[1,2,22] Ἐπιμένων δὲ τοῖς περὶ Ὁμήρου ψευδῶς ὑποληφθεῖσι καὶ ταῦτά
φησιν, ὅτι οὐδὲ τὰ τοῦ Νείλου στόματα οἶδε πλείω ὄντα οὐδ' αὐτὸ
τοὔνομα, Ἡσίοδος δὲ οἶδε· μέμνηται γάρ. τὸ μὲν οὖν ὄνομα εἰκὸς
μήπω λέγεσθαι κατ' αὐτόν· τὰ δὲ στόματα εἰ μὲν ἦν ἀφανῆ καὶ
ὀλίγοις γνώριμα, ὅτι πλείω καὶ οὐχ ἕν, δοίη τις ἂν {μὴ} πεπύσθαι
αὐτόν· εἰ δὲ τῶν κατ' Αἴγυπτον τὸ γνωριμώτατον καὶ παραδοξότατον
καὶ μάλιστα πάντων μνήμης ἄξιον καὶ ἱστορίας ὁ ποταμὸς καὶ ἦν καὶ
ἐστίν, ὡς δ' αὕτως αἱ ἀναβάσεις αὐτοῦ καὶ τὰ στόματα, τίς ἂν ἢ τοὺς
ἀγγέλλοντας αὐτῷ ποταμὸν αἴγυπτον καὶ χώραν καὶ Θήβας
Αἰγυπτίας καὶ Φάρον ὑπολάβοι μὴ γνωρίζειν ταῦτα, ἢ γνωρίζοντας
μὴ λέγειν, πλὴν εἰ μὴ διὰ τὸ γνώριμον; Ἔτι δ' ἀπιθανώτερον, εἰ τὴν
μὲν αἰθιοπίαν ἔλεγε καὶ Σιδονίους καὶ Ἐρεμβοὺς καὶ τὴν ἔξω
θάλατταν καὶ τὸ διχθὰ δεδάσθαι τοὺς Αἰθίοπας, τὰ δ' ἐγγὺς καὶ
γνώριμα μή. Εἰ δὲ μὴ ἐμνήσθη τούτων, οὐ τοῦτο σημεῖον τοῦ ἀγνοεῖν
( οὐδὲ γὰρ τῆς αὐτοῦ πατρίδος ἐμνήσθη οὐδὲ πολλῶν ἄλλων) ἀλλὰ
μᾶλλον τὰ λίαν γνώριμα ὄντα φαίη τις ἂν δόξαι μὴ ἄξια μνήμης εἶναι
πρὸς τοὺς εἰδότας.
| [1,2,22] 22. Mais, persistant dans ses préventions, Ératosthène accuse plus loin
Homère d'avoir ignoré que le Nil a plus d'une bouche, il veut même qu'il
n'ait point connu ce nom de Nil, qu'Hésiode, lui, connaissait, puisqu'il l'a
cité. Qu'Homère ait ignoré ce nom, soit : il est assez vraisemblable que
de son temps on ne s'en servait pas encore- On pourrait de même
admettre qu'il n'a point connu l'existence des différentes bouches du
fleuve, s'il était vraisemblable que de son temps ces b-ouches fussent
encore inexplorées et que peu de personnes seulement fussent instruites
qu'il y en avait plus d'une. Si, au contraire, de son temps déjà, comme de
nos jours, la plus connue, la plus surprenante des merveilles de l'Égypte,
celle qui méritait le plus d'être observée et décrite, était le fleuve lui-même,
avec le double phénomène de ses crues et de ses bouches
multiples, comment supposer que ceux, dont les récits avaient fait
connaître au poète et le fleuve Ægyptus et la contrée de même nom, et
Thèbes d'Égypte et l'île de Pharos, eussent eux-mêmes ignoré le fait en
question, ou que, le connaissant, ils eus-sent négligé de lui en parler, si
ce n'est en raison de cette notoriété même? Quand on songe d'ailleurs
qu'Homère lui-même a parlé de l'Éthiopie, des Sidoniens et des Erembes,
de la mer Extérieure et de la division des Éthiopiens en deux corps de
nation, on s'explique encore bien moins comment il aurait pu ne rien
savoir de choses beaucoup plus proches, de choses universellement
connues. Qu'il n'en ait rien dit, peu importe : le silence n'est point signe
d'ignorance (Homère n'a point parlé davantage du lieu de sa naissance ni
de mainte autre circonstance qu'assurément il connaissait) : la cause en
est bien plutôt qu'il aura jugé hors dé propos de rappeler des faits trop
connus à des gens qu'il savait déjà instruits.
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