[12,3] Καίτοι τινές φασι κατὰ φύσιν εἶναι τὴν ἡδονὴν ἐκ τοῦ πάντα ζῷα
δεδουλῶσθαι ταύτῃ, ὥσπερ οὐχὶ καὶ δειλίας καὶ φόβου καὶ τῶν ἄλλων
παθημάτων κοινῶς μὲν ἐν ἅπασιν ὄντων, παρὰ δὲ τοῖς λογισμῷ χρωμένοις
ἀποδοκιμαζομένων. Τὸ οὖν ἡδονὰς διώκειν προπετῶς λύπας ἐστὶ θηρεύειν.
Διόπερ ῞Ομηρος ἐπονείδιστον βουλόμενος ποιῆσαι τὴν ἡδονὴν (511b) καὶ
τῶν θεῶν φησι τοὺς μεγίστους οὐδὲν ὑπὸ τῆς σφετέρας ὠφελεῖσθαι
δυνάμεως, ἀλλὰ τὰ μέγιστα βλάπτεσθαι παρενεχθέντας ὑπ' αὐτῆς. Ὅσα μὲν
γὰρ ἀγρυπνῶν ὁ Ζεὺς ἐφρόντιζεν ὑπὲρ τῶν Τρώων, ταῦτ' ἀπώλεσεν μεθ'
ἡμέραν ὑφ ἡδονῆς κρατηθείς, καὶ ὁ ῎Αρης ἀλκιμώτατος ὢν ὑπὸ τοῦ
ἀσθενεστάτου Ἡφαίστου συνεποδίσθη καὶ ὦφλεν αἰσχύνην καὶ ζημίαν
ἐκδοὺς ἑαυτὸν ἔρωσιν ἀλογίστοις. Φησὶ γοῦν πρὸς τοὺς θεούς, ὅτ' ἦλθον
αὐτὸν θεασόμενοι δεδεμένον·
Οὐκ ἀρετᾷ κακὰ ἔργα· κιχάνει τοι βραδὺς ὠκύν,
(511c) ὡς και νῦν ῞Ηφαιστος ἐὼν βραδὺς εἶλεν ῎Αρηα
ὠκύτατόν περ ἐόντα θεῶν οἵ ῎Ολυμπον ἔχουσι,
χωλὸς ἐών, τέχνησι· τὸ καὶ ζωάγρι ὀφέλλει.
« Οὐδεὶς δὲ λέγει τὸν ᾽Αριστείδου βίον ἡδύν, ἀλλὰ τὸν Σμινδυρίδου τοῦ
Συβαρίτου καὶ τὸν Σαρδαναπάλλου. Καίτοι κατά γε τὴν δόξαν,» φησὶν ἐν τῷ
περὶ ῾Ηδονῆς Θεόφραστος, « οὐχ ὁμοίως λαμπρός ἐστιν· ἀλλ' οὐκ ἐτρύφησεν
ὥσπερ ἐκεῖνοι. Οὐδὲ τὸν ᾽Αγησιλάου τοῦ Λακεδαιμονίων βασιλέως, ἀλλὰ
μᾶλλον, εἰ ἔτυχεν, τὸν ᾽Ανάνιος οὕτως ἀοράτου (511d) κατὰ δόξαν ὄντος,
οὐδὲ τὸν τῶν ἡμιθέων τῶν ἐπὶ Τροίας, ἀλλὰ πολλῷ μᾶλλον τῶν νῦν. Καὶ
τοῦτ' εἰκότως. Ὁ μὲν γὰρ ἀκατάσκευος καὶ καθάπερ ἀνεύρετος ἦν, οὔτ'
ἐπιμιξίας οὔσης οὔτε τῶν τεχνῶν διηκριβωμένων, ὁ δὲ πᾶσιν ἐξηρτυμένος
πρὸς ῥᾳστώνην καὶ πρὸς ἀπόλαυσιν καὶ πρὸς τὰς ἄλλας διαγωγάς.»
| [12,3] D'aucuns prétendent que le plaisir est naturel, et que toutes choses ici-
bas sont forcément sous son emprise. Cependant, force de constater que
la lâcheté, la crainte, et bien d'autres sentiments encore, ne se trouvent
pas chez monsieur-tout-le monde, puisque ceux qui se plient à leur
raison peuvent aisément les refouler. Se lancer dans la quête éperdue
des plaisirs, c'est partir à la chasse aux tourments. De fait, Homère,
soucieux de vilipender le relâchement, déclare que les dieux - eux aussi
sensibles à son appel -, étaient châtiés avec la plus grande vigueur
quand ils se retrouvaient dans une mauvaise passe à cause de lui. Tous
les projets que Zeus avaient échafaudés en faveur des Troyens
s'écroulèrent tout de bon quand il fut terrassé par la volupté. Même Arès,
le plus vaillant de tous, fut recouvert de chaînes par le frêle Héphaïstos,
et contraint à s'humilier et à s'amender pour s'être fourvoyé dans des
passions déraisonnables. Voici les mots qu'il adressa aux dieux quand
ces derniers le virent dans une semblable posture :
« Les actions nuisibles sont condamnées à l'échec, si bien que le faiblard peut
surpasser le fortiche : voyez le souffreteux Héphaïstos, ce boiteux, qui, par son art, a
pris dans ses filets Arès lui-même, le plus athlétique des dieux que l'Olympe possède.
Et depuis ce temps, Arès doit lui verser une rançon. »
Nul n'oserait prétendre que la vie d'Aristide fut une partie de plaisir. Par
contre, la vie de Sminduridès le Sybarite et de celle de Sardanapale le fut sans conteste.
Théophraste dans son traité sur le Plaisir nous livre son avis :
« Si l'on jette un coup d'œil sur la personnalité d'Aristide, on constate qu'il était bien plus
brillant que tous ces gens, et qu'il ne se vautrait pas, lui, dans la volupté. Personne ne
prétend non plus que la vie d'Agésilas, roi de Sparte, fut une sinécure de volupté ; en
revanche, celle d'Ananis le fut sans nul doute, et c'est un parfait inconnu. Personne ne
se risquerait à dire que la vie des demi-dieux qui combattirent à Troie fut relaxante à
l'extrême : or on peut le dire de nos contemporains. Et à juste titre. Dans les temps
antiques, la vie matérielle était des plus limitées ; du fait de cette pénurie, la liberté
sexuelle était brimée, et les arts n'avaient pas atteint une telle perfection. Bref tout cela
pour dire que la vie moderne est tout entière une incitation à la facilité, à la jouissance et
aux pires excentricités. »
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