[10] Ἡμεῖς οὖν, τιμῶντες τὰς ἀρετάς, ἴσμεν ἥντιν´ ἔχουσι
τάξιν, ἣν αἱ τῶν στοιχείων γραμμαὶ πρὸς ἐπιστήμην βιβλίου·
πρῶται γάρ εἰσιν ἀνιόντων ἐπὶ τὸν νοῦν· ἀλλ´ οὐ
τὸ πᾶν ἔχομεν ἔχοντες τὰς ἀρετάς, ἀλλ´ ἀφῃρήκαμεν τὸ
ἐμπόδιον, καὶ ὧν χωρὶς οὐδὲ ὅσιόν ἐστιν ἐλπίσαι τυχεῖν
τοῦ τέλους, τοῦτο τέως παρεσκευάκαμεν. ταύτῃ δὲ οὐκ
ἀπογινώσκοντες, ἤδη μέτιμεν αὐτὸ διὰ νοῦ σὺν τάξει παλαιοῖς
τε καὶ μακαρίοις ἀνδράσιν ἐξευρημένῃ· καὶ ζητοῦντες
οὐκ οἶδα εἴ ποτε ἕλοιμεν· σχολῇ γε ἂν περιτύχοι τῷ μήτε
ἐρασθέντι, μήτ´ εἰ ζητητέον εἰδότι. καίτοι κάλλιστα ἀπαλλάττουσιν
αὐτῶν οἱ μένοντες ἐπὶ τούτου, καὶ μηδὲν προσπεριεργαζόμενοι·
εἶεν γὰρ ἂν οὐ κακοὶ καθηράμενοι. οἷς
δὲ ἐπῆλθε διενέγκαι τοῦ πλήθους κατὰ τύχην μαθοῦσιν
ὅτι λόγος ἐστὶ τὸ ἀνθρώπου καλόν, εἶτα παιδείαν μὲν
ἅπασαν ἠτιμάκασιν, ὑφ´ ἧς ὁ νοῦς ἀναχώννυται, κινοῦνται
δὲ παρ´ ἑαυτῶν ἀτόπους κινήσεις, καὶ ἀποσεμνύνονται μὲν
πρὸς φιλοσοφίαν, ὅ τι δ´ ἂν εἰς αὐτοὺς ἐμπέσῃ παράκουσμα,
τοῦτο ταῖς παρ´ αὐτῶν προσθήκαις πονηρὸν ἀπέδωκαν καὶ
κακόηθες, τυφλὰ γεννήματα, νοῦ μὲν οὐκ ἄξιον εἰπεῖν, ἀλλ´
οὐδὲ διανοίας, δόξης δὲ ἀτόπου καὶ φαντασίας ἡμαρτημένης
ἐκφέροντες· τούτους ἂν ἴδοις γελοίως διακειμένους,
μᾶλλον δὲ λίαν ἐλεεινῶς. ἄξιον γὰρ ἀνθρώπους ὄντας
ἐπ´ ἀνθρώπων συμφοραῖς μὴ γελᾶν, ἀλλ´ ὀλοφύρεσθαι. φεῦ
τῶν λόγων, φεῦ τῶν δογμάτων. εἰ γὰρ ἐπέλθοι φιλοσοφεῖν
τοῖς κριοῖς, οὐκ οἶδα ἅττ´ ἂν ἀντὶ τούτων πρεσβεύσειαν.
ἀλλ´ ἡμεῖς αὐτοῖς εἴπωμεν· ἄξιον γάρ· ὦ τολμηρότατοι
πάντων, εἰ μὲν ἠπιστάμεθα ὑμᾶς εὐμοιρήσαντας ἐκείνην
τῆς ψυχῆς τὴν ἀξίαν, ἣν Ἀμοῦς, ἣν Ζωροάστρης, ἣν Ἑρμῆς,
ἣν Ἀντώνιος, οὐκ ἂν ἠξιοῦμεν φρενοῦν, οὐδὲ διὰ
μαθήσεως ἄγειν, νοῦ μέγεθος ἔχοντας, ᾧ προτάσεις εἰσὶ καὶ
τὰ συμπεράσματα· ἀλλὰ κἂν ἐντυχεῖν ποτε τῷ τοιούτῳ
γένοιτο, σεβοίμεθά τε ἂν αὐτὸν καὶ ἁζοίμεθα· ὑμᾶς δὲ ὁρῶμεν
τῆς κοινῆς φύσεως ὄντας ἥττονας, καὶ μᾶλλον ἀγχίνους
ἢ παχεῖς. ὑμᾶς οὖν ἀξιοῦμεν καὶ νουθετεῖν, ἐν κοινῷ
τιθέντες ὅ τι ἂν ἄριστον ὑμῖν ἐξευρίσκωμεν. ἢ τοίνυν ἐπὶ
τῶν πρώτων ὑποθέσεων μένετε· παρέδοσαν γὰρ αὐτὰς
ἄνδρες ἀγχίσποροι τοῦ θεοῦ· καὶ οὕτως ἂν εἴητε κατὰ
Πλάτωνα μέσως ἔχοντες, οὐκέτι μὲν ἀμαθεῖς, οὔπω δέ γε
σοφοί, δόξαν ὀρθὴν πρεσβεύοντες δίχα λόγου καὶ ἀποδείξεως.
τό τε γὰρ ἀληθὲς οὐχ ὅσιον ἀμαθὲς οἴεσθαι, καὶ τὸ
ἄλογον εἶναι σοφὸν οὐδεὶς ἐπιτρέψει λόγος. ταύτην ἀγαπῶντες
τὴν τάξιν μετρίως ἂν εἴητε πεπραγότες, καὶ ἀναίτιοι
μὲν παρὰ θεῶν, ἀναίτιοι δὲ καὶ παρὰ ἀνθρώπων,
ἀλλὰ κἂν ἐπαίνου δικαίου τυγχάνοιτε· δήμου γὰρ ἀνδρὶ
καὶ τὸ ὅτι αὔταρκες. εἰ δὲ μὴ κατὰ χώραν μένετε, ἀλλ´ ἔτι
ὀρέξεσθε τοῦ πρόσω, καὶ τὸ διότι πολυπραγμονήσετε, καλῶς
μὲν ἂν ποιοῖτε σοφίας ἐρῶντες, ἱεροῦ χρήματος, ἀλλὰ μὴ
ἐφ´ ἑαυτῶν ποιεῖσθε τὴν θήραν· ἀγύμναστοι γάρ ἐστε, καὶ
κίνδυνος εἰς ἄβυσσόν τινα φλυαρίας ἐμπεσοῦσι διαφθαρῆναι,
ὃ καὶ Σωκράτης ἐφοβήθη παθεῖν, καὶ τὸ πάθος οὐκ
ἀπεκρύψατο φίλους ἄνδρας, Παρμενίδην καὶ Ζήνωνα. καίτοι
Σωκράτης ἐκεῖνος ἦν· ὑμεῖς δέ, οἵπερ ἐστέ, δεινὴ δὲ
ὅμως ἡ τόλμα, δόγμασιν ἀπορρήτοις ἀξιούντων ἐνάλλεσθαι,
καὶ ταῦτα ἐν λέξεσι τριοδίτισιν. ὁ μὲν οὖν Κάδμου
σπόρος αὐθημερὸν ὁπλίτας, φησίν, ἀνεδίδου σπαρτούς·
σπαρτοὺς δὲ θεολόγους οὐδείς πω μῦθος ἐτερατεύσατο. οὐ
γάρ ἐστιν ἡ ἀλήθεια πρᾶγμα ἐκκείμενον, οὐδὲ καταβεβλημένον,
οὐδὲ θήρᾳ ληπτέον. τί οὖν; ἐνταῦθα καλείσθω φιλοσοφία
σύμμαχος, καὶ παρασκευαζέσθωσαν ἀνεξόμενοι πάσης
ἐκείνης τῆς διεξόδου, μῆκος ἐχούσης μυρίον, παιδευόμενοι
καὶ προπαιδευόμενοι. δεῖ γάρ τοι πρῶτον ἀποδῦναι τὴν
ἀγροικίαν, καὶ τὰ μικρὰ ἐποπτεῦσαι πρὸς τῶν μειζόνων,
καὶ χορεῦσαι πρὶν δᾳδουχῆσαι, καὶ δᾳδουχῆσαι πρὶν ἱεροφαντῆσαι.
οὔκουν ἐθελήσετε πόνων ἐπὶ πόνοις ἀνέχεσθαι;
ἀλλ´ οὐδὲ τὰ μεγάλα ἀκονιτὶ παραγίνεται. καίτοιγε εἰ σὺν
ὥρᾳ τοῦ πράγματος ἥψασθε, καὶ ἡδονῆς ἄν τι τῷ ἔργῳ
προσῆν, ἧς οἱ προελθόντες ἀντιλαμβάνονται. ὑμεῖς δὲ ὀψιμαθίαν
αἰσχύνεσθε· ἀλλ´ οὔτοι τοῦτο αἰσχρόν· ἡ δὲ ἀμαθία,
καὶ τοῦτο μεῖζον, τοῦτο αἰσχρόν· ἐν ᾗ κείμενοι, τῆς μὲν
ἁπλῆς οὐκ ἀνέχεσθε· πάλιν γὰρ ἂν εἴητε μετρίως διακείμενοι,
οὔτε εἰδότες, οὔτε εἰδέναι προσποιούμενοι, τουτέστιν
ἐξ ἡμισείας εἰδότες· αὐτὸ γὰρ ἂν τοῦτο ἠπίστασθε, τὸ
μηδενὸς ὑμῖν ἐπιστήμην παρεῖναι· τὴν δὲ διπλῆν ἄγνοιαν
ἐφ´ ἑαυτοὺς μεγαλοπρεπῶς ἕλκετε· φρονήματος γὰρ ἀντὶ
φρονήσεως ὑποπλησθέντες, καὶ πρὶν μαθεῖν διδάσκειν ἐπιβαλλόμενοι, πάλιν ἐρῶ· φεῦ τῶν λόγων, φεῦ τῶν δογμάτων,
οἷα καὶ τίκτεται παρ´ ὑμῶν τέρατα ἀτεχνῶς διεσπασμένα
καὶ πολυκέφαλα, οἷά φασιν ἐπαναστῆναί ποτε τοῖς
θεοῖς. καὶ ταῦτα τί ἂν εἴποι τις, ἢ σπαράττειν τὸ θεῖον
ἅπαν ταῖς ἀτόποις ὑπονοίαις περὶ αὐτοῦ; οὐκ ἄν, εἴ γε
τὸν ἰδιώτην καλῶς ἐτηρήσατε, ἀλλ´ ἦν ἐκεῖ τὸ κατορθοῦν
ἐν τῷ μέτρῳ. ὁ Ἴκαρος, ἐπειδὴ τοῖν ποδοῖν ἀπηξίου κεχρῆσθαι,
ταχὺ μάλα καὶ ἀέρος καὶ γῆς ἀπετύγχανεν, ὧν τῆς
μὲν ὑπερεῖδε, τοῦ δὲ οὐκ ἐφίκετο.
| [10] Donc, tout en honorant les vertus,
nous savons leur assigner leur véritable rôle : elles sont comme l’alphabet qu’il faut
connaître pour pouvoir lire le livre; elles servent d’introduction à la vie intellectuelle.
Mais tout n’est pas gagné quand nous possédons les vertus; nous avons seulement
écarté les obstacles, et achevé la préparation sans laquelle nous ne pourrions
atteindre le but que nous poursuivons. Ce but, nous pouvons espérer de le toucher,
par un effort de l’intelligence, en suivant la voie ouverte, dès les temps anciens, par
des esprits distingués. En nous donnant de la peine réussirons-nous? Je l’ignore, mais
à coup sûr le succès ne viendra jamais à celui qui ne le désire point, et qui ne sait
même pas s’il doit le chercher. Ils quittent la vie dans les meilleures conditions, ceux
qui, parvenus à cet état de sagesse, ont pu s’y tenir, et n’ont plus eu de vulgaires
soucis; car une fois purifiés ils ne gardent en eux rien de vicieux.
Il est des gens qui prétendent s’élever au-dessus de la foule; ils ont appris par
hasard que ce qui fait l’excellence de l’homme c’est la raison ; et cependant ils
dédaignent toutes les études qui fortifient l’esprit; ils n’écoutent que leurs folles
inspirations, il se parent du nom de philosophes; mais comme ils ne comprennent pas
les doctrines qui arrivent à leurs oreilles, ils les dénaturent et les gâtent en y mêlant
leurs propres rêveries, sottes conceptions auxquelles l’intelligence ne prend aucune
part, même la plus médiocre, et qui ne sont que le produit d’une imagination absurde
et déréglée. Ne sont-ils pas vraiment ridicules, ou plutôt dignes de pitié? Car, quand
on est homme, au lieu de rire des misères humaines, il faut les déplorer. Dieux! quels
discours! quelles doctrines! Les boucs, je crois, réussiraient tout aussi bien qu’eux, si
les boucs se mêlaient de philosophie. A ces gens nous dirons, en toute vérité: O les
plus audacieux des hommes, si vous pouviez nous faire voir que vous êtes de ces
âmes d’élite, comme Amus, comme Zoroastre, comme Hermès, comme Antoine,
penser que vous avez besoin de vous améliorer, de vous instruire, ce serait faire injure
à des esprits assez bien doués pour saisir immédiatement la vérité. S’il nous arrive
jamais de rencontrer un de ces hommes supérieurs, nous aurons pour lui un religieux
respect. Mais vous autres, nous vous connaissons bien, intelligences lourdes et
obtuses, au-dessous de la médiocrité. Nous vous rappelons donc à la modestie, tout
en mettant à votre portée ce qui peut vous être le plus utile. Restez-en à ces
connaissances qui, tout élémentaires qu’elles sont, nous sont venues cependant
d’hommes vraiment divins, et vous serez ainsi dans cet état moyen, dont parle
Platon, qui n’est plus l’ignorance, qui n’est pas encore la sagesse; du moins vous
aurez ainsi des opinions justes, quoique vous ne puissiez ni les raisonner ni les
démontrer. Que l’ignorant soit en possession de la vérité, et qu’avec sa faible raison il
ait la sagesse en partage, voilà ce que nous ne devrons jamais admettre. Si vous
savez vous tenir à la place modeste qui vous convient, on vous traitera avec
indulgence; vous serez sans reproche devant Dieu et devant les hommes, et même
vous pourrez encore mériter quelques éloges. Car pour un esprit ordinaire c’est déjà
beaucoup de savoir que telles ou telles choses existent. Mais si, peu satisfaits de la
place que vous occupez, vous aspirez plus haut, si vous voulez à toute force connaître
le pourquoi des choses, vous ferez bien sans doute de chercher la sagesse, ce trésor
sacré; mais n’essayez pas de la conquérir par vos seuls efforts, car c’est une
entreprise trop considérable pour vous, et vous risquez fort d’aller vous perdre dans un
déluge de paroles. C’est là ce que craignait Socrate, et il ne cachait pas ses craintes à
ses amis Parménide et Zénon, et pourtant c’était Socrate. Mais vous, si chétifs que
vous soyez, vous avez une singulière présomption : vous pérorez indiscrètement sur
les dogmes les plus mystérieux, et Dieu sait avec quelle trivialité de langage. Cadmus
n’avait qu’à semer les dents du dragon pour faire sortir de terre des soldats tout
armés; mais il n’en est pas ainsi des théologiens : c’est un prodige que la fable ne
nous a pas encore montré. Car la vérité n’est pas une chose à la portée de tous, mise
sous nos pas et facile à saisir. Que faut-il pour l’atteindre ? Invoquer le secours de la
philosophie, parcourir avec courage cette route qu’elle ouvre devant nous, route
longue et pénible, se former l’esprit après s’être formé le caractère: car on doit d’abord
dépouiller toute rusticité; il faut passer par les degrés inférieurs pour arriver à l’initiation
complète; il faut faire partie des chœurs avant de porter les torches, et porter les
torches avant d’être hiérophante. Ne voudrez-vous donc pas supporter travaux sur
travaux? Mais rien de considérable ne s’obtient sans fatigue. Si vous parvenez
heureusement à toucher le but, vous éprouverez ce plaisir que ressentent tous ceux
qui s’avancent dans la voie du progrès. Vous rougissez de vous instruire tardivement;
mais ce n’est pas là ce qui doit vous faire rougir: l’ignorance, voilà ce qui est surtout
honteux. Vous restez dans la vôtre, sans même vous y tenir simplement: vous seriez
encore supportables, si, ne sachant rien, vous ne vous donniez pas des airs de
savants; vous auriez ainsi un commencement de science, car vous sauriez du moins
que vous ne savez rien. Mais vous vous montrez deux fois ignorants avec vos grandes
prétentions; bouffis d’orgueil et vides de sens, vous voulez enseigner sans avoir rien
appris. Encore une fois, quels discours! quelles doctrines! assemblage informe de
paroles incohérentes, véritables monstres comme ceux qui s’insurgèrent contre les
dieux! N’a-t-on pas le droit de dire qu’avec vos opinions absurdes sur la Divinité vous
l’outragez? Cela n’arriverait pas si vous restiez modestement à votre place; la
médiocrité vous servirait mieux. Marcher, c’était chose trop vulgaire aux yeux d’Icare;
mais tout lui manqua bientôt, et la terre qu’il avait dédaignée, et l’air où il ne put se
soutenir.
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