[1,2,9] Ἅτε δὴ πρὸς τὸ παιδευτικὸν εἶδος τοὺς μύθους ἀναφέρων ὁ
ποιητὴς ἐφρόντισε πολὺ μέρος τἀληθοῦς· « ἐν δ' ἐτίθει καὶ ψεῦδος» ,
τὸ μὲν ἀποδεχόμενος τῷ δὲ δημαγωγῶν καὶ στρατηγῶν τὰ πλήθη.
Ὡς δ' ὅτε τις χρυσὸν περιχεύεται ἀργύρῳ ἀνήρ,
οὕτως ἐκεῖνος ταῖς ἀληθέσι περιπετείαις προσεπετίθει μῦθον, ἡδύνων
καὶ κοσμῶν τὴν φράσιν· πρὸς δὲ τὸ αὐτὸ τέλος τοῦ ἱστορικοῦ καὶ τοῦ
τὰ ὄντα λέγοντος βλέπων. Οὕτω δὴ τόν τε Ἰλιακὸν πόλεμον
γεγονότα παραλαβὼν ἐκόσμησε ταῖς μυθοποιίαις, καὶ τὴν Ὀδυσσέως
πλάνην ὡσαύτως· ἐκ μηδενὸς δὲ ἀληθοῦς ἀνάπτειν κενὴν
τερατολογίαν οὐχ Ὁμηρικόν. Προσπίπτει γάρ, ὡς εἰκός, ὡς
πιθανώτερον ἂν οὕτω τις ψεύδοιτο, εἰ καταμίσγοι τι καὶ αὐτῶν τῶν
ἀληθινῶν· ὅπερ καὶ Πολύβιός φησι περὶ τῆς Ὀδυσσέως πλάνης
ἐπιχειρῶν· τοιοῦτο δ' ἐστὶ καὶ τό
Ἱσκε ψεύδεα πολλὰ λέγων ἐτύμοισιν ὁμοῖα.
Οὐ γὰρ πάντα ἀλλὰ πολλά, ἐπεὶ οὐδ' ἂν ἦν ἐτύμοισιν ὁμοῖα. Ἔλαβεν
οὖν παρὰ τῆς ἱστορίας τὰς ἀρχάς. Καὶ γὰρ τὸν αἰόλον δυναστεῦσαί
φασι τῶν περὶ τὴν Λιπά ραν νήσων, καὶ τῶν περὶ τὴν αἴτνην καὶ
Λεοντίνην Κύκλωπας καὶ Λαιστρυγόνας ἀξένους τινάς· διὸ καὶ τὰ
περὶ τὸν πορθμὸν ἀπροσπέλαστα εἶναι τοῖς τότε, καὶ τὴν Χάρυβδιν
καὶ τὸ Σκύλλαιον ὑπὸ λῃστῶν κατέχεσθαι. Οὕτω δὲ καὶ τοὺς ἄλλους
τῶν ὑπὸ Ὁμήρου λεγομένων ἐν ἄλλοις τόποις ἱστοροῦμεν· οὕτω δὲ
καὶ τοὺς Κιμμερίους εἰδὼς οἰκοῦντας τὸν Κιμμερικὸν Βόσπορον πρὸς
βορρᾶν καὶ ζοφώδη μετήγαγεν οἰκείως εἰς σκοτεινόν τινα τόπον τὸν
καθ' ᾅδην, χρήσιμον ὄντα πρὸς τὴν μυθοποιίαν τὴν ἐν τῇ πλάνῃ.
Ὅτι δ' οἶδεν αὐτούς, οἱ χρονογράφοι δηλοῦσιν, ἢ μικρὸν πρὸ αὐτοῦ
τὴν τῶν Κιμμερίων ἔφοδον ἢ κατ' αὐτὸν ἀναγράφοντες.
| [1,2,9] 9. Par la raison maintenant qu'il rapportait les fables à un but moral et
instructif, Homère a dû faire et a fait dans ses récits la part très grande à
la vérité. Assurément «il y a mêlé le mensonge» ; mais, tandis que la
vérité est le fond sur lequel il bâtit, le mensonge n'est pour lui qu'un
moyen de séduire et d'entraîner les masses.
«Et de même que la main de l'artiste ajoute à l'argent l'éclat d'une bordure d'or,»
de même aux scènes vraies de l'histoire Homère allie la fable, comme un
attrait, comme une parure de plus ajoutée à sa parole, sans cesser pour
cela de viser au même but que l'historien ou que tout autre narrateur
d'événements réels. C'est ainsi qu'ayant pris pour sujet un fait historique,
la Guerre de Troie, il l'a embelli de ses mythes poétiques, et les Erreurs
d'Ulysse pareillement. Mais élever sur une base complètement
chimérique elle-même tout un vain amas de prodiges et de fictions, le
procédé n'eût pas été homérique, sans compter que le mensonge (la
chose tombe sous le sens) paraît moins incroyable, quand on y mêle
dans une certaine mesure la pure vérité. Polybe ne dit pas autre chose
dans le passage où il disserte en règle sur les Erreurs d'Ulysse; et
Homère lui-même le donne à entendre dans ce passage :
«Ulysse mêlait souvent à ses discours des mensonges comme ceux-ci
qu'on pouvait prendre pour la vérité même».
Car, notez que le poète a dit souvent, et non pas toujours, ce qui eût ôté
aux mensonges du héros cet air de vérité. Homère a donc tiré de l'histoire
le fond même de ses poèmes. L'histoire en effet nous montre un prince
du nom d'Éole régnant sur ce groupe d'îles dont Lipara est le centre ; elle
signale aussi aux environs de l'Etna et de Leontium certains peuples
inhospitaliers du nom de Cyclopes et de Laestrygons, et explique même
par cette circonstance comment le détroit était alors inaccessible à la
navigation ; elle ajoute que Charybde et Scylla étaient deux repaires de
pirates. Ainsi des autres peuples mentionnés par Homère : nous les
retrouvons tous dans l'histoire établis en telle ou telle contrée de la terre.
Il savait, par exemple, que les Cimmériens habitaient aux environs du
Bosphore cimmérique une région boréale et brumeuse, c'en fut assez
pour que, par une licence heureuse et pour les besoins de la fable qu'il
voulait mêler aux Erreurs d'Ulysse, il transportât ce peuple dans une
contrée ténébreuse, au seuil même de l'enfer. Nul doute, du reste, qu'il ne
connût les Cimmériens, puisque, d'après les calculs des chronographes,
l'invasion cimmérienne a précédé de peu l'époque où il vivait, si même
elle ne lui est contemporaine.
|