[4,3,20] καὶ Χειρίσοφος μὲν ἐνέβαινε καὶ οἱ σὺν ἐκείνῳ· ὁ δὲ Ξενοφῶν τῶν ὀπισθοφυλάκων
λαβὼν τοὺς εὐζωνοτάτους ἔθει ἀνὰ κράτος πάλιν ἐπὶ τὸν πόρον τὸν κατὰ τὴν
ἔκβασιν τὴν εἰς τὰ τῶν Ἀρμενίων ὄρη, προσποιούμενος ταύτῃ διαβὰς
ἀποκλείσειν τοὺς παρὰ τὸν ποταμὸν ἱππέας. (4.3.21) οἱ δὲ πολέμιοι ὁρῶντες μὲν
τοὺς ἀμφὶ Χειρίσοφον εὐπετῶς τὸ ὕδωρ περῶντας, ὁρῶντες δὲ τοὺς ἀμφὶ
Ξενοφῶντα θέοντας εἰς τοὔμπαλιν, δείσαντες μὴ ἀποληφθείησαν φεύγουσιν
ἀνὰ κράτος ὡς πρὸς τὴν τοῦ ποταμοῦ ἄνω ἔκβασιν. ἐπεὶ δὲ κατὰ τὴν ὁδὸν
ἐγένοντο, ἔτεινον ἄνω πρὸς τὸ ὄρος. (4.3.22) Λύκιος δ᾽ ὁ τὴν τάξιν ἔχων τῶν
ἱππέων καὶ Αἰσχίνης ὁ τὴν τάξιν τῶν πελταστῶν τῶν ἀμφὶ Χειρίσοφον ἐπεὶ
ἑώρων ἀνὰ κράτος φεύγοντας, εἵποντο· οἱ δὲ στρατιῶται ἐβόων μὴ
ἀπολείπεσθαι, ἀλλὰ συνεκβαίνειν ἐπὶ τὸ ὄρος. (4.3.23) Χειρίσοφος δ᾽ αὖ ἐπεὶ
διέβη, τοὺς ἱππέας οὐκ ἐδίωκεν, εὐθὺς δὲ κατὰ τὰς προσηκούσας ὄχθας ἐπὶ τὸν
ποταμὸν ἐξέβαινεν ἐπὶ τοὺς ἄνω πολεμίους. οἱ δὲ ἄνω, ὁρῶντες μὲν τοὺς ἑαυτῶν
ἱππέας φεύγοντας, ὁρῶντες δ᾽ ὁπλίτας σφίσιν ἐπιόντας, ἐκλείπουσι τὰ ὑπὲρ τοῦ
ποταμοῦ ἄκρα. (4.3.24) Ξενοφῶν δ᾽ ἐπεὶ τὰ πέραν ἑώρα καλῶς γιγνόμενα,
ἀπεχώρει τὴν ταχίστην πρὸς τὸ διαβαῖνον στράτευμα· καὶ γὰρ οἱ Καρδοῦχοι
φανεροὶ ἤδη ἦσαν εἰς τὸ πεδίον καταβαίνοντες ὡς ἐπιθησόμενοι τοῖς τελευταίοις.
(4.3.25) καὶ Χειρίσοφος μὲν τὰ ἄνω κατεῖχε, Λύκιος δὲ σὺν ὀλίγοις ἐπιχειρήσας
ἐπιδιῶξαι ἔλαβε τῶν σκευοφόρων τὰ ὑπολειπόμενα καὶ μετὰ τούτων ἐσθῆτά τε
καλὴν καὶ ἐκπώματα. (4.3.26) καὶ τὰ σκευοφόρα τῶν Ἑλλήνων καὶ ὁ ὄχλος ἀκμὴν
διέβαινε, Ξενοφῶν δὲ στρέψας πρὸς τοὺς Καρδούχους ἀντία τὰ ὅπλα ἔθετο, καὶ
παρήγγειλε τοῖς λοχαγοῖς κατ᾽ ἐνωμοτίας ποιήσασθαι ἕκαστον τὸν ἑαυτοῦ
λόχον, παρ᾽ ἀσπίδα παραγαγόντας τὴν ἐνωμοτίαν ἐπὶ φάλαγγος· καὶ τοὺς μὲν
λοχαγοὺς καὶ τοὺς ἐνωμοτάρχους πρὸς τῶν Καρδούχων ἰέναι, οὐραγοὺς δὲ
καταστήσασθαι πρὸς τοῦ ποταμοῦ. (4.3.27) οἱ δὲ Καρδοῦχοι ὡς ἑώρων τοὺς
ὀπισθοφύλακας τοῦ ὄχλου ψιλουμένους καὶ ὀλίγους ἤδη φαινομένους, θᾶττον δὴ
ἐπῇσαν ᾠδάς τινας ᾄδοντες. ὁ δὲ Χειρίσοφος, ἐπεὶ τὰ παρ᾽ αὐτῷ ἀσφαλῶς εἶχε,
πέμπει παρὰ Ξενοφῶντα τοὺς πελταστὰς καὶ σφενδονήτας καὶ τοξότας καὶ
κελεύει ποιεῖν ὅ τι ἂν παραγγέλλῃ. (4.3.28) ἰδὼν δ᾽ αὐτοὺς διαβαίνοντας
Ξενοφῶν πέμψας ἄγγελον κελεύει αὐτοῦ μεῖναι ἐπὶ τοῦ ποταμοῦ μὴ διαβάντας·
ὅταν δ᾽ ἄρξωνται αὐτοὶ διαβαίνειν, ἐναντίους ἔνθεν καὶ ἔνθεν σφῶν ἐμβαίνειν
ὡς διαβησομένους, διηγκυλωμένους τοὺς ἀκοντιστὰς καὶ ἐπιβεβλημένους τοὺς
τοξότας· μὴ πρόσω δὲ τοῦ ποταμοῦ προβαίνειν. (4.3.29) τοῖς δὲ παρ᾽ ἑαυτῷ
παρήγγειλεν, ἐπειδὰν σφενδόνη ἐξικνῆται καὶ ἀσπὶς ψοφῇ, παιανίσαντας θεῖν
εἰς τοὺς πολεμίους, ἐπειδὰν δ᾽ ἀναστρέψωσιν οἱ πολέμιοι καὶ ἐκ τοῦ ποταμοῦ ὁ
σαλπικτὴς σημήνῃ τὸ πολεμικόν, ἀναστρέψαντας ἐπὶ δόρυ ἡγεῖσθαι μὲν τοὺς
οὐραγούς, θεῖν δὲ πάντας καὶ διαβαίνειν ὅτι τάχιστα ᾗ ἕκαστος τὴν τάξιν εἶχεν,
ὡς μὴ ἐμποδίζειν ἀλλήλους· ὅτι οὗτος ἄριστος ἔσοιτο ὃς ἂν πρῶτος ἐν τῷ πέραν
γένηται.
| [4,3,20] Chirisophe entra dans le lit du fleuve, et sa division le suivit.
Xénophon, avec les soldats les plus agiles de l'arrière-garde, courut de toute
sa force au passage qui était vis-à-vis l'entrée des montagnes d'Arménie ; il
feignit d'y vouloir traverser le fleuve pour envelopper la cavalerie qui en
avait longé les bords. Quand les ennemis virent que le corps de Chirisophe
passait le gué avec facilité, et que le détachement de Xénophon courait sur
leurs derrières, ils craignirent d'être coupés, et fuirent à toutes jambes
jusqu'au premier passage ; puis ayant gagné le chemin qui s'enfonçait dans les
montagnes d'Arménie, ils le suivirent. Lycius, qui commandait le petit escadron
des Grecs, et Eschine, qui avait à ses ordres les armés à la légère de la
division de Chirisophe, voyant leur déroute, se mirent à leur poursuite.
L'infanterie pesante les y exhortait, et leur criait qu'on les soutiendrait, et
qu'elle gravirait avec eux sur la montagne : Chirisophe, après avoir passé, ne
s'amusa pas à courir après la cavalerie ; mais en sortant du fleuve, il marcha
droit à l'infanterie qui était postée sur les collines voisines : ce corps
voyant sa cavalerie en fuite, et les hoplites grecs s'avancer pour le charger,
abandonna les hauteurs qui dominaient le fleuve.
Xénophon, quand il eut remarqué que tout allait bien sur l'autre rive, revint au
plus vite au gué que passait l'armée ; car on voyait déjà les Carduques
descendre dans la plaine pour tomber sur les dernières troupes qui
traverseraient. Chirisophe était alors maître des hauteurs. Lycius, et d'autres
Grecs, en petit nombre, prirent, en poursuivant l'ennemi, ce qui était resté en
arrière de ses bagages, et il s'y trouva des habits magnifiques et des vases à
boire précieux. Les équipages de l'armée grecque et les esclaves passaient
encore ; Xénophon fit face aux Carduques et tourna les armes contre eux ; il
ordonna aux chefs de former leurs lochos en colonne par énomoties, puis de faire
appuyer les énomoties sur celle de la gauche, jusqu'à ce que les boucliers se
touchassent et qu'on présentât une ligne pleine à l'ennemi, le tout en ordre
renversé ; en sorte que les chefs de lochos et les énomotarques se trouvassent
du côté des Carduques, et les serre-files, du côté du fleuve.
Les Carduques, dès qu'ils virent que les équipages étaient passés, et qu'il ne
restait que peu de troupes de l'arrière-garde, qui paraissaient dénuées de
secours, s'avancèrent contre elles au plus vite, chantant quelques hymnes
barbares : Chirisophe, de son côté, se trouvant en sûreté, renvoie à Xénophon
les armés à la légère, les frondeurs, les archers, et leur prescrit de faire ce
que ce général ordonnera. Xénophon, qui les voit descendre et venir à lui, leur
fait dire, par un aide de camp, de se tenir sur le bord de la rivière sans la
passer, et lorsqu'il commencerait à entrer dans l'eau, de s'y jeter eux-mêmes en
dehors de la ligne et sur les deux flancs, comme s'ils voulaient repasser le
fleuve et charger les Carduques, tenant leurs javelots prêts à être lancés, et
les archers ayant la flèche sur leur arc ; de menacer ainsi, mais de ne pas
s'engager fort avant dans le fleuve. Il prescrit à son arrière-garde de courir
sur l'ennemi, après avoir chanté le péan, dès que les pierres, lancées par les
frondes, parviendront jusqu'à eux, retentiront sur leurs boucliers. Il ajoute
qu'aussitôt qu'ils auront mis les Barbares en fuite, et que, des bords du
fleuve, la trompette sonnera la charge, ils aient à faire demi-tour à droite et
à courir de toutes leurs forces, les serre-files en tête de la ligne ; qu'ils
passent ensuite le gué, chaque division marchant droit devant elle pour ne point
s'embarrasser les uns les autres. « Que la honte de fuir ne vous retienne point,
dit-il, on regardera comme le meilleur soldat celui qui arrivera le premier sur
la rive opposée. »
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