[10] Ἔστι γὰρ τῶν γεγραμμένων ἔνια μὲν ἐν δικαστηρίῳ
πρέποντα ῥηθῆναι, τὰ δὲ πρὸς μὲν τοὺς τοιούτους ἀγῶνας οὐχ ἁρμόττοντα,
περὶ δὲ φιλοσοφίας πεπαρρησιασμένα καὶ δεδηλωκότα τὴν δύναμιν αὐτῆς· ἔστι δέ τι καὶ
τοιοῦτον ὃ τῶν νεωτέρων τοῖς ἐπὶ τὰ μαθήματα καὶ τὴν παιδείαν ὁρμῶσιν ἀκούσασιν ἂν
συνενέγκοι, πολλὰ δὲ καὶ τῶν ὑπ' ἐμοῦ πάλαι γεγραμμένων ἐγκαταμεμιγμένα τοῖς νῦν
λεγομένοις οὐκ ἀλόγως οὐδ' ἀκαίρως, ἀλλὰ προσηκόντως τοῖς ὑποκειμένοις. (11)
Τοσοῦτον οὖν μῆκος λόγου συνιδεῖν, καὶ τοσαύτας ἰδέας καὶ τοσοῦτον ἀλλήλων
ἀφεστώσας συναρμόσαι καὶ συναγαγεῖν, καὶ τὰς ἐπιφερομένας οἰκειῶσαι ταῖς
προειρημέναις, καὶ πάσας ποιῆσαι σφίσιν αὐταῖς ὁμολογουμένας, οὐ πάνυ μικρὸν ἦν
ἔργον. Ὅμως δ' οὐκ ἀπέστην, καίπερ τηλικοῦτος ὤν. Πρὶν αὐτὸν ἀπετέλεσα, μετὰ
πολλῆς μὲν ἀληθείας εἰρημένον, τὰ δ' ἄλλα τοιοῦτον οἷος ἂν εἶναι δόξη τοῖς
ἀκροωμένοις.
(12) Χρὴ δὲ τοὺς διεξιόντας αὐτὸν πρῶτον μὲν ὡς ὄντος μικτοῦ τοῦ λόγου καὶ πρὸς
ἁπάσας τὰς ὑποθέσεις ταύτας γεγραμμένου ποιεῖσθαι τὴν ἀκρόασιν, ἔπειτα προσέχειν
τὸν νοῦν ἔτι μᾶλλον τοῖς λέγεσθαι μέλλουσιν ἢ τοῖς ἤδη προειρημένοις, πρὸς δὲ τούτοις
μὴ ζητεῖν εὐθὺς ἐπελθόντας ὅλον αὐτὸν διελθεῖν, ἀλλὰ τοσοῦτον μέρος ὅσον μὴ
λυπήσει τοὺς παρόντας. Ἐὰν γὰρ ἐμμείνητε τούτοις, μᾶλλον δυνήσεσθε κατιδεῖν εἴ τι
τυγχάνομεν λέγοντες ἄξιον ἡμῶν αὐτῶν.
(13) Ἃ μὲν οὖν ἀναγκαῖον ἦν προειπεῖν, ταῦτ' ἐστίν· ἤδη δ' ἀναγιγνώσκετε τὴν
ἀπολογίαν τὴν προσποιουμένην μὲν περὶ κρίσεως γεγράφθαι, βουλομένην δὲ περὶ
ἐμοῦ δηλῶσαι τὴν ἀλήθειαν, καὶ τοὺς μὲν ἀγνοοῦντας εἰδέναι ποιῆσαι, τοὺς δὲ
φθονοῦντας ἔτι μᾶλλον ὑπὸ τῆς νόσου ταύτης λυπεῖσθαι· μείζω γὰρ δίκην οὐκ ἂν
δυναίμην λαβεῖν παρ' αὐτῶν.
(14) Πάντων ἡγοῦμαι πονηροτάτους εἶναι καὶ μεγίστης ζημίας ἀξίους, οἵτινες οἷς αὐτοὶ
τυγχάνουσιν ὄντες ἔνοχοι, ταῦτα τῶν ἄλλων τολμῶσι κατηγορεῖν· ὅπερ Λυσίμαχος
πεποίηκεν. Οὗτος γὰρ αὐτὸς συγγεγραμμένα λέγων περὶ τῶν ἐμῶν συγγραμμάτων
πλείω πεποίηται λόγον ἢ περὶ τῶν ἄλλων ἁπάντων, ὅμοιον ἐργαζόμενος ὥσπερ ἂν εἴ
τις ἱεροσυλίας ἕτερον διώκων αὐτὸς τὰ τῶν θεῶν ἐν τοῖν χεροῖν ἔχων φανείη. (15) Πρὸ
πολλοῦ δ' ἂν ἐποιησάμην οὕτως αὐτὸν νομίζειν εἶναί με δεινόν, ὥσπερ ἐν ὑμῖν εἴρηκεν·
οὐ γὰρ ἄν ποτέ μοι πράγματα ποιεῖν ἐπεχείρησε. Νῦν δὲ λέγει μὲν ὡς ἐγὼ τοὺς ἥττους
λόγους κρείττους δύναμαι ποιεῖν, τοσοῦτον δέ μου καταπεφρόνηκεν, ὥστε αὐτὸς
ψευδόμενος ἐμοῦ τἀληθῆ λέγοντος ἐλπίζει ῥᾳδίως ἐπικρατήσειν. (16) Οὕτω δέ μοι
δυσκόλως ἅπαντα συμβέβηκεν, ὥσθ' οἱ μὲν ἄλλοι τοῖς λόγοις διαλύονται τὰς διαβολάς,
ἐμοῦ δὲ Λυσίμαχος αὐτοὺς τοὺς λόγους μάλιστα διαβέβληκεν, ἵν' ἢν μὲν ἱκανῶς δόξω
λέγειν, ἔνοχος ὢν φανῶ τοῖς ὑπὸ τούτου περὶ τῆς δεινότητος τῆς ἐμῆς προειρημένοις,
ἢν δ' ἐνδεέστερον τύχω διαλεχθεὶς ὧν οὗτος ὑμᾶς προσδοκᾶν πεποίηκε, τὰς πράξεις
ἡγῆσθέ μου χείρους εἶναι. (17) Δέομαι οὖν ὑμῶν μήτε πιστεύειν πω μήτ' ἀπιστεῖν τοῖς
εἰρημένοις, πρὶν ἂν διὰ τέλους ἀκούσητε καὶ τὰ παρ' ἡμῶν, ἐνθυμουμένους ὅτι οὐδὲν ἂν
ἔδει δίδοσθαι τοῖς φεύγουσιν ἀπολογίαν, εἴπερ οἷόν τ' ἦν ἐκ τῶν τοῦ διώκοντος λόγων
ἐψηφίσθαι τὰ δίκαια. Νῦν δ' εἰ μὲν εὖ τυγχάνει κατηγορηκὼς ἢ κακῶς, οὐδεὶς ἂν τῶν
παρόντων ἀγνοήσειεν· εἰ δ' ἀληθέσι κέχρηται τοῖς λόγοις, οὐκέτι τοῦτο τοῖς κρίνουσι
γνῶναι ῥᾴδιον ἐξ ὧν ὁ πρότερος εἴρηκεν, ἀλλ' ἀγαπητὸν ἢν ἐξ ἀμφοτέρων τῶν λόγων
ἐκλαβεῖν δυνηθῶσι τὸ δίκαιον.
(18) Οὐ θαυμάζω δὲ τῶν πλείω χρόνον διατριβόντων ἐπὶ ταῖς τῶν ἐξαπατώντων
κατηγορίαις ἢ ταῖς ὑπὲρ αὑτῶν ἀπολογίαις, οὐδὲ τῶν λεγόντων ὡς ἔστι μέγιστον κακὸν
διαβολή· τί γὰρ ἂν γένοιτο ταύτης κακουργότερον, ἣ ποιεῖ τοὺς μὲν ψευδομένους
εὐδοκιμεῖν, τοὺς δὲ δικάζοντας ἐπιορκεῖν, ὅλως δὲ τὴν μὲν ἀλήθειαν ἀφανίζει, ψευδῆ δὲ
δόξαν παραστήσασα τοῖς ἀκούουσιν ὃν ἂν τύχῃ τῶν πολιτῶν ἀδίκως ἀπόλλυσιν; (19) Ἃ
φυλακτέον ἐστίν, ὅπως μηδὲν ὑμῖν συμβήσεται τοιοῦτον, μηδ' ἃ τοῖς ἄλλοις ἂν
ἐπιτιμήσαιτε τούτοις αὐτοὶ φανήσεσθε περιπίπτοντες. Οἶμαι δ' ὑμᾶς οὐκ ἀγνοεῖν ὅτι τῇ
πόλει πολλάκις οὕτως ἤδη μετεμέλησε τῶν κρίσεων τῶν μετ' ὀργῆς καὶ μὴ μετ' ἐλέγχου
γενομένων, ὥστ' οὐ πολὺν χρόνον διαλιποῦσα παρὰ μὲν τῶν ἐξαπατησάντων δίκην
λαβεῖν ἐπεθύμησε, τοὺς δὲ διαβληθέντας ἡδέως ἂν εἶδεν ἄμεινον ἢ πρότερον
πράττοντας.
| [10] En effet, une partie des choses
qu'il contient sont de nature à être dites avec convenance devant un tribunal ;
d'autres seraient déplacées dans ces sortes de luttes, tandis qu'appliquées à la
philosophie et exprimées librement, elles servent à manifester sa puissance. Il y a
même telle partie de ce discours qui pourrait être entendue utilement par les jeunes
gens qui se livrent à l'étude des sciences et des lettres; enfin, on y rencontre beaucoup
de passages des discours que j'ai écrits à d'autres époques, et qui se trouvent mêlés
aux choses que je viens de dire, non sans raison, non sans convenance, mais de
manière à être en harmonie avec l'objet que je me suis proposé. (11) Embrasser d'un
coup d'oeil l'ensemble d'un si long travail, réunir et concilier entre elles tant de formes
et d'idées si éloignées les unes des autres ; marier, pour ainsi dire, celles qui
survenaient avec celles qui déjà avaient trouvé leur place, et les faire concorder entre
elles, n'était pas, sans doute, une tâche légère ; et pourtant, malgré mon grand âge, je
ne me suis point découragé; j'ai terminé ce discours écrit avec une complète vérité, et
que du reste je livre au jugement de mes auditeurs.
(12) 6. Il est important pour ceux qui prendront connaissance de ce discours, que
la lecture en soit faite comme celle d'une œuvre mixte et préparée pour toutes les
conditions que nous avons indiquées; il faut ensuite que leur pensée se dirige vers ce
qui doit être lu, plus que vers ce qui l'a déjà été; il faut, en outre, ne pas chercher dès
le début à lire l'ouvrage entier d'un seul trait, mais en séparer à chaque fois une partie
assez restreinte pour ne pas fatiguer les auditeurs. C'est en restant fidèles à ces
recommandations, que vous pourrez surtout reconnaître si nous avons parlé d'une
manière digne de nous.
(13) 7. Voilà ce qu'il était nécessaire d'indiquer à l'avance. Lisez maintenant cette
apologie, qui est supposée écrite pour un jugement, mais dont le but réel est d'établir
la vérité en ce qui me concerne ; de la faire connaître à ceux qui l'ignorent, et d'ajouter
au tourment de la jalousie, pour ceux que cette maladie dévore; car je ne puis tirer
d'eux une plus éclatante vengeance.
(14) 8. Je regarde comme les plus méchants des hommes, et comme dignes des
plus sévères châtiments, ceux qui sont eux-mêmes coupables des choses dont ils
osent accuser les autres, et c'est ce qu'a fait Lysimaque. Il se sert de discours écrits et
il emploie plus de paroles pour attaquer les miens à cet égard que sous tous les autres
rapports, agissant en cela de la même manière qu'un homme qui en poursuivrait un
autre pour vol sacrilège, et qui se présenterait devant le tribunal ayant encore dans les
mains des objets appartenant aux dieux. (15) J'attacherais un grand prix à ce que
Lysimaque me crût réellement aussi redoutable qu'il l'a affirmé devant vous, car alors il
n'entreprendrait pas de m'attaquer. Il dit que des arguments les plus faibles je puis
faire des arguments victorieux ; et cependant il me redoute si peu, qu'il espère me
vaincre aisément en articulant des mensonges quand je dis la vérité. (16) Tout est
devenu si difficile pour moi, que les autres peuvent détruire les accusations par des
discours, tandis que ce sont mes discours eux-mêmes que Lysimaque poursuit de ses
accusations avec le plus de violence, afin que, si mes paroles paraissent suffire à ma
justification, je demeure coupable du crime reproché par lui à mon éloquence; et, que,
s'il arrive, au contraire, que mes paroles soient au-dessous de l'opinion qu'il vous en a
donnée, mes actions vous paraissent d'autant plus mauvaises. (17) Je vous demande
donc de ne pas accorder, comme aussi de ne pas refuser votre confiance à ce qui a
été dit, avant d'avoir entendu jusqu'à la fin ma défense, convaincus qu'il serait
complètement superflu de laisser aux accusés la faculté de se justifier, s'il était
possible de prononcer avec justice sur le seul plaidoyer de l'accusateur. Aucun des
assistants n'ignore maintenant si Lysimaque a bien ou mal établi ses accusations ;
mais lorsqu'il s'agit de savoir s'il a dit la vérité, ce n'est pas une chose facile pour les
juges de s'en rendre compte d'après les paroles de celui qui a parlé le premier et ils
doivent s'estimer heureux s'ils peuvent, des discours des deux parties, faire ressortir
la justice.
(18) 9. Je ne suis pas surpris qu'il y ait des hommes obligés d'employer plus de
temps pour confondre les imposteurs que pour faire leur propre apologie; comme
aussi je comprends ceux qui disent que la calomnie est le plus grand de tous les
maux. Qu'y a-t-il, en effet, de plus pernicieux ? Elle entoure d'une brillante renommée
ceux qui publient des mensonges ; elle fait paraître coupables ceux qui n'ont commis
aucun crime ; elle entraîne les juges à fausser leurs serments; en un mot, elle efface la
vérité de dessus la terre ; et en égarant le jugement de ceux qui l'écoutent, elle fait
périr injustement le citoyen auquel elle s'attache. (19) C'est un danger contre lequel
vous devez vous mettre en garde, afin que rien de semblable ne vous arrive, et que
vous ne tombiez pas dans les fautes que vous blâmeriez chez les autres. Vous
n'ignorez pas, je pense, que souvent notre ville a éprouvé, un tel repentir des
jugements rendus par elle sous l'influence de la colère, et non sur des preuves
suffisamment acquises, que bientôt après, elle a voulu tirer vengeance de ceux qui
l'avaient, trompée, et qu'elle aurait vu avec joie les victimes de la calomnie plus
heureuses qu'elles n'étaient auparavant.
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