[171] μηδενὶ δὴ εἶναι ταύτην τὴν ἀλήθειαν (171a) ἣν ἐκεῖνος ἔγραψεν;
εἰ δὲ αὐτὸς μὲν ᾤετο, τὸ δὲ πλῆθος μὴ συνοίεται,
οἶσθ´ ὅτι πρῶτον μὲν ὅσῳ πλείους οἷς μὴ δοκεῖ ἢ
οἷς δοκεῖ, τοσούτῳ μᾶλλον οὐκ ἔστιν ἢ ἔστιν.
(ΘΕΟ.) Ἀνάγκη, εἴπερ γε καθ´ ἑκάστην δόξαν ἔσται καὶ
οὐκ ἔσται.
(ΣΩ.) Ἔπειτά γε τοῦτ´ ἔχει κομψότατον· ἐκεῖνος μὲν περὶ
τῆς αὑτοῦ οἰήσεως τὴν τῶν ἀντιδοξαζόντων οἴησιν, ᾗ ἐκεῖνον
ἡγοῦνται ψεύδεσθαι, συγχωρεῖ που ἀληθῆ εἶναι ὁμολογῶν
τὰ ὄντα δοξάζειν ἅπαντας.
(ΘΕΟ.) Πάνυ μὲν οὖν.
(171b) (ΣΩ.) Οὐκοῦν τὴν αὑτοῦ ἂν ψευδῆ συγχωροῖ, εἰ τὴν τῶν
ἡγουμένων αὐτὸν ψεύδεσθαι ὁμολογεῖ ἀληθῆ εἶναι;
(ΘΕΟ.) Ἀνάγκη.
(ΣΩ.) Οἱ δέ γ´ ἄλλοι οὐ συγχωροῦσιν ἑαυτοῖς ψεύδεσθαι;
(ΘΕΟ.) Οὐ γὰρ οὖν.
(ΣΩ.) Ὁ δέ γ´ αὖ ὁμολογεῖ καὶ ταύτην ἀληθῆ τὴν δόξαν
ἐξ ὧν γέγραφεν.
(ΘΕΟ.) Φαίνεται.
(ΣΩ.) Ἐξ ἁπάντων ἄρα ἀπὸ Πρωταγόρου ἀρξαμένων
ἀμφισβητήσεται, μᾶλλον δὲ ὑπό γε ἐκείνου ὁμολογήσεται,
ὅταν τῷ τἀναντία λέγοντι συγχωρῇ ἀληθῆ αὐτὸν δοξάζειν,
(171c) τότε καὶ ὁ Πρωταγόρας αὐτὸς συγχωρήσεται μήτε κύνα μήτε
τὸν ἐπιτυχόντα ἄνθρωπον μέτρον εἶναι μηδὲ περὶ ἑνὸς οὗ ἂν
μὴ μάθῃ. οὐχ οὕτως;
(ΘΕΟ.) Οὕτως.
(ΣΩ.) Οὐκοῦν ἐπειδὴ ἀμφισβητεῖται ὑπὸ πάντων, οὐδενὶ
ἂν εἴη ἡ Πρωταγόρου Ἀλήθεια ἀληθής, οὔτε τινὶ ἄλλῳ οὔτ´
αὐτῷ ἐκείνῳ.
(ΘΕΟ.) Ἄγαν, ὦ Σώκρατες, τὸν ἑταῖρόν μου καταθέομεν.
(ΣΩ.) Ἀλλά τοι, ὦ φίλε, ἄδηλον εἰ καὶ παραθέομεν τὸ
ὀρθόν. εἰκός γε ἄρα ἐκεῖνον πρεσβύτερον ὄντα σοφώτερον
(171d) ἡμῶν εἶναι· καὶ εἰ αὐτίκα ἐντεῦθεν ἀνακύψειε μέχρι τοῦ
αὐχένος, πολλὰ ἂν ἐμέ τε ἐλέγξας ληροῦντα, ὡς τὸ εἰκός,
καὶ σὲ ὁμολογοῦντα, καταδὺς ἂν οἴχοιτο ἀποτρέχων. ἀλλ´
ἡμῖν ἀνάγκη οἶμαι χρῆσθαι ἡμῖν αὐτοῖς ὁποῖοί τινές ἐσμεν,
καὶ τὰ δοκοῦντα ἀεὶ ταῦτα λέγειν. καὶ δῆτα καὶ νῦν ἄλλο
τι φῶμεν ὁμολογεῖν ἂν τοῦτό γε ὁντινοῦν, τὸ εἶναι σοφώτερον
ἕτερον ἑτέρου, εἶναι δὲ καὶ ἀμαθέστερον;
(ΘΕΟ.) Ἐμοὶ γοῦν δοκεῖ.
(ΣΩ.) Ἦ καὶ ταύτῃ ἂν μάλιστα ἵστασθαι τὸν λόγον, ᾗ
(171e) ἡμεῖς ὑπεγράψαμεν βοηθοῦντες Πρωταγόρᾳ, ὡς τὰ μὲν
πολλὰ ᾗ δοκεῖ, ταύτῃ καὶ ἔστιν ἑκάστῳ, θερμά, ξηρά,
γλυκέα, πάντα ὅσα τοῦ τύπου τούτου· εἰ δέ που ἔν τισι
συγχωρήσεται διαφέρειν ἄλλον ἄλλου, περὶ τὰ ὑγιεινὰ καὶ
νοσώδη ἐθελῆσαι ἂν φάναι μὴ πᾶν γύναιον καὶ παιδίον, καὶ
θηρίον δέ, ἱκανὸν εἶναι ἰᾶσθαι αὑτὸ γιγνῶσκον ἑαυτῷ τὸ
ὑγιεινόν, ἀλλὰ ἐνταῦθα δὴ ἄλλον ἄλλου διαφέρειν, εἴπερ που;
(ΘΕΟ.) Ἔμοιγε δοκεῖ οὕτως.
| [171] ne serait-ce pas alors une nécessité que la vérité telle qu’il l’a définie n’existât
pour personne ? Si, au contraire, il l’a cru lui-même, mais que la foule se refuse à le
croire avec lui, autant le nombre de ceux qui ne le croient pas dépasse le nombre
de ceux qui le croient, autant il y a de raisons que son principe soit plutôt faux que
vrai.
(THÉODORE)
C’est incontestable, si l’existence ou la non-existence de la vérité dépend de
l’opinion de chacun.
(SOCRATE)
Il en résulte en outre quelque chose de tout à fait plaisant, c’est que
Protagoras reconnaît que, lorsque ses contradicteurs jugent de sa propre opinion
et croient qu’il est dans l’erreur, leur opinion est vraie, puisqu’il reconnaît
qu’on ne peut avoir que des opinions vraies.
(THÉODORE)
Effectivement.
(SOCRATE)
Il avoue donc que son opinion est fausse s’il reconnaît pour vraie l’opinion de
ceux qui le croient dans l’erreur ?
(THÉODORE)
Nécessairement.
(SOCRATE)
Mais les autres ne conviennent pas qu’eux-mêmes sont dans l’erreur ?
(THÉODORE)
Certainement non.
(SOCRATE)
Lui, par contre, avoue que cette opinion aussi est vraie, si l’on s’en rapporte
à ses écrits.
(THÉODORE)
Evidemment.
(SOCRATE)
La vérité de Protagoras sera donc révoquée en doute par tout le monde, à
commencer par lui, ou plutôt Protagoras avouera, dès lors qu’il reconnaît pour
vraie l’opinion de ceux qui le contredisent, il avouera lui-même, dis-je, que ni
un chien, ni le premier homme venu n’est la mesure d’aucune chose, s’il ne l’a
pas étudiée. N’est-ce pas exact ?
(THÉODORE)
C’est exact.
(SOCRATE)
Donc, puisqu’elle est contestée par tout le monde, la vérité de Protagoras n’est
vraie pour personne, ni pour tout autre que lui, ni pour lui.
(THÉODORE)
Nous mettons trop d’acharnement, Socrate, à traquer mon ami.
(SOCRATE)
Je ne vois pas, ami, que nous dépassions la juste mesure. Il y a naturellement
apparence qu’étant plus âgé, il soit plus sage que nous, et si, à ce moment, il
sortait de terre jusqu’au cou, il est probable qu’il me reprocherait d’avoir dit
plus d’une sottise et à toi de les approuver, après quoi il rentrerait sous
terre et disparaîtrait précipitamment. Mais nous, je pense, nous sommes bien
forcés de faire ce que notre nature nous commande et de dire toujours ce qui
nous paraît vrai. Et maintenant encore ne devons-nous pas affirmer que tout le
monde indistinctement est d’accord sur ce point, qu’il y a des gens plus sages
que d’autres et qu’il y en a de plus ignorants ?
(THÉODORE)
C’est en tout cas mon avis.
(SOCRATE)
XXIII. — Ne dirons-nous pas aussi que la doctrine de Protagoras trouve son point
d’appui le plus ferme dans ce que nous avons indiqué pour le défendre, à savoir
que la plupart des choses, chaleur, sécheresse, douceur et autres qualités du
même genre, sont pour chacun ce qu’elles lui paraissent. Mais si Protagoras
admet qu’en certains cas un homme l’emporte sur un autre, en matière de santé et
de maladie, ne consentira-t-il pas à admettre qu’il n’est pas à la portée de la
première femmelette venue, d’un gamin, d’une bête, de se guérir eux-mêmes par la
connaissance de ce qui leur est salutaire, mais que s’il est des cas où un homme
est supérieur à un autre, c’est bien dans celui-ci ?
(THÉODORE)
Pour ma part, je suis de ton avis.
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