[179] ἢ οὐδείς γ´ ἂν αὐτῷ διελέγετο (179a) διδοὺς πολὺ ἀργύριον,
εἰ μὴ τοὺς συνόντας ἔπειθεν ὅτι καὶ τὸ μέλλον ἔσεσθαί τε καὶ δόξειν
οὔτε μάντις οὔτε τις ἄλλος ἄμεινον κρίνειεν ἂν ἢ αὐτός {αὑτῷ}.
(ΘΕΟ.) Ἀληθέστατα.
(ΣΩ.) Οὐκοῦν καὶ αἱ νομοθεσίαι καὶ τὸ ὠφέλιμον περὶ
τὸ μέλλον ἐστί, καὶ πᾶς ἂν ὁμολογοῖ νομοθετουμένην
πόλιν πολλάκις ἀνάγκην εἶναι τοῦ ὠφελιμωτάτου ἀποτυγχάνειν;
(ΘΕΟ.) Μάλα γε.
(ΣΩ.) Μετρίως ἄρα ἡμῖν πρὸς τὸν διδάσκαλόν σου εἰρήσεται
(179b) ὅτι ἀνάγκη αὐτῷ ὁμολογεῖν σοφώτερόν τε ἄλλον
ἄλλου εἶναι καὶ τὸν μὲν τοιοῦτον μέτρον εἶναι, ἐμοὶ δὲ τῷ
ἀνεπιστήμονι μηδὲ ὁπωστιοῦν ἀνάγκην εἶναι μέτρῳ γίγνεσθαι,
ὡς ἄρτι με ἠνάγκαζεν ὁ ὑπὲρ ἐκείνου λόγος, εἴτ´ ἐβουλόμην
εἴτε μή, τοιοῦτον εἶναι.
(ΘΕΟ.) Ἐκείνῃ μοι δοκεῖ, ὦ Σώκρατες, μάλιστα ἁλίσκεσθαι
ὁ λόγος, ἁλισκόμενος καὶ ταύτῃ, ᾗ τὰς τῶν ἄλλων
δόξας κυρίας ποιεῖ, αὗται δὲ ἐφάνησαν τοὺς ἐκείνου λόγους
οὐδαμῇ ἀληθεῖς ἡγούμεναι.
(179c) (ΣΩ.) Πολλαχῇ, ὦ Θεόδωρε, καὶ ἄλλῃ ἂν τό γε τοιοῦτον
ἁλοίη μὴ πᾶσαν παντὸς ἀληθῆ δόξαν εἶναι· περὶ δὲ τὸ
παρὸν ἑκάστῳ πάθος, ἐξ ὧν αἱ αἰσθήσεις καὶ αἱ κατὰ ταύτας
δόξαι γίγνονται, χαλεπώτερον ἑλεῖν ὡς οὐκ ἀληθεῖς. ἴσως
δὲ οὐδὲν λέγω· ἀνάλωτοι γάρ, εἰ ἔτυχον, εἰσίν, καὶ οἱ
φάσκοντες αὐτὰς ἐναργεῖς τε εἶναι καὶ ἐπιστήμας τάχα ἂν
ὄντα λέγοιεν, καὶ Θεαίτητος ὅδε οὐκ ἀπὸ σκοποῦ εἴρηκεν
(179d) αἴσθησιν καὶ ἐπιστήμην ταὐτὸν θέμενος. προσιτέον οὖν
ἐγγυτέρω, ὡς ὁ ὑπὲρ Πρωταγόρου λόγος ἐπέταττε, καὶ σκεπτέον
τὴν φερομένην ταύτην οὐσίαν διακρούοντα εἴτε ὑγιὲς εἴτε
σαθρὸν φθέγγεται· μάχη δ´ οὖν περὶ αὐτῆς οὐ φαύλη οὐδ´
ὀλίγοις γέγονεν.
(ΘΕΟ.) Πολλοῦ καὶ δεῖ φαύλη εἶναι, ἀλλὰ περὶ μὲν τὴν
Ἰωνίαν καὶ ἐπιδίδωσι πάμπολυ. οἱ γὰρ τοῦ Ἡρακλείτου
ἑταῖροι χορηγοῦσι τούτου τοῦ λόγου μάλα ἐρρωμένως.
(ΣΩ.) Τῷ τοι, ὦ φίλε Θεόδωρε, μᾶλλον σκεπτέον καὶ ἐξ
(179e) ἀρχῆς, ὥσπερ αὐτοὶ ὑποτείνονται.
(ΘΕΟ.) Παντάπασι μὲν οὖν. καὶ γάρ, ὦ Σώκρατες, περὶ
τούτων τῶν Ἡρακλειτείων ἤ, ὥσπερ σὺ λέγεις, Ὁμηρείων
καὶ ἔτι παλαιοτέρων, αὐτοῖς μὲν τοῖς περὶ τὴν Ἔφεσον, ὅσοι
προσποιοῦνται ἔμπειροι, οὐδὲν μᾶλλον οἷόν τε διαλεχθῆναι
ἢ τοῖς οἰστρῶσιν. ἀτεχνῶς γὰρ κατὰ τὰ συγγράμματα φέρονται,
| [179] Autrement personne ne lui aurait donné de grosses sommes pour prendre
ses leçons, s’il n’eût pas persuadé à ses élèves que, même sur ce qui devait être
et paraître dans l’avenir, ni devin ni personne n’en pouvait mieux juger
qu’il n’en jugeait lui-même.
(THÉODORE)
Rien n’est plus vrai.
(SOCRATE)
Mais la législation et l’utilité n’ont-elles pas aussi pour objet l’avenir ? Et
tout le monde n’avouera-t-il pas que, lorsqu’un Etat se donne des lois, il se
trompera forcément plus d’une fois sur ce qui est le plus avantageux ?
(THÉODORE)
Certainement.
(SOCRATE)
Nous ne manquerons donc pas de mesure si nous disons à ton maître qu’il est
obligé de reconnaître qu’un homme est plus sage qu’un autre et que c’est le plus
sage qui est mesure, mais que moi, qui suis un ignorant, je ne suis en aucune
manière obligé d’être mesure, comme le discours que j’ai tenu en sa faveur me
réduisait à l’être, en dépit que j’en eusse.
(THÉODORE)
C’est par là, ce semble, Socrate, que la thèse offre le plus de prise ; elle
offre également prise par la valeur qu’elle donne aux opinions des autres, alors
que ces opinions, nous l’avons vu, ne reconnaissent aucune vérité dans les
assertions de Protagoras.
(SOCRATE)
Il y a, Théodore, plusieurs autres raisons par lesquelles on pourrait prouver
que toutes les opinions des hommes ne sont pas vraies. Mais, s’il s’agit des
impressions présentes de chacun, qui sont la source des sensations et des
opinions qui en dérivent, il est plus malaisé de prouver qu’elles ne sont pas
vraies. Mais peut-être ai-je tort de dire malaisé ; car elles sont peut-être
inattaquables et ceux qui soutiennent qu’elles sont évidentes et qu’elles sont
des sciences disent peut-être la vérité, et Théétète ici présent n’a pas parlé
hors de propos, quand il a avancé que la sensation et la science sont une même
chose. Il faut donc serrer la question de plus près, comme le prescrivait notre
plaidoyer pour Protagoras, et examiner cette mouvante réalité et frapper sur
elle, pour savoir si elle rend un son plein ou fêlé. La bataille engagée sur
elle n’est pas de peu d’importance et n’a pas mobilisé peu de combattants.
(THÉODORE)
XXVII. — Il s’en faut de beaucoup qu’elle soit sans importance ; en Ionie, au
contraire, elle prend des proportions considérables. Car les partisans
d’Héraclite mènent la lutte pour sa doctrine avec une grande vigueur.
(SOCRATE)
Raison de plus pour nous, mon cher Théodore, d’en reprendre l’examen dès le
début, comme ils nous la présentent.
(THÉODORE)
C’est absolument ce qu’il faut faire ; car de discuter, Socrate, sur ces
doctrines d’Heraclite, ou, comme tu dis, d’Homère, ou de sages encore plus
anciens, avec les gens mêmes d’Ephèse qui se donnent pour habiles, c’est
tout aussi impossible que de discuter avec des furieux. On peut dire en effet
qu’ils sont, à l’unisson de leurs écrits, en perpétuel mouvement.
|