[8] Τὸ μὲν δὴ δι´ ἡδονῆς ἐπιθυμίαν ἅπαντα ὑπομένειν
οὐ πάνυ ἴσως ὑπαίτιον, ἀλλὰ συγγνώμη εἴ
τις ἡδονῇ χαίρει καὶ τοῦτο ἐξ ἅπαντος θεραπεύει
ὅπως μεθέξει αὐτῆς. καίτοι αἰσχρὸν ἴσως καὶ
ἀνδραποδῶδες ἀποδόσθαι διὰ ταύτην ἑαυτόν· πολὺ
γὰρ ἡδίων ἡ ἐκ τῆς ἐλευθερίας ἡδονή. ὅμως δ´ οὖν
ἐχέτω τινὰ συγγνώμην αὐτοῖς, εἰ ἐπιτυγχάνοιτο·
τὸ δὲ δι´ ἡδονῆς ἐλπίδα μόνον πολλὰς ἀηδίας
ὑπομένειν γελοῖον οἶμαι καὶ ἀνόητον, καὶ ταῦτα
ὁρῶντας ὡς οἱ μὲν πόνοι σαφεῖς καὶ πρόδηλοι καὶ
ἀναγκαῖοι, τὸ δὲ ἐλπιζόμενον ἐκεῖνο, ὁτιδήποτέ
ἐστιν τὸ ἡδύ, οὔτε ἐγένετό πω τοσούτου χρόνου,
προσέτι δὲ οὐδὲ γενήσεσθαι ἔοικεν, εἴ τις ἐκ τῆς
ἀληθείας λογίζοιτο. οἱ μέν γε τοῦ Ὀδυσσέως
ἑταῖροι γλυκύν τινα τὸν λωτὸν ἐσθίοντες ἠμέλουν
τῶν ἄλλων καὶ πρὸς τὸ παρὸν ἡδὺ τῶν καλῶς
ἐχόντων κατεφρόνουν· ὥστε οὐ πάντῃ ἄλογος
αὐτῶν ἡ λήθη τοῦ καλοῦ, πρὸς τῷ ἡδεῖ ἐκείνῳ
τῆς ψυχῆς διατριβούσης. τὸ δὲ λιμῷ συνόντα
παρεστῶτα ἄλλῳ τοῦ λωτοῦ ἐμφορουμένῳ μηδὲν
μεταδιδόντι ὑπὸ ἐλπίδος μόνης τοῦ κἂν αὐτὸν
παραγεύσασθαί ποτε δεδέσθαι, τῶν καλῶς καὶ
ὀρθῶς ἐχόντων ἐπιλελησμένον, Ἡράκλεις, ὡς
καταγέλαστον καὶ πληγῶν τινων Ὁμηρικῶν ὡς ἀληθῶς
δεόμενον.
| [8] Etre prêt à supporter n'importe quoi dans l'attente du plaisir
ne constitue sans doute pas un comportement totalement
répréhensible : il peut se concevoir que l'on prise les voluptés et
que l'on mette tous ses soins à trouver le moyen d'en obtenir sa
part. Il n'en reste pas moins qu'il y a je ne sais quoi de honteux
et de servile à se vendre pour y parvenir, car est-il délices plus
doux que ceux tirés de la liberté ? Encore pourrions-nous faire
preuve d'une certaine indulgence envers ces menées si tant était
qu'elles atteignissent le but visé. En revanche, il me paraît
ridicule et insensé d'endurer toutes sortes de contrariétés pour
une délectation qui reste seulement escomptée, surtout si l'on
constate que les corvées sont tangibles, évidentes et imparables
tandis que les espérances, quelle qu'en soit la douceur, ne se
sont toujours pas concrétisées au bout d'un si long laps de
temps et qu'il n'y a aucune apparence qu'elles puissent encore
l'être, si l'on y réfléchit avec réalisme. Une fois qu'ils eurent tâté
de la suavité du lotus, les compagnons d'Ulysse se fichèrent
certes de leur devoir comme d'une guigne et tout autre
bienfait leur parut faire pâle figure en comparaison des
voluptés qui leur étaient alors échues, si bien que leur oubli du
bien n'était pas totalement déraisonnable, tant que leur âme
barbotait dans ces délices. En revanche, qu'un affamé planté à
côté d'un bâfreur de lotus qui ne lui en laisse pas une miette
reste cloué sur place, du seul fait qu'il espère qu'à lui aussi, on
en donnera un jour à déguster, et qu'il en vienne à oublier la
vertu et la rectitude, voilà bien, ô Héraclès, un travers ridicule
et digne de quelque homérique correction.
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