[1,1,16] Φέρε δὴ τῇ τοσαύτῃ πολυμαθείᾳ προσθῶμεν τὴν ἐπίγειον
ἱστορίαν, οἷον ζῴων καὶ φυτῶν καὶ τῶν ἄλλων, ὅσα χρήσιμα ἢ
δύσχρηστα φέρει γῆ τε καὶ θάλασσα. Οἶμαι γὰρ ἐναργὲς ἂν γενέσθαι
μᾶλλον ὃ λέγω. Ὅτι δὲ καὶ τὸ ὄφελος μέγα παντὶ τῷ παραλαβόντι
τὴν τοιαύτην ἱστορίαν ἔκ τε τῆς παλαιᾶς μνήμης δῆλον καὶ ἐκ τοῦ
λόγου. Οἱ γοῦν ποιηταὶ φρονιμωτάτους τῶν ἡρώων ἀποφαίνουσι τοὺς
ἀποδημήσαντας πολλαχοῦ καὶ πλανηθέντας· ἐν μεγάλῳ γὰρ
τίθενται τὸ « πολλῶν ἀνθρώπων ἰδεῖν ἄστεα καὶ νόον γνῶναι», καὶ ὁ
Νέστωρ σεμνύνεται διότι τοῖς Λαπίθαις ὡμίλησεν, ἐλθὼν μετάπεμπτος
Τηλόθεν ἐξ ἀπίης γαίης· καλέσαντο γὰρ αὐτοί.
Καὶ ὁ Μενέλαος ὡσαύτως,
Κύπρον Φοινίκην τε καὶ αἰγυπτίους ἐπαληθεὶς
Αἰθίοπας θ' ἱκόμην καὶ Σιδονίους καὶ Ἐρεμβοὺς
καὶ Λιβύην, ἵνα τ' ἄρνες ἄφαρ κεραοὶ τελέθουσι·
προσθεὶς καὶ τὸ ἰδίωμα τῆς χώρας·
Τρὶς γὰρ τίκτει μῆλα τελεσφόρον εἰς ἐνιαυτόν.
Πάντα γὰρ τὰ τοιαῦτα παρασκευαί τινες εἰς φρόνησιν μεγάλαι τῷ
μαθεῖν τῆς χώρας τὴν φύσιν καὶ ζῴων καὶ φυτῶν ἰδέας. Προςθεῖναι δὲ
καὶ τὰ τῆς θαλάττης· ἀμφίβιοι γὰρ τρόπον τινά ἐσμεν καὶ οὐ μᾶλλον
χερσαῖοι ἢ θαλάττιοι. Καὶ τὸν Ἡρακλέα εἰκὸς ἀπὸ τῆς πολλῆς
ἐμπειρίας τε καὶ ἱστορίας λεχθῆναι
Μεγάλων ἐπιίστορα ἔργων.
Ἔκ τε δὴ τῆς παλαιᾶς μνήμης καὶ ἐκ τοῦ λόγου μαρτυρεῖται τὰ
λεχθέντα ἐν ἀρχαῖς ὑφ' ἡμῶν. Διαφερόντως δ' ἐπάγεσθαι δοκεῖ μοι
πρὸς τὰ νῦν ἐκεῖνος ὁ λόγος, διότι τῆς γεωγραφίας τὸ πλέον ἐστὶ πρὸς
τὰς χρείας τὰς πολιτικάς. Χώρα γὰρ τῶν πράξεων ἐστὶ γῆ καὶ
θάλαττα, ἣν οἰκοῦμεν· τῶν μὲν μικρῶν μικρὰ τῶν δὲ μεγάλων
μεγάλη· μεγίστη δ' ἡ σύμπασα, ἥνπερ ἰδίως καλοῦμεν οἰκουμένην,
ὥστε τῶν μεγίστων πράξεων αὕτη ἂν εἴη χώρα. Μέγιστοι δὲ τῶν
στρατηλατῶν, ὅσοι δύνανται γῆς καὶ θαλάττης ἄρχειν, ἔθνη καὶ
πόλεις συνάγοντες εἰς μίαν ἐξουσίαν καὶ διοίκησιν πολιτικήν. Δῆλον
οὖν ὅτι ἡ γεωγραφικὴ πᾶσα ἐπὶ τὰς πράξεις ἀνάγεται τὰς ἡγεμονικάς,
διατιθεῖσα ἠπείρους καὶ πελάγη τὰ μὲν ἐντὸς τὰ δὲ ἐκτὸς τῆς
συμπάσης οἰκουμένης. Πρὸς τούτους δὲ ἡ διάθεσις, οἷς διαφέρει
ταῦτα ἔχειν οὕτως ἢ ἑτέρως, καὶ γνώριμα εἶναι ἢ μὴ γνώριμα. Βέλτιον
γὰρ ἂν διαχειρίζοιεν ἕκαστα, εἰδότες τὴν χώραν ὁπόση τις καὶ πῶς
κειμένη τυγχάνει καὶ τίνας διαφορὰς ἴσχουσα, τάς τ' ἐν τῷ περιέχοντι
καὶ τὰς ἐν αὐτῇ. Ἄλλων δὲ κατ' ἄλλα μέρη δυναστευόντων καὶ ἀπ'
ἄλλης ἑστίας καὶ ἀρχῆς τὰς πράξεις προχειριζομένων καὶ
ἐπεκτεινόντων τὸ τῆς ἡγεμονίας μέγεθος, οὐκ ἐπ' ἴσης δυνατὸν οὔτ'
ἐκείνοις ἅπαντα γνωρίζειν οὔτε τοῖς γεωγραφοῦσιν· ἀλλὰ τὸ μᾶλλον
καὶ ἧττον πολὺ ἐν ἀμφοτέροις καθορᾶται τούτοις. Μόλις γὰρ {ἂν} τὸ
ἐπ' ἴσης πάντ' εἶναι φανερὰ συμβαίη τῆς συμπάσης οἰκουμένης ὑπὸ
μίαν ἀρχὴν καὶ πολιτείαν ὑπηγμένης· ἀλλ' οὐδ' οὕτως, ἀλλὰ τὰ
ἐγγυτέρω μᾶλλον ἂν γνωρίζοιτο. Κἂν προσήκοι ταῦτα διὰ πλειόνων
ἐμφανίζειν, ἵν' εἴη γνώριμα· ταῦτα γὰρ καὶ τῆς χρείας ἐγγυτέρω
ἐστίν. Ὥστ' οὐκ ἂν εἴη θαυμαστὸν οὐδ' εἰ ἄλλος μὲν Ἰνδοῖς προσήκοι
χωρογράφος, ἄλλος δὲ Αἰθίοψιν, ἄλλος δὲ Ἕλλησι καὶ Ῥωμαίοις. Τί
γὰρ ἂν προσήκοι τῷ παρ' Ἰνδοῖς γεωγράφῳ καὶ τὰ κατὰ Βοιωτοὺς
οὕτω φράζειν, ὡς Ὅμηρος·
Οἵθ' Ὑρίην ἐνέμοντο καὶ Αὐλίδα πετρήεσσαν
Σχοῖνόν τε Σκῶλόν τε·
ἡμῖν δὲ προσήκει· τὰ δὲ παρ' Ἰνδοῖς οὕτω καὶ τὰ καθ' ἕκαστα οὐκέτι.
Οὐδὲ γὰρ ἡ χρεία ἐπάγεται · μέτρον δ' αὕτη μάλιστα τῆς τοιαύτης
ἐμπειρίας.
| [1,1,16] 16. Allons plus loin et à cette masse déjà si grande de connaissances
indispensables ajoutons l'histoire de la terre elle-même, autrement dit la
connaissance des animaux et des plantes et, en général, de toutes les
productions, utiles ou non, de la terre et des mers, et notre thèse,
croyons-nous, en deviendra plus évidente encore. Que cette
connaissance de la terre, en effet, soit d'une grande utilité pour qui a su
l'acquérir, la chose ressort et du témoignage de l'antiquité et du simple
raisonnement : les poètes ne nous représentent-ils point toujours comme
les plus sages ceux d'entre leurs héros qui ont voyagé et erré par toute la
terre ? A leurs yeux c'est toujours un grand titre de gloire d'avoir «visité
beaucoup de cités et observé les mœurs de beaucoup d'hommes."
Ainsi Nestor se vante d'avoir vécu parmi les Lapithes et d'être venu, pour
répondre à leur appel,
«Du fond de sa lointaine patrie: ces peuples l'avaient demandé et désigné
par son nom ;»
Ménélas, pareillement :
«Après avoir erré, dit-il, dans Chypre, en Phénicie, et chez les Égyptiens,
je visitai tour à tour les Éthiopiens, les Sidoniens et les Erembes, puis la
Libye, où je vis le front des agneaux armé de cornes»
Puis il ajoute comme un trait caractéristique de ce dernier pays :
«Car trois fois, dans le cours d'une année, les brebis y mettent bas.»
A propos de Thèbes, maintenant, de la Thèbes d'Égypte, il dira :
«C'est le lieu où la terre, au sein fertile, donne les plus riches moissons;»
ou bien encore :
«Thèbes, la ville aux cent portes, dont chacune peut livrer passage à deux
cents guerriers avec leurs chevaux et leurs chars.»
Or, tous ces détails descriptifs sont autant de préparations excellentes à
la sagesse, en ce qu'ils nous font bien connaître la nature d'un pays et les
différents caractères des animaux et des plantes qu'il renferme, voire la
nature de la mer et de ses productions, à nous qui sommes en quelque
sorte amphibies et pour le moins autant habitants de la mer que de la
terre ferme. Et c'est par allusion, sans doute, à tout ce qu'Hercule dans
ses voyages avait vu et appris qu'Homère l'appelle
«Connaisseur et expert en belles oeuvres.»
Ainsi le témoignage de l'antiquité et le raisonnement s'accordent pour
confirmer ce que nous disions en commençant. Mais il est une autre
considération qui nous paraît plus encore que le reste militer en faveur de
notre thèse pré-sente, c'est que la géographie répond surtout aux besoins
de la vie politique. Où s'exerce, en effet, l'activité humaine, si ce n'est sur
cette terre, sur cette mer, que nous habitons et qui offrent à le fois de
petits théâtres aux petites actions, de grands théâtres aux grandes, le
théâtre des plus grandes se confondant ainsi avec les limites mêmes de
la terre entière ou de que ce nous appelons proprement la terre habitée ,
et les plus grands capitaines étant ceux qui parviennent à dominer sur la
plus grande étendue de terre et de mer, et à réunir cités et nations en un
seul et même empire, en un seul et même corps politique? Il est donc
évident que la géographie, considérée dans son ensemble, exerce une
influence directe sur la conduite des chefs d'État par la distribution qu'elle
fait des continents et des mers, tant au dedans qu'en dehors des limites
de la terre habitée, cette distribution étant faite naturellement en vue de
ceux qui ont le plus d'intérêt à savoir si les choses sont de telle façon ou
de telle autre et si telle contrée est déjà connue ou encore inexplorée. On
conçoit, en effet, que ces chefs s'acquitteront mieux du détail de leur
administration, connaissant l'étendue et la situation exacte du pays et
toutes les variétés de climat et de sol qu'il peut présenter. Mais,
maintenant, comme ces princes ont leurs États situés en diverses parties
de la terre, et que leurs premières entre-prises, leurs premières
conquêtes partent de divers foyers et de centres différents, il ne leur est
pas possible, non plus qu'aux géographes, de connaître également bien
tous les pays de la terre ; et leurs connaissances aux uns et aux autres
seront nécessairement susceptibles de plus et de moins. La terre habitée
tout entière fût-elle rangée sous la même domination, sous le même
gouvernement, il serait difficile encore que toutes les parties en fussent
connues au même degré : dans ce cas-là même, on connaîtrait mieux
que le reste les parties les plus proches de soi, d'autant que ce sont
celles-là sur lesquelles il importe de répandre le plus de lumière, afin de
les faire bien connaître, puisque, par leur position, elles sont plus à portée
d'être utiles. Dès là rien d'étonnant que telle chorographie convînt mieux
aux Indiens, telle autre aux Éthiopiens, telle autre encore aux Grecs et
aux Romains. Quel intérêt, en effet, pourrait avoir le géographe indien à
décrire la Béotie comme le fait Homère, qui nomme
«Et les peuples d'Hyria et ceux de la pierreuse Aulis , ceux de Schoene et
de Scôle.»
Pour nous autres, à la bonne heure, la chose a de l'importance En
revanche, une description si détaillée de l'Inde n'aurait plus d'intérêt pour
nous : l'utilité n'y serait point, l'utilité, qui est proprement la juste et vraie
mesure dans ce genre d'études.
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