[26] (1) Ἐν δὲ τῇ Σάμῳ τότε κρατήσαντες οἱ Ἀλκιβιάδου
φίλοι πέμπουσι Πείσανδρον εἰς ἄστυ, κινήσοντα τὴν πολιτείαν
καὶ παραθαρρυνοῦντα τοὺς δυνατοὺς τῶν πραγμάτων
ἀντιλαμβάνεσθαι καὶ καταλύειν τὸν δῆμον, ὡς
ἐπὶ τούτοις τοῦ Ἀλκιβιάδου Τισσαφέρνην αὐτοῖς φίλον
καὶ σύμμαχον παρέξοντος. αὕτη γὰρ ἦν πρόφασις καὶ
τοῦτο πρόσχημα τοῖς καθιστᾶσι τὴν ὀλιγαρχίαν. (2) ἐπεὶ
δ´ ἴσχυσαν καὶ παρέλαβον τὰ πράγματα, πεντακισχίλιοι
λεγόμενοι, τετρακόσιοι δ´ ὄντες, ἐλάχιστα τῷ Ἀλκιβιάδῃ
προσεῖχον ἤδη καὶ μαλακώτερον ἥπτοντο τοῦ πολέμου,
τὰ μὲν ἀπιστοῦντες ἔτι πρὸς τὴν μεταβολὴν ξενοπαθοῦσι
τοῖς πολίταις, τὰ δ´ οἰόμενοι μᾶλλον ἐνδώσειν αὐτοῖς
Λακεδαιμονίους, ἀεὶ πρὸς ὀλιγαρχίαν ἐπιτηδείως ἔχοντας.
ὁ μὲν οὖν κατὰ πόλιν δῆμος ἄκων ὑπὸ δέους ἡσυχίαν
ἦγε· καὶ γὰρ ἀπεσφάγησαν οὐκ ὀλίγοι τῶν ἐναντιουμένων
φανερῶς τοῖς τετρακοσίοις· (3) οἱ δ´ ἐν Σάμῳ ταῦτα
πυνθανόμενοι καὶ ἀγανακτοῦντες, ὥρμηντο πλεῖν εὐθὺς
ἐπὶ τὸν Πειραιᾶ, καὶ μεταπεμψάμενοι τὸν Ἀλκιβιάδην
καὶ στρατηγὸν ἀποδείξαντες ἐκέλευον ἡγεῖσθαι καὶ καταλύειν
τοὺς τυράννους. (4) ὁ δ´ οὐχ, οἷον ἄν τις ἄλλος ἐξαίφνης
χάριτι τῶν πολλῶν μέγας γεγονὼς ἔπαθε καὶ ἠγάπησε,
πάντα δεῖν εὐθὺς οἰόμενος χαρίζεσθαι καὶ μηδὲν ἀντιλέγειν
τοῖς ἐκ πλάνητος καὶ φυγάδος αὐτὸν ἄρτι νεῶν τοσούτων
καὶ στρατοπέδου καὶ δυνάμεως τηλικαύτης ἀποδείξασιν
ἡγεμόνα καὶ στρατηγόν, ἀλλ´ ὅπερ ἦν ἄρχοντι
μεγάλῳ προσῆκον, ἀνθίστασθαι φερομένοις ὑπ´ ὀργῆς,
κωλύσας ἐξαμαρτεῖν τότε γοῦν τῇ πόλει τὰ πράγματα
περιφανῶς ἔσωσεν. (5) εἰ γὰρ ἄραντες ἀπέπλευσαν οἴκαδε,
τοῖς μὲν πολεμίοις εὐθὺς ἔχειν ὑπῆρξεν Ἰωνίαν ἅπασαν
καὶ Ἑλλήσποντον ἀμαχεὶ καὶ τὰς νήσους, Ἀθηναίοις
δὲ πρὸς Ἀθηναίους μάχεσθαι, τὸν πόλεμον εἰς τὴν πόλιν
ἐμβαλόντας· ὃ μόνος ἢ μάλιστα μὴ γενέσθαι διεκώλυσεν
ὁ Ἀλκιβιάδης, οὐ μόνον πείθων καὶ διδάσκων τὸ
πλῆθος, ἀλλὰ καὶ καθ´ ἕνα τοὺς μὲν ἀντιβολῶν, τῶν δ´
ἐπιλαμβανόμενος. (6) συνέπραττε δ´ αὐτῷ καὶ Θρασύβουλος
ὁ Στειριεύς, ἅμα παρὼν καὶ κεκραγώς· ἦν γὰρ ὡς λέγεται
μεγαλοφωνότατος Ἀθηναίων· (7) ἐκεῖνό τε δὴ καλὸν
ἔργον τοῦ Ἀλκιβιάδου καὶ δεύτερον, ὅτι ὑποσχόμενος τὰς
Φοινίσσας ναῦς, ἃς προσεδέχοντο Λακεδαιμόνιοι βασιλέως
πέμψαντος, ἢ μεταστήσειν πρὸς αὐτούς, ἢ διαπράξεσθαι
μηδὲ πρὸς ἐκείνους κομισθῆναι, διὰ ταχέων ἐξέπλευσε.
(8) καὶ τὰς μὲν ναῦς ἐκφανείσας περὶ Ἄσπενδον
οὐκ ἤγαγεν ὁ Τισσαφέρνης, ἀλλ´ ἐψεύσατο τοὺς Λακεδαιμονίους,
τὴν δ´ αἰτίαν τοῦ ἀποστρέψαι παρ´ ἀμφοτέροις
ὁ Ἀλκιβιάδης εἶχε, καὶ μᾶλλον ἔτι παρὰ τοῖς Λακεδαιμονίοις,
ὡς διδάσκων τὸν βάρβαρον αὐτοὺς ὑφ´ ἑαυτῶν
περιορᾶν ἀπολλυμένους τοὺς Ἕλληνας. (9) οὐ γὰρ ἦν ἄδηλον,
ὅτι τοῖς ἑτέροις δύναμις τοσαύτη προσγενομένη τοὺς ἑτέρους
ἀφῃρεῖτο κομιδῇ τὸ κράτος τῆς θαλάττης.
| [26] (1) C'est alors que les amis d'Alcibiade, s'étant
imposés à Samos, envoient Pisandre à Athènes pour y
renverser le régime, encourager les gens compétents à se
charger des affaires et dissoudre la démocratie: car c'est à
ces conditions qu'Alcibiade fera de Tissapherne leur ami et
leur allié. - Tel était en effet le prétexte mis en avant
par ceux qui instituèrent l'oligarchie. (2) Mais dès que
furent au pouvoir et à la direction des affaires les
prétendus "Cinq Mille" (en fait, ils étaient quatre cents),
ils ne s'intéressèrent plus le moins du monde à Alcibiade.
Ils faisaient la guerre assez mollement, en partie parce
qu'ils se méfiaient des citoyens encore troublés par le
changement, en partie parce qu'ils croyaient que les
Lacédémoniens, toujours favorables à l'oligarchie, leur
accorderaient davantage. Dans toute l'étendue de la ville,
le peuple restait donc tranquille bien malgré lui, par
crainte: car nombre d'opposants déclarés avaient été égorgés
par les Quatre-Cents. (3) À cette nouvelle, ceux de Samos,
indignés, voulurent faire voile immédiatement sur le Pirée;
ayant fait venir Alcibiade, ils le nommèrent stratège,
l'invitèrent à prendre le commandement et à abattre les
tyrans. (4) Il ne réagit pas comme l'eût fait n'importe qui
d'autre devenu, grâce aux masses, tout à coup important et
ravi de l'être: un tel homme eût estimé devoir complaire
immédiatement en tout, sans nulle opposition, à ceux qui
avaient fait de lui, si récemment encore errant et proscrit,
leur commandant et leur stratège, maître de tant de
vaisseaux, d'un camp et de forces si imposantes: Alcibiade
réagit comme il convenait à un grand chef, il résista à ses
troupes emportées par la colère, les empêcha en tout cas de
commettre une erreur et, d'évidence, sauva alors les
affaires athéniennes. (5) En effet, s'ils avaient levé
l'ancre et fait voile vers leur patrie, il eût été facile
aux ennemis de tenir immédiatement toute l'Ionie,
l'Hellespont et les îles, sans combat, alors que des
Athéniens se battaient contre des Athéniens et faisaient
entrer la guerre dans la cité. C'est Alcibiade seul, ou
principalement, qui empêcha cette issue, non seulement en
persuadant et en instruisant la foule, mais en prenant même
les gens un à un, suppliant les uns, retenant les autres.
(6) Avec lui s'activait, à la fois présent et donnant de la
voix, Thrasybule du dème Steiria, lequel possédait, dit-on,
la plus forte voix d'Athènes. (7) Voici encore un beau geste
- le second - d'Alcibiade. Il avait promis que les navires
phéniciens envoyés par le Roi pour répondre à l'attente des
Lacédémoniens soit se détourneraient au profit des
Athéniens, soit qu'il ferait lui-même en sorte qu'ils ne
parviennent pas à l'adversaire. Il appareilla donc en toute
hâte. (8) Et Tissapherne ne convoya pas les vaisseaux
aperçus au large d'Aspendos, décevant ainsi les
Lacédémoniens. Dans les deux camps, et plus encore chez les
Lacédémoniens, c'est Alcibiade qu'on rendait responsable du
détournement de ces vaisseaux, vu qu'il apprenait au barbare
à regarder froidement les Grecs se détruire les uns par les
autres. (9) Nul doute en effet que celui des deux camps
auquel se seraient ajoutées de pareilles forces n'eût
totalement enlevé à l'autre l'empire de la mer.
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