[1,15] XV.
(647e) (Ἀθηναῖος)
τί οὖν; φόβου φάρμακον ἔσθ' ὅστις θεὸς ἔδωκεν ἀνθρώποις, ὥστε ὁπόσῳ πλέον
ἂν ἐθέλῃ τις πίνειν αὐτοῦ, τοσούτῳ μᾶλλον αὐτὸν νομίζειν καθ' ἑκάστην πόσιν
δυστυχῆ γίγνεσθαι, καὶ φοβεῖσθαι τὰ παρόντα καὶ τὰ μέλλοντα αὑτῷ (648a)
πάντα, καὶ τελευτῶντα εἰς πᾶν δέος ἰέναι τὸν ἀνδρειότατον ἀνθρώπων,
ἐκκοιμηθέντα δὲ καὶ τοῦ πώματος ἀπαλλαγέντα πάλιν ἑκάστοτε τὸν αὐτὸν
γίγνεσθαι.
(Κλεινίας) καὶ τί τοιοῦτον φαῖμεν ἄν, ὦ ξένε, ἐν ἀνθρώποις γεγονέναι πῶμα;
(Ἀθηναῖος)
οὐδέν· εἰ δ' οὖν ἐγένετό ποθεν, ἔσθ' ὅτι πρὸς ἀνδρείαν ἦν ἂν νομοθέτῃ χρήσιμον;
οἷον τὸ τοιόνδε περὶ αὐτοῦ καὶ μάλα εἴχομεν ἂν αὐτῷ διαλέγεσθαι· φέρε, ὦ
νομοθέτα, εἴτε Κρησὶν εἴθ' οἱστισινοῦν νομοθετεῖς, πρῶτον (648b) μὲν τῶν
πολιτῶν ἆρ' ἂν δέξαιο βάσανον δυνατὸς εἶναι λαμβάνειν ἀνδρείας τε πέρι καὶ
δειλίας;
(Κλεινίας) φαίη που πᾶς ἂν δῆλον ὅτι.
(Ἀθηναῖος) τί δέ; μετ' ἀσφαλείας καὶ ἄνευ κινδύνων μεγάλων ἢ μετὰ τῶν ἐναντίων;
(Κλεινίας) καὶ τοῦτο μετὰ τῆς ἀσφαλείας συνομολογήσει πᾶς.
(Ἀθηναῖος)
χρῷο δ' ἂν εἰς τοὺς φόβους τούτους ἄγων καὶ ἐλέγχων ἐν τοῖς παθήμασιν, ὥστε
ἀναγκάζειν ἄφοβον γίγνεσθαι, (648c) παρακελευόμενος καὶ νουθετῶν καὶ τιμῶν,
τὸν δὲ ἀτιμάζων, ὅστις σοι μὴ πείθοιτο εἶναι τοιοῦτος οἷον σὺ τάττοις ἐν πᾶσιν;
καὶ γυμνασάμενον μὲν εὖ καὶ ἀνδρείως ἀζήμιον ἀπαλλάττοις ἄν, κακῶς δέ,
ζημίαν ἐπιτιθείς; ἢ τὸ παράπαν οὐκ ἂν χρῷο, μηδὲν ἄλλο ἐγκαλῶν τῷ πώματι;
(Κλεινίας) καὶ πῶς οὐκ ἂν χρῷτο, ὦ ξένε;
(Ἀθηναῖος)
γυμνασία γοῦν, ὦ φίλε, παρὰ τὰ νῦν θαυμαστὴ ῥᾳστώνης ἂν εἴη καθ' ἕνα καὶ
κατ' ὀλίγους καὶ καθ' ὁπόσους (648d) τις ἀεὶ βούλοιτο· καὶ εἴτε τις ἄρα μόνος ἐν
ἐρημίᾳ, τὸ τῆς αἰσχύνης ἐπίπροσθεν ποιούμενος, πρὶν εὖ σχεῖν ἡγούμενος
ὁρᾶσθαι μὴ δεῖν, οὕτω πρὸς τοὺς φόβους γυμνάζοιτο, πῶμα μόνον ἀντὶ μυρίων
πραγμάτων παρασκευαζόμενος, ὀρθῶς ἄν τι πράττοι, εἴτε τις ἑαυτῷ πιστεύων
φύσει καὶ μελέτῃ καλῶς παρεσκευάσθαι, μηδὲν ὀκνοῖ μετὰ συμποτῶν πλειόνων
γυμναζόμενος ἐπιδείκνυσθαι τὴν ἐν τῇ τοῦ πώματος ἀναγκαίᾳ (648e) διαφορᾷ
δύναμιν ὑπερθέων καὶ κρατῶν, ὥστε ὑπ' ἀσχημοσύνης μηδὲ ἓν σφάλλεσθαι
μέγα μηδ' ἀλλοιοῦσθαι δι' ἀρετήν, πρὸς δὲ τὴν ἐσχάτην πόσιν ἀπαλλάττοιτο
πρὶν ἀφικνεῖσθαι, τὴν πάντων ἧτταν φοβούμενος ἀνθρώπων τοῦ πώματος.
(Κλεινίας) ναί· σωφρονοῖ γὰρ <ἄν>, ὦ ξένε, καὶ ὁ τοιοῦτος οὕτω πράττων.
(649a) (Ἀθηναῖος)
πάλιν δὴ πρὸς τὸν νομοθέτην λέγωμεν τάδε· εἶεν, ὦ νομοθέτα, τοῦ μὲν δὴ φόβου
σχεδὸν οὔτε θεὸς ἔδωκεν ἀνθρώποις τοιοῦτον φάρμακον οὔτε αὐτοὶ
μεμηχανήμεθα-- τοὺς γὰρ γόητας οὐκ ἐν θοίνῃ λέγω--τῆς δὲ ἀφοβίας καὶ τοῦ
λίαν θαρρεῖν καὶ ἀκαίρως ἃ μὴ χρή, πότερον ἔστιν πῶμα, ἢ πῶς λέγομεν;
(Κλεινίας) ἔστιν, φήσει που, τὸν οἶνον φράζων.
(Ἀθηναῖος)
ἦ καὶ τοὐναντίον ἔχει τοῦτο τῷ νυνδὴ λεγομένῳ; πιόντα τὸν ἄνθρωπον αὐτὸν
αὑτοῦ ποιεῖ πρῶτον ἵλεων εὐθὺς (649b) μᾶλλον ἢ πρότερον, καὶ ὁπόσῳ ἂν πλέον
αὐτοῦ γεύηται, τοσούτῳ πλειόνων ἐλπίδων ἀγαθῶν πληροῦσθαι καὶ δυνάμεως
εἰς δόξαν; καὶ τελευτῶν δὴ πάσης ὁ τοιοῦτος παρρησίας ὡς σοφὸς ὢν μεστοῦται
καὶ ἐλευθερίας, πάσης δὲ ἀφοβίας, ὥστε εἰπεῖν τε ἀόκνως ὁτιοῦν, ὡσαύτως δὲ καὶ
πρᾶξαι;
(Κλεινίας) πᾶς ἡμῖν, οἶμαι, ταῦτ' ἂν συγχωροῖ.
(Μέγιλλος) τί μήν;
| [1,15] XV.
(L'ATHÉNIEN)
Mais quoi ? Y a-t-il un dieu qui ait donné aux hommes un breuvage propre à inspirer la crainte, en
sorte que, plus on en prend pour en boire, plus, à chaque gorgée, on se sent malheureux et rempli de
crainte pour le présent et pour l'avenir, si bien qu'on finit par s'effrayer de tout, fût-on le plus
courageux des hommes, et que cependant, quand on a dormi et cuvé ce qu'on a bu, on redevient
chaque fois tel qu'on était avant ?
(CLINIAS) Y a-t-il jamais eu au monde un breuvage de cette nature, étranger ?
(L'ATHÉNIEN)
Jamais ; mais s'il y en avait un quelque part, le législateur ne s'en servirait-il pas utilement pour
inspirer le courage, et n'aurions-nous pas sujet de lui dire à propos de ce breuvage : "Voyons,
législateur, quels que soient ceux pour qui tu légifères, Crétois ou autres, est-ce qu'avant tout tu ne
souhaiterais pas de pouvoir soumettre à l'épreuve le courage et la lâcheté de tes citoyens ?"
(CLINIAS) Il est évident que personne ne répondrait non.
(L'ATHÉNIEN)
Et de faire cette épreuve en toute sûreté, sans grands dangers, ou dans des conditions contraires ?
(CLINIAS) En toute sûreté : c'est point sur lequel tout le monde sera d'accord.
(L'ATHÉNIEN)
Et ne te servirais-tu pas de ce breuvage pour les jeter dans ces craintes et reconnaître dans cette
épreuve leurs caractères, et pour les forcer ainsi à devenir intrépides en les encourageant, les
admonestant, les récompensant, en couvrant au contraire d'opprobre quiconque rejetterait tes
conseils et ne deviendrait pas en tout point tel que tu l'ordonnerais, en laissant aller sans le punir celui
qui se serait bien et bravement exercé, et en punissant celui qui se serait mal exercé ? Ou bien
refuserais-tu absolument d'employer ce breuvage, sans avoir d'ailleurs rien à objecter contre lui ?
(CLINIAS) Comment pourrait-on refuser, étranger ?
(L'ATHÉNIEN)
Il est certain, mon ami, que cette épreuve serait d'une merveilleuse facilité en comparaison de celles
d'aujourd'hui, soit qu'on la fît seul, ou avec quelques personnes ou avec autant de gens qu'on
voudrait. Si, par égard pour la pudeur, et parce qu'il pense qu'il ne doit d pas se laisser voir avant
d'être en bon état, un homme voulait s'exercer tout seul dans la solitude contre la crainte, il ferait bien
de prendre ce breuvage, au lieu de cent autres remèdes. Il en serait de même si, se croyant en bonne
forme grâce à son naturel et à l'exercice, il n'hésitait pas à s'entraîner avec plusieurs convives et à
faire voir qu'il surmonte et domine assez la force qu'a nécessairement le breuvage, pour ne pas
commettre une seule faute importante par indécence, et pour se préserver, grâce à sa vertu, de toute
altération, et pour se retirer, avant d'arriver à l'ivresse extrême, redoutant les effets de ce breuvage,
capable de terrasser tous les hommes.
(CLINIAS) Oui, étranger, un tel homme serait sage d'agir ainsi.
(L'ATHÉNIEN)
Revenons à notre législateur et disons-lui : "Il est vrai, législateur, qu'un dieu n'a pas donné aux
hommes un tel remède contre la crainte et que nous n'en avons pas imaginé nous-mêmes ; car je ne
mets pas les enchanteurs en ligne de compte. Mais n'avons-nous pas un breuvage qui inspire
l'intrépidité et une confiance téméraire et hors de raison ?" Qu'en dirons-nous?
(CLINIAS) Nous en avons un, répondra-t-il : c'est le vin.
(L'ATHÉNIEN)
N'a-t-il pas une vertu opposée à celui dont nous venons de parler, qui rend tout de suite l'homme qui
en a bu plus gai qu'il n'était avant ; qui fait que, plus il y goûte, plus il se remplit de belles espérances
et de l'idée de sa puissance ; qui à la fin le fait parler avec une franchise et une liberté entière, dans la
persuasion qu'il est sage, et qui lui ôte toute espèce de crainte, au point qu'il n'hésite pas à dire ni à
faire tout ce qui lui passe par la tête !
(CLINIAS) Je pense que tout le monde en conviendra avec nous.
(MÉGILLOS) Sans contredit.
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