλημένη ἐπὶ τοσοῦτον
ἐψευσμένως. Ὅτι δ' ἡ ἀνάβασις καὶ αἱ προσχώσεις τοιαῦταί τινες,
κοινότερον πεπύσθαι εἰκὸς ἦν· ἐξ ὧν συνθεὶς ὁ ποιητὴς, ὅτι πλέον ἢ
τότε ἀφειστήκει τῆς γῆς ἡ νῆσος κατὰ τὴν Μενελάου παρουσίαν,
προσέθηκε παρ' ἑαυτοῦ πολλαπλάσιον διάστημα τοῦ μυθώδους χάριν.
Αἱ δὲ μυθοποιίαι οὐκ ἀγνοίας (χ άριν) σημεῖον ( γὰρ) δή που· οὐδὲ (
γὰρ) τὰ περὶ τοῦ Πρωτέως καὶ τῶν Πυγμαίων, οὐδ' αἱ τῶν φαρμάκων
δυνάμεις, οὐδ' εἴ τι ἄλλο τοιοῦτον οἱ ποιηταὶ πλάττουσιν· οὐ γὰρ κατ'
ἄγνοιαν τῶν τοπικῶν λέγεται, ἀλλ' ἡδονῆς καὶ τέρψεως χάριν. πῶς
οὖν καὶ ἄνυδρον οὖσαν φησὶν ὕδωρ ἔχειν;
Ἐν δὲ λιμὴν εὔορμος, ὅθεν τ' ἀπὸ νῆας ἐίσας
ἐς πόντον βάλλουσιν ἀφυσσάμενοι μέλαν ὕδωρ.
Ἀλλ' οὔτε τὸ ὑδρεῖον ἐκλιπεῖν ἀδύνατον, οὔτε τὴν ὑδρείαν ἐκ τῆς
νήσου γενέσθαι φησίν, ἀλλὰ τὴν ἀναγωγὴν μόνην διὰ τὴν τοῦ
λιμένος ἀρετήν, τὸ δ' ὕδωρ ἐκ τῆς περαίας ἀρύσασθαι παρῆν,
ἐξομολογουμένου πως τοῦ ποιητοῦ δι' ἐμφάσεως, ὅτι πελαγίαν εἶπεν
οὐ πρὸς ἀλήθειαν, ἀλλὰ πρὸς ὑπερβο λὴν καὶ μυθοποιίαν.
| [1,2,30] 30. N'est-il pas étrange après cela de voir des Égyptiens, des Syriens (les
mêmes contre qui nous disputons présentement), qui n'entendent même
pas Homère dans ce qu'il dit des choses de leur pays, et que notre
discussion vient de convaincre d'ignorance, oser traiter Homère
d'ignorant! D'abord, règle générale, le silence n'est point une preuve
d'ignorance : Homère n'a rien dit des courants contraires de l'Euripe, ni du
défilé des Thermopyles ni de mainte autre curiosité de la Grèce connue
de tout le monde, et assuré-ment ce n'est point par ignorance. Mais ce
qui est plus fort, il lui arrive quelquefois de parler des choses sans que
ces sourds de parti pris le daignent entendre, auquel cas naturellement
toute la faute est à eux. Chacun sait qu'Homère, sous le nom d'enfants du
ciel, désigne non seulement les torrents, mais encore tous les autres
cours d'eau, et cela apparemment parce qu'il savait que tous sont gros-
sis par les pluies. Mais toute qualification générale appliquée à ce qui est
hors ligne devient par cela même qualification particulière : l'épithète
enfant du ciel notamment ne saurait avoir la même valeur, attribuée au
torrent ou bien au fleuve ordinaire qui ne tarit jamais. Or, dans le cas
présent, il y a, si l'on peut dire, double degré de supériorité; et, de même
qu'il existe des hyperboles d'hyperboles, celles-ci par exemple, «être plus
léger que a l'ombre d'un liége;» — a être plus timide qu'un lièvre «
phrygien; - avoir moins de terre (il s'agit d'un champ) «qu'une épître
laconienne {n'a de mots} ;» de même, appliquée au Nil, la qualification
d'enfant du ciel semble un superlatif ajouté au superlatif. Car, si le torrent
déjà a plus de droit que les autres cours d'eau à cette qualification
d'enfant du ciel, le Nil y a plus de droit encore que tous les torrents, quels
qu'ils soient, les surpassant tous tellement par le volume et la durée de
ses crues. Et, comme nous avons d'ailleurs victorieusement démontré
qu'Homère n'ignorait aucune des particularités du régime de ce fleuve, s'il
lui a appliqué l'épithète en question, ce ne peut être que dans le sens que
nous venons de dire. Voici maintenant une particularité, celle d'avoir
plusieurs bouches ou embouchures, qui se trouvait être commune à une
infinité de fleuves, Homère ne l'a point jugée digne d'être signalée, à des
gens surtout qu'il savait déjà instruits du fait. Mais Alcée lui-même n'en a
point parlé davantage, et cependant, s'il faut l'en croire, il avait fait, lui, le
voyage d'Égypte. Quant au phénomène des atterrissements du Nil, lequel
pourrait déjà se déduire du seul fait des crues du fleuve, la mention s'en
trouve implicitement contenue dans ce que dit le poète de l'île de Pharos.
Qu'un informateur quelconque, que la commune renommée, pour mieux
dire, ait pu représenter à Homère l'île de Pharos comme étant encore
aussi éloignée du continent qu'il le marque, à savoir d'une journée de
navigation tout entière, la chose est inadmissible, le mensonge aurait été
par trop flagrant. En revanche, il était tout simple que des renseignements
sur la nature des crues du Nil et de ses atterrissements fussent plus
vagues, plus généraux ; or, de tels renseignements Homère aura pu
conclure que l'île, à l'époque où Ménélas la visitait, se trouvait plus
éloignée de la terre ferme qu'elle ne l'était de son temps, et, pour donner
à cette circonstance une couleur fabuleuse, il aura pris sur lui de faire la
distance plus grande encore. Mais l'emploi des fables, avons-nous dit, ne
saurait être considéré comme un indice d'ignorance : ainsi, ni la fable de
Protée, ni le mythe des Pygmées, ni ces prodigieux effets attribués aux
breuvages magiques, ni tant d'autres fictions analogues n'accusent
l'ignorance géographique ou historique du poète, et si elles prouvent
quelque chose c'est uniquement l'envie de plaire et d'amuser. - «
Comment se fait-il pourtant, dira-t-on, qu'Homère ait pu parler de
l'aiguade de Pharos, quand il est avéré que Pharos manque d'eau?»
«Là s'ouvre un port, excellent mouillage, d'où les vaisseaux rapides
s'élancent à la mer chargés de l'eau limpide des sources profondes.»
D'abord, répondrons-nous, il ne serait pas impossible qu'avec le temps
l'aiguade de l'île se fût tarie; en second lieu Homère ne dit pas
formellement qu'on tirât l'eau des sources mêmes de Pharos, mais
seulement que le chargement des navires se faisait en ce lieu à cause de
l'excellence de son port; et il était facile apparemment d'aller puiser l'eau
sur la côte vis-à-vis. Ajoutons que par cette façon de s'exprimer le poète
semble en quelque sorte avouer que, lorsqu'il a fait ailleurs de Pharos
une île de pleine mer, il n'a point dit vrai, mais qu'il a amplifié et exagéré à
la façon des poètes.
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