[10] (162c) Καὶ ὁ Κριτίας δῆλος μὲν ἦν καὶ πάλαι ἀγωνιῶν καὶ φιλοτίμως πρός τε τὸν Χαρμίδην καὶ πρὸς τοὺς παρόντας ἔχων, μόγις δ' ἑαυτὸν ἐν τῷ πρόσθεν κατέχων τότε οὐχ οἷός τε ἐγένετο· δοκεῖ γάρ μοι παντὸς μᾶλλον ἀληθὲς εἶναι, ὃ ἐγὼ ὑπέλαβον, τοῦ Κριτίου ἀκηκοέναι τὸν Χαρμίδην ταύτην τὴν ἀπόκρισιν περὶ τῆς σωφροσύνης. Ὁ μὲν οὖν Χαρμίδης βουλόμενος μὴ αὐτὸς ὑπέχειν λόγον ἀλλ' ἐκεῖνον τῆς ἀποκρίσεως, (162d) ὑπεκίνει αὐτὸν ἐκεῖνον, καὶ ἐνεδείκνυτο ὡς ἐξεληλεγμένος εἴη· ὁ δ' οὐκ ἠνέσχετο, ἀλλά μοι ἔδοξεν ὀργισθῆναι αὐτῷ ὥσπερ ποιητὴς ὑποκριτῇ κακῶς διατιθέντι τὰ ἑαυτοῦ ποιήματα. Ὥστ' ἐμβλέψας αὐτῷ εἶπεν,
- οὕτως οἴει, ὦ Χαρμίδη, εἰ σὺ μὴ οἶσθα ὅτι ποτ' ἐνόει ὃς ἔφη σωφροσύνην εἶναι τὸ τὰ ἑαυτοῦ πράττειν, οὐδὲ δὴ ἐκεῖνον εἰδέναι;
- Ἀλλ', ὦ βέλτιστε, ἔφην ἐγώ, Κριτία, τοῦτον μὲν οὐδὲν (162e) θαυμαστὸν ἀγνοεῖν τηλικοῦτον ὄντα· σὲ δέ που εἰκὸς εἰδέναι καὶ ἡλικίας ἕνεκα καὶ ἐπιμελείας. Εἰ οὖν συγχωρεῖς τοῦτ' εἶναι σωφροσύνην ὅπερ οὑτοσὶ λέγει καὶ παραδέχῃ τὸν λόγον, ἔγωγε πολὺ ἂν ἥδιον μετὰ σοῦ σκοποίμην εἴτ' ἀληθὲς εἴτε μὴ τὸ λεχθέν.
- Ἀλλὰ πάνυ συγχωρῶ, ἔφη, καὶ παραδέχομαι.
- Καλῶς γε σὺ τοίνυν, ἦν δ' ἐγώ, ποιῶν. Καί μοι λέγε, ἦ καὶ ἃ νυνδὴ ἠρώτων ἐγὼ συγχωρεῖς, τοὺς δημιουργοὺς πάντας ποιεῖν τι;
- Ἔγωγε.
(163a) Ἦ οὖν δοκοῦσί σοι τὰ ἑαυτῶν μόνον ποιεῖν ἢ καὶ τὰ τῶν ἄλλων;
- Καὶ τὰ τῶν ἄλλων.
- Σωφρονοῦσιν οὖν οὐ τὰ ἑαυτῶν μόνον ποιοῦντες;
- Τί γὰρ κωλύει; ἔφη.
- Οὐδὲν ἐμέ γε, ἦν δ' ἐγώ· ἀλλ' ὅρα μὴ ἐκεῖνον κωλύει, ὃς ὑποθέμενος σωφροσύνην εἶναι τὸ τὰ ἑαυτοῦ πράττειν ἔπειτα οὐδέν φησι κωλύειν καὶ τοὺς τὰ τῶν ἄλλων πράττοντας σωφρονεῖν.
- Ἐγὼ γάρ που, ἦ δ' ὅς, τοῦθ' ὡμολόγηκα, ὡς οἱ τὰ τῶν ἄλλων πράττοντες σωφρονοῦσιν, εἰ τοὺς ποιοῦντας ὡμολόγησα.
(163b) - Εἰπέ μοι, ἦν δ' ἐγώ, οὐ ταὐτὸν καλεῖς τὸ ποιεῖν καὶ τὸ πράττειν;
- Οὐ μέντοι, ἔφη· οὐδέ γε τὸ ἐργάζεσθαι καὶ τὸ ποιεῖν. Ἔμαθον γὰρ παρ' Ἡσιόδου, ὃς ἔφη ἔργον (δ') οὐδὲν εἶναι ὄνειδος. Οἴει οὖν αὐτόν, εἰ τὰ τοιαῦτα ἔργα ἐκάλει καὶ ἐργάζεσθαι καὶ πράττειν, οἷα νυνδὴ σὺ ἔλεγες, οὐδενὶ ἂν ὄνειδος φάναι εἶναι σκυτοτομοῦντι ἢ ταριχοπωλοῦντι ἢ ἐπ' οἰκήματος καθημένῳ; Οὐκ οἴεσθαί γε χρή, ὦ Σώκρατες, ἀλλὰ καὶ ἐκεῖνος οἶμαι ποίησιν πράξεως καὶ ἐργασίας ἄλλο ἐνόμιζεν, (163c) καὶ ποίημα μὲν γίγνεσθαι ὄνειδος ἐνίοτε, ὅταν μὴ μετὰ τοῦ καλοῦ γίγνηται, ἔργον δὲ οὐδέποτε οὐδὲν ὄνειδος· τὰ γὰρ καλῶς τε καὶ ὠφελίμως ποιούμενα ἔργα ἐκάλει, καὶ ἐργασίας τε καὶ πράξεις τὰς τοιαύτας ποιήσεις. Φάναι δέ γε χρὴ καὶ οἰκεῖα μόνα τὰ τοιαῦτα ἡγεῖσθαι αὐτόν, τὰ δὲ βλαβερὰ πάντα ἀλλότρια· ὥστε καὶ Ἡσίοδον χρὴ οἴεσθαι καὶ ἄλλον ὅστις φρόνιμος τὸν τὰ αὑτοῦ πράττοντα τοῦτον σώφρονα καλεῖν.
| [10] X. - Il était visible que Critias s’agitait depuis un moment et brûlait de se
distinguer devant Charmide et la compagnie. Il avait eu jusqu’alors de la peine
à se contenir ; à partir de ce moment il n’en fut plus le maître. Je crois que
le soupçon que j’avais eu était parfaitement fondé, que c’était de Critias que
Charmide tenait cette définition de la sagesse. Alors Charmide, qui n’avait pas
envie d’en donner lui-même l’explication et voulait s’en décharger sur son
cousin, cherchait à l’exciter et se donnait l’air d’un homme battu. Critias n’y
tint plus, et je le vis s’emporter contre lui comme un poète contre un acteur
qui a mal joué sa pièce. Il darda un regard sur lui et dit :
« Ainsi, tu crois, Charmide, parce que tu ne comprends pas la pensée de celui
qui a dit que la sagesse consistait à faire ses propres affaires, qu’il ne la
comprend pas non plus, lui ?
- Eh ! excellent Critias, dis-je, il n’y a rien d’étonnant à ce que ce garçon, à
l’âge qu’il a, ne la comprenne pas ; mais toi, il est à présumer que tu la
comprends, étant donné ton âge et tes études. Si donc tu admets que la sagesse
est ce qu’il dit et si tu veux bien prendre sa place dans la discussion, il me
sera beaucoup plus agréable de rechercher avec toi si la définition donnée est
juste ou non.
- Oui, dit Critias, j’admets la définition et je prends la place de Charmide.
- Tant mieux, dis-je. Maintenant dis-moi, admets-tu aussi ce que je demandais
tout à l’heure, que tous les artisans font quelque chose ?
- Oui.
- Crois-tu qu’ils se bornent à faire leurs propres affaires ou qu’ils fassent
aussi celles des autres ?
- Celles des autres aussi.
- Et sont-ils sages, alors qu’ils ne se bornent pas à leurs propres affaires ?
- Quel empêchement y vois-tu ? demanda-t-il.
- Moi ? aucun, dis-je ; mais vois s’il n’y en a pas pour celui qui, ayant admis
qu’être sage, c’est faire ses propres affaires, prétend ensuite que rien
n’empêche ceux qui font les affaires d’autrui d’être sages.
- Mais qui sont ceux que j’ai reconnus pour sages, ceux qui font les affaires
d’autrui ou ceux qui fabriquent pour autrui ?
- Mais, dis-moi, répliquai-je, tu ne juges pas que c’est la même chose,
fabriquer et faire ?
- Non certes, répondit-il, non plus que travailler et fabriquer. J’ai appris
cela d’Hésiode, qui dit que le travail n’est jamais une honte. Crois-tu que,
s’il eût appliqué les termes de travailler et faire à des ouvrages comme ceux
dont tu parlais tout à l’heure, il aurait dit qu’il n’y a pas de honte pour
personne à fabriquer des chaussures ou à vendre des salaisons ou à se prostituer ?
Ne crois pas cela, Socrate. Hésiode, selon moi, pensait que la fabrication est
distincte de l’action et du travail et que la fabrication peut entraîner parfois
la honte, lorsqu’elle est sans beauté, tandis que le travail ne comporte jamais
de honte. Fabriquer des choses belles et utiles, voilà ce qu’il appelait
travailler et c’est les fabrications de cette sorte qui étaient pour lui des
travaux et des actions. Il faut affirmer que les affaires propres à chacun,
c’étaient pour lui celles-là seulement, et que tout ce qui est nuisible lui
paraissait étranger. Aussi faut-il penser qu’Hésiode, comme tous les hommes
sensés, appelait sage celui qui fait ses propres affaires.
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