[1,2,8] Καὶ πρῶτον ὅτι τοὺς μύθους ἀπεδέξαντο οὐχ οἱ ποιηταὶ μόνον,
ἀλλὰ καὶ αἱ πόλεις πολὺ πρότερον καὶ οἱ νομοθέται τοῦ χρησίμου
χάριν, βλέψαντες εἰς τὸ φυσικὸν πάθος τοῦ λογικοῦ ζῴου·
φιλειδήμων γὰρ ἅνθρωπος, προοίμιον δὲ τούτου τὸ φιλόμυθον·
ἐντεῦθεν οὖν ἄρχεται τὰ παιδία ἀκροᾶσθαι καὶ κοινωνεῖν λόγων ἐπὶ
πλεῖον. Αἴτιον δ', ὅτι καινολογία τίς ἐστιν ὁ μῦθος, οὐ τὰ
καθεστηκότα φράζων ἀλλ' ἕτερα παρὰ ταῦτα· ἡδὺ δὲ τὸ καινὸν καὶ ὃ
μὴ πρότερον ἔγνω τις· τοῦτο δ' αὐτό ἐστι καὶ τὸ ποιοῦν φιλειδήμονα.
Ὅταν δὲ προσῇ καὶ τὸ θαυμαστὸν καὶ τὸ τερατῶδες, ἐπιτείνει τὴν
ἡδονήν, ἥπερ ἐστὶ τοῦ μανθάνειν φίλτρον. Κατ' ἀρχὰς μὲν οὖν
ἀνάγκη τοιούτοις δελέασι χρῆσθαι, προιιούσης δὲ τῆς ἡλικίας ἐπὶ τὴν
τῶν ὄντων μάθησιν ἄγειν, ἤδη τῆς διανοίας ἐρρωμένης καὶ μηκέτι
δεομένης κολάκων. Καὶ ἰδιώτης δὲ πᾶς καὶ ἀπαίδευτος τρόπον τινὰ
παῖς ἐστι φιλομυθεῖ τε ὡσαύτως· ὁμοίως δὲ καὶ ὁ πεπαιδευμένος
μετρίως· οὐδὲ γὰρ οὗτος ἰσχύει τῷ λογισμῷ, πρόσεστι δὲ καὶ τὸ ἐκ
παιδὸς ἔθος. Ἐπεὶ δ' οὐ μόνον ἡδὺ ἀλλὰ καὶ φοβερὸν τὸ τερατῶδες,
ἀμφοτέρων ἐστὶ τῶν εἰδῶν χρεία πρός τε τοὺς παῖδας καὶ τοὺς ἐν
ἡλικίᾳ· τοῖς τε γὰρ παισὶ προσφέρομεν τοὺς ἡδεῖς μύθους εἰς
προτροπήν, εἰς ἀποτροπὴν δὲ τοὺς φοβερούς. Ἥ τε γὰρ Λάμια
μῦθός ἐστι καὶ ἡ Γοργὼ καὶ ὁ Ἐφιάλτης καὶ ἡ Μορμολύκη. Οἵ τε
πολλοὶ τῶν τὰς πόλεις οἰκούντων εἰς μὲν προτροπὴν ἄγονται τοῖς
ἡδέσι τῶν μύθων, ὅταν ἀκούωσι τῶν ποιητῶν ἀνδραγαθήματα
μυθώδη διηγουμένων, οἷον Ἡρακλέους ἄθλους ἢ Θησέως, ἢ τιμὰς
παρὰ θεῶν νεμομένας, ἢ νὴ Δία ὁρῶσι γραφὰς ἢ ξόανα ἢ πλάσματα
τοιαύτην τινὰ περιπέτειαν ὑποσημαίνοντα μυθώδη· εἰς ἀποτροπὴν
δέ, ὅταν κολάσεις παρὰ θεῶν καὶ φόβους καὶ ἀπειλὰς ἢ διὰ λόγων ἢ
διὰ τύπων ἀοράτων τινῶν προσδέχωνται, ἢ καὶ πιστεύωσι περιπεσεῖν
τινας. Οὐ γὰρ ὄχλον γε γυναικῶν καὶ παντὸς χυδαίου πλήθους
ἐπαγαγεῖν λόγῳ δυνατὸν φιλοσόφῳ καὶ προσκαλέσασθαι πρὸς
εὐσέβειαν καὶ ὁσιότητα καὶ πίστιν, ἀλλὰ δεῖ καὶ διὰ δεισιδαιμονίας·
τοῦτο δ' οὐκ ἄνευ μυθοποιίας καὶ τερατείας. Κεραυνὸς γὰρ καὶ αἰγὶς
καὶ τρίαινα καὶ λαμπάδες καὶ δράκοντες καὶ θυρσόλογχα, τῶν θεῶν
ὅπλα, μῦθοι καὶ πᾶσα θεολογία ἀρχαιική· ταῦτα δ' ἀπεδέξαντο οἱ τὰς
πολιτείας καταστησάμενοι μορμολύκας τινὰς πρὸς τοὺς νηπιόφρονας.
Τοιαύτης δὲ τῆς μυθοποιίας οὔσης καὶ καταστρεφούσης εἰς τὸ
κοινωνικὸν καὶ τὸ πολιτικὸν τοῦ βίου σχῆμα καὶ τὴν τῶν ὄντων
ἱστορίαν, οἱ μὲν ἀρχαῖοι τὴν παιδικὴν ἀγωγὴν ἐφύλαξαν μέχρι τῶν
τελείων ἡλικιῶν, καὶ διὰ ποιητικῆς ἱκανῶς σωφρονίζεσθαι πᾶσαν
ἡλικίαν ὑπέλαβον· χρόνοις δ' ὕστερον ἡ τῆς ἱστορίας γραφὴ καὶ ἡ νῦν
φιλοσοφία παρελήλυθεν εἰς μέσον. Αὕτη μὲν οὖν πρὸς ὀλίγους, ἡ δὲ
ποιητικὴ δημωφελεστέρα καὶ θέατρα πληροῦν δυναμένη· ἡ δὲ δὴ τοῦ
Ὁμήρου ὑπερβαλλόντως. Καὶ οἱ πρῶτοι δὲ ἱστορικοὶ καὶ φυσικοὶ
μυθογράφοι.
| [1,2,8] 8. Et d'abord notons que les poètes n'ont pas été seuls à admettre les
fables : longtemps, bien longtemps même avant les poètes, les chefs
d'État et les législateurs en avaient fait usage, en raison de l'utilité qu'elles
présentent, et pour répondre à une disposition naturelle de l'être ou «
animal pensant.» Car l'homme est avide de savoir, et son amour des
fables est comme un premier indice de ce penchant. De là vient aussi,
qu'en général, les fables sont les premières leçons qu'entendent les
enfants et ce qu'on leur propose comme premiers sujets d'entretien. Et la
cause de ce choix c'est que la fable, qui ne représente pas ce qui existe,
mais autre chose que ce qui existe, leur révèle en quelque sorte un
monde nouveau. Or, on aime toujours le nouveau, l'inconnu ; c'est même
là ce qui rend avide de savoir, et, quand à la nouveauté s'ajoutent
l'étonnant et le merveilleux, le plaisir est doublé, le plaisir, qui est comme
le philtre de la science. Pour commencer, il y a donc nécessité d'user de
semblables appâts mais, avec le progrès de l'âge, quand le jugement
s'est fortifié, et que l'esprit n'a plus besoin d'être flatté, c'est à la
connaissance du monde réel qu'il faut l'acheminer. Ajoutons que tout
ignorant, tout homme sans instruction n'est lui-même, à proprement
parler, qu'un enfant, aimant les fables comme un enfant les aime;
l'homme même qui n'a reçu qu'une instruction médiocre en est là aussi
jusqu'à un certain point : car chez lui, non plus, la raison n'a pas acquis
toute sa force, sans compter qu'elle subit encore l'influence d'une
habitude d'enfance. Mais, comme à côté du merveilleux qui fait plaisir,
nous avons le merveilleux qui fait peur, il y a lieu de se servir de l'une et
de l'autre forme avec les enfants, voire même avec les adultes. En
conséquence, nous racontons aux enfants les fables agréables pour les
tourner au bien, les fables effrayantes pour les détourner du mal : Lamia,
par exemple, Gorge, Éphialte et Mormolyce sont autant de mythes de la
dernière espèce. Quant au peuple de nos grandes villes, nous le voyons
aussi, sensible à l'agrément des fables, se laisser entraîner au bien par
l'audition de récits, comme ceux qu'ont faits les poètes des exploits
fabuleux des héros, des travaux, par exemple, d'un Hercule ou d'un
Thésée et des honneurs décernés par les dieux à leur courage, voire
même, à la rigueur, rien que par la vue de peintures, de statues ou de
bas-reliefs représentant quelque épisode semblable tiré de la fable.
D'autre part, il suffit, pour qu'il se détourne avec horreur du mal, que, par
l'audition de certains récits ou le spectacle de certaines figures
monstrueuses, il perçoive la notion de châtiments, de terreurs, de
menaces envoyés par les dieux, ou qu'il se persuade qu'il y a eu dans le
monde des hommes frappés de la sorte. C'est qu'en effet il est impossible
que la foule des femmes et la vile multitude se laissent guider par le pur
langage de la philosophie et gagner ainsi à la piété, à la justice, à la
bonne foi ; pour les amener à ces vertus, il faut recourir encore à la
superstition. Mais sans l'emploi des mythes et du merveilleux , comment
développer la superstition? Qu'est-ce en effet que la foudre, l'égide, le
trident, les torches, les dragons, les thyrses, toutes ces armes des dieux,
et en général tout cet appareil de l'antique théologie, si ce n'est de pures
fables, dont les chefs ou fondateurs d'États se sont servis, comme on se
sert des masques de théâtre, pour effrayer les âmes faibles. L'esprit des
mythes poétiques étant ce que nous venons de dire et pouvant en somme
exercer une heureuse influence sur les conditions de la vie sociale et
politique, et profiter même à la connaissance de la réalité historique, on
conçoit que les Anciens aient conservé, pour l'appliquer aux générations
adultes, l'enseignement de l'enfance, et vu dans la poésie une école de
sagesse propre à tous les âges. Plus tard, il est vrai, parurent l'histoire et
la philosophie dans sa forme actuelle ; mais la philosophie et l'histoire ne
s'adressent qu'au petit nombre, tandis que la poésie, d'une utilité plus
générale, attire encore la foule dans les théâtres, et la poésie d'Homère
infiniment plus qu'aucune autre. D'ailleurs, les premiers historiens et les
premiers philosophes, ceux qu'on nomme les philosophes-physiciens,
avaient été eux-mêmes des mythographes.
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