[1,2,19] Καὶ αὐτὸς δὲ ὑπονοήσας τοῦτο ὁ Ἐρατοσθένης, ὑπολάβοι τις ἄν,
φησί, τὸν ποιητὴν βούλεσθαι μὲν ἐν τοῖς προσεσπερίοις τόποις τὴν
πλάνην τῷ Ὀδυσσεῖ ποιεῖν, ἀποστῆναι δ' ἀπὸ τῶν ὑποκειμένων, τὰ
μὲν οὐκ ἀκριβῶς πεπυσμένον, τὰ δὲ οὐδὲ προελόμενον οὕτως, ἀλλ'
ἐπὶ τὸ δεινότερον καὶ τὸ τερατωδέστερον ἕκαστα ἐξάγειν. Τοῦτο μὲν
αὐτὸ εὖ, τὸ δ' οὗ χάριν τοῦτ' ἐποίει κακῶς δεξάμενος· οὐ γὰρ
φλυαρίας, ἀλλ' ὠφελείας χάριν. Ὥστε δίκαιός ἐστιν ὑπέχειν λόγον
καὶ περὶ τούτου καὶ διότι φησὶ τὰ πόρρω τερατολογεῖσθαι μᾶλλον διὰ
τὸ εὐκατάψευστον. Πολλοστὸν γὰρ μέρος ἐστὶ τὰ πόρρω
τερατολογούμενα τῶν ἐν τῇ Ἑλλάδι καὶ ἐγγὺς τῆς Ἑλλάδος· οἷα δὴ τὰ
κατὰ τοὺς Ἡρακλέους ἄθλους καὶ Θησέως καὶ τὰ ἐν Κρήτῃ καὶ
Σικελίᾳ μυθευόμενα καὶ ταῖς ἄλλαις νήσοις, καὶ τὰ περὶ τὸν
Κιθαιρῶνα καὶ Ἑλικῶνα καὶ Παρνασσὸν καὶ Πήλιον καὶ τὴν
Ἀττικὴν ὅλην καὶ Πελοπόννησον· οὐδείς τε ἐκ τῶν μύθων ἄγνοιαν
αἰτιᾶται τῶν μυθοποιῶν. Ἔτι δὲ, ἐπεὶ οὐ πάντα μυθεύουσιν, ἀλλὰ
πλείω προσμυθεύουσι, καὶ μάλιστα Ὅμηρος, {ὁ} ζητῶν τί οἱ παλαιοὶ
προσμυθεύουσιν οὐ ζητεῖ, εἰ τὰ προσμυθευόμενα ὑπῆρξεν ἢ ἐστίν,
ἀλλὰ καὶ μᾶλλον οἷς προσμυθεύεται τόποις ἢ προσώποις, περὶ
ἐκείνων ζητεῖ τἀληθές· οἷον τὴν Ὀδυσσέως πλάνην, εἰ γέγονε, καὶ ποῦ.
| [1,2,19] 19. Ératosthène, du reste, Ératosthène lui-même, semble avoir entrevu
quelque chose de cela, à en juger par les paroles suivantes : «On peut
supposer, dit-il, que le poète a voulu faire de la région de l'Occident le
théâtre des erreurs d'Ulysse; si maintenant il s'est écarté de la réalité,
c'est que, d'une part, il manquait de renseignements précis, et que,
d'autre part, il n'entrait pas dans son plan de représenter les choses
purement et simplement comme elles sont, mais de tout exagérer dans le
sens de la terreur et du merveilleux.» Oui, c'est cela qu'a fait Homère et
Ératosthène l'a bien compris ; il a mal compris seulement le but que se
proposait notre poète en agissant ainsi : il ne s'agissait pas en effet pour
lui d'un jeu frivole, mais d'un but sérieux et utile. Sur ce point-là donc
Ératosthène mérite d'être blâmé, ainsi que pour avoir dit qu'Homère avait
placé de préférence dans les contrées lointaines le théâtre de ses fictions,
à cause des facilités que l'éloignement prête au mensonge. Car le
nombre des fictions lointaines, dans Homère, n'est quasi rien au prix du
grand nombre de fictions dont la Grèce et les pays voisins sont le théâtre
et qui se rapportent, soit aux travaux d'Hercule et de Thésée, soit aux
traditions de la Crète, de la Sicile et des autres îles, du Cithéron, de
l'Hélicon, du Parnasse, du Pélion, de l'Attique tout entière et du
Péloponnèse. Jamais personne non plus ne s'est avisé de préjuger,
d'après les mythes employés par les poètes, l'ignorance des poètes eux-
mêmes. Il y a plus : comme, dans les mythes poétiques, tout n'est pas
fiction, et que le plus souvent (cela est vrai surtout d'Homère) les poètes
ne font qu'ajouter des fables à une tradition historique, quiconque soumet
les anciens mythes poétiques à la critique n'a pas à rechercher si ces
fictions accessoires elles-mêmes ont eu et ont encore quelque fondement
réel, la question pour lui n'est point là, et c'est plutôt sur les lieux, sur les
personnages qui ont inspiré ces fictions des poètes, qu'il doit chercher à
connaître la vérité : il recherchera, par exemple, si le fait des erreurs
d'Ulysse est vrai historiquement et quel en a été le théâtre.
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