[195] ἀσαφῆ (195a) δὲ καὶ οἱ τὰ ὑγρά· ὑπὸ γὰρ τοῦ συγχεῖσθαι ταχὺ
γίγνεται ἀμυδρά. ἐὰν δὲ πρὸς πᾶσι τούτοις ἐπ´ ἀλλήλων συμπεπτωκότα
ᾖ ὑπὸ στενοχωρίας, ἐάν του σμικρὸν ᾖ τὸ ψυχάριον,
ἔτι ἀσαφέστερα ἐκείνων. πάντες οὖν οὗτοι γίγνονται οἷοι
δοξάζειν ψευδῆ. ὅταν γάρ τι ὁρῶσιν ἢ ἀκούωσιν ἢ ἐπινοῶσιν,
ἕκαστα ἀπονέμειν ταχὺ ἑκάστοις οὐ δυνάμενοι βραδεῖς
τέ εἰσι καὶ ἀλλοτριονομοῦντες παρορῶσί τε καὶ παρακούουσι
καὶ παρανοοῦσι πλεῖστα, καὶ καλοῦνται αὖ οὗτοι ἐψευσμένοι
τε δὴ τῶν ὄντων καὶ ἀμαθεῖς.
(195b) (ΘΕΑΙ.) Ὀρθότατα ἀνθρώπων λέγεις, ὦ Σώκρατες.
(ΣΩ.) Φῶμεν ἄρα ἐν ἡμῖν ψευδεῖς δόξας εἶναι;
(ΘΕΑΙ.) Σφόδρα γε.
(ΣΩ.) Καὶ ἀληθεῖς δή;
(ΘΕΑΙ.) Καὶ ἀληθεῖς.
(ΣΩ.) Ἤδη οὖν οἰόμεθα ἱκανῶς ὡμολογῆσθαι ὅτι παντὸς
μᾶλλον ἐστὸν ἀμφοτέρα τούτω τὼ δόξα;
(ΘΕΑΙ.) Ὑπερφυῶς μὲν οὖν.
(ΣΩ.) Δεινόν τε, ὦ Θεαίτητε, ὡς ἀληθῶς κινδυνεύει καὶ
ἀηδὲς εἶναι ἀνὴρ ἀδολέσχης.
(ΘΕΑΙ.) Τί δέ; πρὸς τί τοῦτ´ εἶπες;
(195c) (ΣΩ.) Τὴν ἐμαυτοῦ δυσμαθίαν δυσχεράνας καὶ ὡς ἀληθῶς
ἀδολεσχίαν. τί γὰρ ἄν τις ἄλλο θεῖτο ὄνομα, ὅταν ἄνω
κάτω τοὺς λόγους ἕλκῃ τις ὑπὸ νωθείας οὐ δυνάμενος
πεισθῆναι, καὶ ᾖ δυσαπάλλακτος ἀφ´ ἑκάστου λόγου;
(ΘΕΑΙ.) Σὺ δὲ δὴ τί δυσχεραίνεις;
(ΣΩ.) Οὐ δυσχεραίνω μόνον ἀλλὰ καὶ δέδοικα ὅτι ἀποκρινοῦμαι
ἄν τις ἔρηταί με· "Ὦ Σώκρατες, ηὕρηκας δὴ ψευδῆ
δόξαν, ὅτι οὔτε ἐν ταῖς αἰσθήσεσίν ἐστι πρὸς ἀλλήλας οὔτ´
(195d) ἐν ταῖς διανοίαις ἀλλ´ ἐν τῇ συνάψει αἰσθήσεως πρὸς
διάνοιαν;" φήσω δὲ ἐγὼ οἶμαι καλλωπιζόμενος ὥς τι
ηὑρηκότων ἡμῶν καλόν.
(ΘΕΑΙ.) Ἔμοιγε δοκεῖ, ὦ Σώκρατες, οὐκ αἰσχρὸν εἶναι τὸ
νῦν ἀποδεδειγμένον.
(ΣΩ.) "Οὐκοῦν," φησί, "λέγεις ὅτι αὖ τὸν ἄνθρωπον
ὃν διανοούμεθα μόνον, ὁρῶμεν δ´ οὔ, ἵππον οὐκ ἄν ποτε
οἰηθείημεν εἶναι, ὃν αὖ οὔτε ὁρῶμεν οὔτε ἁπτόμεθα, διανοούμεθα
δὲ μόνον καὶ ἄλλ´ οὐδὲν αἰσθανόμεθα περὶ αὐτοῦ;"
ταῦτα οἶμαι φήσω λέγειν.
(ΘΕΑΙ.) Καὶ ὀρθῶς γε.
(195e) (ΣΩ.) "Τί οὖν," φησί, "τὰ ἕνδεκα ἃ μηδὲν ἄλλο ἢ διανοεῖταί
τις, ἄλλο τι ἐκ τούτου τοῦ λόγου οὐκ ἄν ποτε οἰηθείη
δώδεκα εἶναι ἃ μόνον αὖ διανοεῖται;" ἴθι οὖν δή, σὺ ἀποκρίνου.
(ΘΕΑΙ.) Ἀλλ´ ἀποκρινοῦμαι ὅτι ὁρῶν μὲν ἄν τις ἢ ἐφαπτόμενος
οἰηθείη τὰ ἕνδεκα δώδεκα εἶναι, ἃ μέντοι ἐν τῇ διανοίᾳ
ἔχει, οὐκ ἄν ποτε περὶ αὐτῶν ταῦτα δοξάσειεν οὕτως.
| [195] et indistinctes encore quand la cire est humide, car elles se fondent ensemble
et deviennent vite confuses.
Mais si, outre tout cela, elles s’accumulent les unes sur les autres, faute de
place, dans quelque âme petite, elles sont plus indistinctes encore. Tous ces
gens-là sont dès lors sujets à juger faux. Car lorsqu’ils voient ou entendent ou
conçoivent quelque chose, ils sont incapables d’assigner chaque chose à son
empreinte, ils sont lents, prennent une chose pour une autre et, la plupart du
temps, ils voient, entendent et pensent de travers. Aussi dit-on d’eux qu’ils se
trompent sur les réalités et sont des ignorants.
(THÉÉTÈTE)
On ne peut rien dire de plus juste, Socrate.
(SOCRATE)
Alors, affirmerons-nous qu’il y a en nous des opinions fausses ?
(THÉÉTÈTE)
Certainement.
(SOCRATE)
Et des vraies aussi ?
(THÉÉTÈTE)
Des vraies aussi.
(SOCRATE)
Nous tenons donc à présent pour un point suffisamment décidé que ces deux sortes
d’opinion existent certainement ?
(THÉÉTÈTE)
Oui, parfaitement décidé.
(SOCRATE)
XXXV. — En vérité, Théétète, il y a des chances qu’un bavard soit une créature
étrange et déplaisante.
(THÉÉTÈTE)
Pourquoi ? A quel propos dis-tu cela ?
(SOCRATE)
C’est que je suis fâché d’être rétif à comprendre et d’être un véritable
babillard. Car de quel autre terme se servir à l’égard d’un homme qui tiraille
les arguments dans tous les sens et qui a peine à en finir avec chacun d’eux ?
(THÉÉTÈTE)
Mais toi-même, de quoi es-tu fâché ?
(SOCRATE)
Je ne suis pas seulement fâché : je crains encore de ne savoir que répondre, si
quelqu’un me demande : « Tu as donc découvert, Socrate, que l’opinion fausse ne
se rencontre ni dans les rapports naturels des sensations, ni dans les pensées,
mais dans l’ajustement de la sensation à la pensée ? » Je répondrai oui, je
présume, et je m’applaudirai de cela comme d’une belle découverte.
(THÉÉTÈTE)
Il me semble à moi, Socrate, qu’il n’y a pas lieu de rougir de la démonstration
qui vient d’être faite.
(SOCRATE)
« Ainsi, poursuivra-t-il, tu prétends que jamais nous ne pouvons penser qu’un
homme auquel nous pensons simplement, sans le voir, est un cheval que nous ne
voyons ni ne touchons pas non plus, mais auquel nous pensons simplement sans
avoir de lui aucune sensation ? » Je dirai, je pense, que c’est bien cela que je
prétends.
(THÉÉTÈTE)
Et tu auras raison.
(SOCRATE)
« Mais alors, dira-t-il, ne suit-il pas de là qu’on ne prendra jamais le nombre
onze, qui n’est conçu que par la pensée pour le nombre douze, qui, lui aussi,
n’est conçu que par la pensée ? » Allons maintenant, c’est à toi de répondre.
(THÉÉTÈTE)
Eh bien, ma réponse sera qu’à l’égard des objets qu’on voit ou qu’on touche, on
peut confondre onze avec douze, mais que pour les nombres, qui sont dans la
pensée, on ne saurait jamais en avoir cette opinion.
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