[209] (209a) (ΣΩ.) Φράσω, ἐὰν οἷός τε γένωμαι. ὀρθὴν ἔγωγε ἔχων
δόξαν περὶ σοῦ, ἐὰν μὲν προσλάβω τὸν σὸν λόγον, γιγνώσκω
δή σε, εἰ δὲ μή, δοξάζω μόνον.
(ΘΕΑΙ.) Ναί.
(ΣΩ.) Λόγος δέ γε ἦν ἡ τῆς σῆς διαφορότητος ἑρμηνεία.
(ΘΕΑΙ.) Οὕτως.
(ΣΩ.) Ἡνίκ´ οὖν ἐδόξαζον μόνον, ἄλλο τι ᾧ τῶν ἄλλων
διαφέρεις, τούτων οὐδενὸς ἡπτόμην τῇ διανοίᾳ;
(ΘΕΑΙ.) Οὐκ ἔοικε.
(ΣΩ.) Τῶν κοινῶν τι ἄρα διενοούμην, ὧν οὐδὲν σὺ μᾶλλον
ἤ τις ἄλλος ἔχει.
(209b) (ΘΕΑΙ.) Ἀνάγκη.
(ΣΩ.) Φέρε δὴ πρὸς Διός· πῶς ποτε ἐν τῷ τοιούτῳ σὲ
μᾶλλον ἐδόξαζον ἢ ἄλλον ὁντινοῦν; θὲς γάρ με διανοούμενον
ὡς ἔστιν οὗτος Θεαίτητος, ὃς ἂν ᾖ τε ἄνθρωπος καὶ ἔχῃ
ῥῖνα καὶ ὀφθαλμοὺς καὶ στόμα καὶ οὕτω δὴ ἓν ἕκαστον τῶν
μελῶν. αὕτη οὖν ἡ διάνοια ἔσθ´ ὅτι μᾶλλον ποιήσει με
Θεαίτητον ἢ Θεόδωρον διανοεῖσθαι, ἢ τῶν λεγομένων
Μυσῶν τὸν ἔσχατον;
(ΘΕΑΙ.) Τί γάρ;
(ΣΩ.) Ἀλλ´ ἐὰν δὴ μὴ μόνον τὸν ἔχοντα ῥῖνα καὶ ὀφθαλμοὺς
(209c) διανοηθῶ, ἀλλὰ καὶ τὸν σιμόν τε καὶ ἐξόφθαλμον, μή
τι σὲ αὖ μᾶλλον δοξάσω ἢ ἐμαυτὸν ἢ ὅσοι τοιοῦτοι;
(ΘΕΑΙ.) Οὐδέν.
(ΣΩ.) Ἀλλ´ οὐ πρότερόν γε, οἶμαι, Θεαίτητος ἐν ἐμοὶ
δοξασθήσεται, πρὶν ἂν ἡ σιμότης αὕτη τῶν ἄλλων σιμοτήτων
ὧν ἐγὼ ἑώρακα διάφορόν τι μνημεῖον παρ´ ἐμοὶ ἐνσημηναμένη
κατάθηται—καὶ τἆλλα οὕτω ἐξ ὧν εἶ σύ—ἥ με, καὶ
ἐὰν αὔριον ἀπαντήσω, ἀναμνήσει καὶ ποιήσει ὀρθὰ δοξάζειν
περὶ σοῦ.
(ΘΕΑΙ.) Ἀληθέστατα.
(209d) (ΣΩ.) Περὶ τὴν διαφορότητα ἄρα καὶ ἡ ὀρθὴ δόξα ἂν εἴη
ἑκάστου πέρι.
(ΘΕΑΙ.) Φαίνεταί γε.
(ΣΩ.) Τὸ οὖν προσλαβεῖν λόγον τῇ ὀρθῇ δόξῃ τί ἂν ἔτι
εἴη; εἰ μὲν γὰρ προσδοξάσαι λέγει ᾗ διαφέρει τι τῶν
ἄλλων, πάνυ γελοία γίγνεται ἡ ἐπίταξις.
(ΘΕΑΙ.) Πῶς;
(ΣΩ.) Ὧν ὀρθὴν δόξαν ἔχομεν ᾗ τῶν ἄλλων διαφέρει,
τούτων προσλαβεῖν κελεύει ἡμᾶς ὀρθὴν δόξαν ᾗ τῶν ἄλλων
διαφέρει. καὶ οὕτως ἡ μὲν σκυτάλης ἢ ὑπέρου ἢ ὅτου δὴ
(209e) λέγεται περιτροπὴ πρὸς ταύτην τὴν ἐπίταξιν οὐδὲν ἂν λέγοι,
τυφλοῦ δὲ παρακέλευσις ἂν καλοῖτο δικαιότερον· τὸ γάρ,
ἃ ἔχομεν, ταῦτα προσλαβεῖν κελεύειν, ἵνα μάθωμεν ἃ
δοξάζομεν, πάνυ γενναίως ἔοικεν ἐσκοτωμένῳ.
(ΘΕΑΙ.) Εἰπὲ δὴ τί νυνδὴ ὡς ἐρῶν ἐπύθου;
(ΣΩ.) Εἰ τὸ λόγον, ὦ παῖ, προσλαβεῖν γνῶναι κελεύει,
ἀλλὰ μὴ δοξάσαι τὴν διαφορότητα, ἡδὺ χρῆμ´ ἂν εἴη τοῦ
καλλίστου τῶν περὶ ἐπιστήμης λόγου.
| [209] (SOCRATE)
Je vais te l’expliquer, si j’en suis capable. Ayant sur toi une opinion droite,
si j’y ajoute la définition de ta personne, alors je te connais ; sinon, je n’ai
qu’une simple opinion.
(THÉÉTÈTE)
Oui.
(SOCRATE)
Or cette définition, c’est, nous l’avons vu, l’explication de ta différence.
(THÉÉTÈTE)
En effet.
(SOCRATE)
Lors donc que je n’avais de toi qu’une opinion, n’est-il pas vrai que je ne
saisissais par la pensée aucun des traits qui te distinguent des autres ?
(THÉÉTÈTE)
Vraisemblablement.
(SOCRATE)
Ainsi je n’avais dans ma pensée que quelques-uns de ces traits communs qui ne
sont pas plus à toi qu’à tout autre.
(THÉÉTÈTE)
Nécessairement.
(SOCRATE)
Dis-moi, au nom de Zeus, comment pouvais-je, en ce cas, avoir une opinion sur
toi plutôt que sur tout autre ? Suppose en effet que je me dise en moi-même : «
Celui-là est Théétète qui est un homme, avec un nez, des yeux, une bouche et
tous les autres membres », en quoi cette pensée me fera-t-elle concevoir
Théétète plutôt que Théodore, ou, comme on dit, le dernier des Mysiens ?
(THÉÉTÈTE)
En rien en effet.
(SOCRATE)
Mais si je ne me représente pas seulement un homme qui a un nez et des yeux, si
je me le représente en outre avec un nez camard et des yeux à fleur de tête,
aurai-je alors une opinion de toi plutôt que de moi-même ou de tous ceux qui ont
des traits pareils ?
(THÉÉTÈTE)
Pas du tout.
(SOCRATE)
Mais Théétète ne sera pas, j’imagine, l’objet de mon opinion, avant que sa
camardise ait gravé et déposé en moi un souvenir différent des autres camardises
que j’ai vues, et ainsi des autres parties qui te composent, de sorte que, si je
te rencontre demain, cette camardise te rappelle à mon esprit et me fasse
concevoir de toi une opinion juste.
(THÉÉTÈTE)
C’est parfaitement exact.
(SOCRATE)
C’est donc sur la différence que l’opinion droite aussi porterait en chaque objet ?
(THÉÉTÈTE)
Il paraît que oui.
(SOCRATE)
Alors, l’adjonction de la raison à l’opinion droite, qu’est-elle outre cela ?
Si, en effet, cela veut dire adjonction d’un jugement sur ce qui distingue un
objet des autres, la prescription devient tout à fait ridicule.
(THÉÉTÈTE)
Comment ?
(SOCRATE)
C’est que, quand nous avons une opinion droite sur ce qui distingue un objet des
autres, c’est nous ordonner de prendre en outre une opinion droite sur ce qui
différencie cet objet des autres. A ce compte, tourner la scytale ou le
pilon ou tout autre objet proverbial ne signifierait rien auprès de cette
injonction. Le mot s’appliquerait mieux au conseil d’un aveugle ; car nous
ordonner d’acquérir encore ce que nous avons déjà, afin d’apprendre des choses
sur lesquelles notre opinion est faite, c’est être franchement aveugle.
(THÉÉTÈTE)
Alors dis-moi ce que tu voulais me dire tout à l’heure en m’interrogeant.
(SOCRATE)
Mon enfant, si par l’adjonction de la raison, on entend la connaissance de la
différence, et non la simple opinion, c’est une chose agréable que cette raison
et la plus belle définition qu’on ait donnée de la science ;
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