[1,2,6] Τὸ δὲ δὴ καὶ τὴν ῥητορικὴν ἀφαιρεῖσθαι τὸν ποιητὴν τελέως
ἀφειδοῦντος ἡμῶν ἐστι. Τί γὰρ οὕτω ῥητορικὸν, ὡς φράσις; Τί δ' οὕτω
ποιητικόν; Τίς δ' ἀμείνων Ὁμήρου φράσαι; Νὴ Δία, ἀλλ' ἑτέρα
φράσις ἡ ποιητική. Τῷ γε εἴδει, ὡς καὶ ἐν αὐτῇ τῇ ποιητικῇ ἡ τραγικὴ
καὶ ἡ κωμική, καὶ ἐν τῇ πεζῇ ἡ ἱστορικὴ καὶ ἡ δικανική. Ἆρα γὰρ οὐδ'
ὁ λόγος ἐστὶ γενικός, οὗ εἴδη ὁ ἔμμετρος καὶ ὁ πεζός; Ἢ λόγος μέν,
ῥητορικὸς δὲ λόγος οὐκ ἔστι γενικὸς καὶ φράσις καὶ ἀρετὴ λόγου; Ὡς
δ' εἰπεῖν, ὁ πεζὸς λόγος, ὅ γε κατεσκευασμένος, μίμημα τοῦ
ποιητικοῦ ἐστι. Πρώτιστα γὰρ ἡ ποιητικὴ κατασκευὴ παρῆλθεν εἰς τὸ
μέσον καὶ εὐδοκίμησεν· εἶτα ἐκείνην μιμούμενοι, λύσαντες τὸ
μέτρον, τἆλλα δὲ φυλάξαντες τὰ ποιητικά, συνέγραψαν οἱ περὶ
Κάδμον καὶ Φερεκύδη καὶ Ἑκαταῖον· εἶτα οἱ ὕστερον ἀφαιροῦντες ἀεί
τι τῶν τοιούτων, εἰς τὸ νῦν εἶδος κατήγαγον ὡς ἂν ἀπὸ ὕψους τινός·
καθάπερ ἄν τις καὶ τὴν κωμῳδίαν φαίη λαβεῖν τὴν σύστασιν ἀπὸ τῆς
τραγῳδίας, καὶ τοῦ κατ' αὐτὴν ὕψους καταβιβασθεῖσαν εἰς τὸ
λογοειδὲς νυνὶ καλούμενον. Καὶ τὸ ἀείδειν δὲ ἀντὶ τοῦ φράζειν
τιθέμενον παρὰ τοῖς πάλαι ταὐτὸ τοῦτο ἐκμαρτυρεῖ, διότι πηγὴ καὶ
ἀρχὴ φράσεως κατεσκευασμένης καὶ ῥητορικῆς ὑπῆρξεν ἡ ποιητική.
Αὕτη γὰρ προσεχρήσατο τῷ μέλει κατὰ τὰς ἐπιδείξεις· τοῦτο δ' ἦν
ᾦδὴ ἢ λόγος μεμελισμένος, ἀφ' οὗ δὴ ῥαψῳδίαν τ' ἔλεγον καὶ
τραγῳδίαν καὶ κωμῳδίαν. ὥστ' ἐπειδὴ τὸ φράζειν πρώτιστα ἐπὶ τῆς
ποιητικῆς ἐλέγετο φράσεως, αὕτη δὲ μετ' ᾦδῆς {ἦν}, τὸ ἀείδειν
{αὐτοῖς} τὸ αὐτὸ τῷ φράζειν ὑπῆρξε παρ' ἐκείνοις. Καταχρησαμένων
δ' αὐτῶν θατέρῳ καὶ ἐπὶ τοῦ πεζοῦ λόγου, καὶ ἐπὶ θάτερον ἡ
κατάχρησις διέβη. Καὶ αὐτὸ δὲ τὸ πεζὸν λεχθῆναι τὸν ἄνευ τοῦ
μέτρου λόγον ἐμφαίνει τὸν ἀπὸ ὕψους τινὸς καταβάντα καὶ ὀχήματος
εἰς τοὔδαφος.
| [1,2,6] 6. Prétendre donc enlever au poète jusqu'à la rhétorique, autrement dit
l'art oratoire, en vérité c'est se rire de nous. Y a-t-il, en effet, de plus grand
mérite pour l'orateur que celui du style? Et pour le poète également? Or,
qui a jamais surpassé Homère pour la beauté du style? - Sans doute,
dira-t-on; mais le style qui convient au poète diffère du style qui convient à
l'orateur. - Diffère, oui, mais comme une espèce diffère d'une autre
espèce du même genre, comme dans la poésie même la forme tragique
diffère de la forme comique, et dans la prose la forme historique de la
forme judiciaire. Nierez-vous donc que le langage constitue un genre,
divisé en deux espèces distinctes , le langage mesuré et le langage
prosaïque, ou si c'est que vous admettez que le langage absolument
parlant puisse former un genre, mais non pas le langage, le style,
l'éloquence oratoire? Eh bien ! Moi j'irai plus loin, je dirai que l'espèce de
langage appelé prose, la prose ornée s'entend, n'est qu'une imitation du
langage poétique. La première de beaucoup, la forme poétique parut
dans le monde et y fit fortune; plus tard, dans leurs Histoires, les Cadmus,
les Phérécyde, les Hécatée l'imitèrent encore, et, si ce n'est qu'ils en
brisèrent le mètre, ils retinrent d'ailleurs tous les caractères distinctifs de
la poésie; mais leurs successeurs, en retranchant au fur et à mesure
quelqu'un de ces traits distinctifs, amenèrent la prose, descendue en
quelque sorte des hauteurs qu'elle avait occupées jusque-là, à la forme
que nous lui voyons aujourd'hui. C'est comme si l'on disait que la
comédie, née du sein même de la tragédie, a quitté les hautes régions
que celle-ci habite pour se ravaler jusqu'au ton de ce que nous nommons
actuellement le langage prosaïque ou discours familier. Le mot chanter
mis par les anciens au lieu et place du mot dire est une preuve de plus de
ce fait, que la vraie source, le vrai principe du style orné ou style oratoire
a été la poésie. En effet, dans les représentations publiques, la poésie se
produisait toujours accompagnée de chant : c'était là l'ode, autrement dit
le langage modulé, d'où sont venus les noms de rhapsodie, de tragédie,
de comédie; et comme, dans le principe, le mot dire s'entendait
uniquement de la diction poétique, et que celle-ci était accompagnée
d'ode ou de chant, le mot chanter se trouva être pour les anciens
synonyme de dire. Puis, l'une de ces deux expressions ayant été, par
abus, appliquée à la prose elle-même , l'abus finit par s'étendre
également à l'autre. Enfin le nom seul de discours pédestre, employé
pour désigner la prose ou le langage affranchi de tout mètre, suffirait à
nous la montrer descendue en quelque sorte d'un lieu élevé, et de son
char, si l'on peut dire, ayant mis pied à terre.
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