HODOI ELEKTRONIKAI
Du texte à l'hypertexte

Platon, Les Lois, livre I

Chapitre 10

  Chapitre 10

[1,10] X. (Ἀθηναῖος) δοκοῦσί μοι πάντες οἱ λόγῳ τι λαβόντες ἐπιτήδευμα, καὶ προθέμενοι ψέγειν αὐτὸ ἐπαινεῖν εὐθὺς ῥηθέν, οὐδαμῶς δρᾶν κατὰ τρόπον, ἀλλὰ ταὐτὸν ποιεῖν οἷον εἰ δή τις, ἐπαινέσαντός τινος πυροὺς βρῶμα ὡς ἀγαθόν, εὐθὺς ψέγοι, μὴ διαπυθόμενος αὐτοῦ μήτε τὴν ἐργασίαν μήτε τὴν προσφοράν, ὅντινα τρόπον καὶ οἷστισι καὶ μεθ' ὧν καὶ ὅπως ἔχοντα καὶ ὅπως προσφέρειν ἔχουσιν. νῦν δὴ ταὐτόν μοι (638d) δοκοῦμεν ἡμεῖς ἐν τοῖς λόγοις ποιεῖν· περὶ μέθης γὰρ ἀκούσαντες τοσοῦτον μόνον, εὐθὺς οἱ μὲν ψέγειν αὐτό, οἱ δ' ἐπαινεῖν, καὶ μάλα ἀτόπως. μάρτυσιν γὰρ καὶ ἐπαινέταις χρώμενοι ἐπαινοῦμεν ἑκάτεροι, καὶ οἱ μέν, ὅτι πολλοὺς παρεχόμεθα, ἀξιοῦμέν τι λέγειν κύριον, οἱ δέ, ὅτι τοὺς μὴ χρωμένους αὐτῷ ὁρῶμεν νικῶντας μαχομένους· ἀμφισβητεῖται δ' αὖ καὶ τοῦτο ἡμῖν. εἰ μὲν δὴ καὶ περὶ ἑκάστων (638e) οὕτω καὶ τῶν ἄλλων νομίμων διέξιμεν, οὐκ ἂν ἔμοιγε κατὰ νοῦν εἴη, τρόπον δὲ ἄλλον, ὃν ἐμοὶ φαίνεται δεῖν, ἐθέλω λέγειν περὶ αὐτοῦ τούτου, τῆς μέθης, πειρώμενος ἂν ἄρα δύνωμαι τὴν περὶ ἁπάντων τῶν τοιούτων ὀρθὴν μέθοδον ἡμῖν δηλοῦν, ἐπειδὴ καὶ μυρία ἐπὶ μυρίοις ἔθνη περὶ αὐτῶν ἀμφισβητοῦντα ὑμῖν πόλεσι δυοῖν τῷ λόγῳ διαμάχοιτ' ἄν. (Μέγιλλος) καὶ μὴν εἴ τινα ἔχομεν ὀρθὴν σκέψιν τῶν τοιούτων, (639a) οὐκ ἀποκνητέον ἀκούειν. (Ἀθηναῖος) σκεψώμεθα δή πῃ τῇδε. φέρε, εἴ τις αἰγῶν τροφήν, καὶ τὸ ζῷον αὐτὸ κτῆμα ὡς ἔστιν καλόν, ἐπαινοῖ, ἄλλος δέ τις ἑωρακὼς αἶγας χωρὶς νεμομένας αἰπόλου ἐν ἐργασίμοις χωρίοις δρώσας κακὰ διαψέγοι, καὶ πᾶν θρέμμα ἄναρχον μετὰ κακῶν ἀρχόντων ἰδὼν οὕτω μέμφοιτο, τὸν τοῦ τοιούτου ψόγον ἡγούμεθα ὑγιὲς ἄν ποτε ψέξαι καὶ ὁτιοῦν; (Μέγιλλος) καὶ πῶς; (Ἀθηναῖος) χρηστὸς δὲ ἄρχων ἔσθ' ἡμῖν ἐν πλοίοις πότερον ἐὰν (639b) τὴν ναυτικὴν ἔχῃ ἐπιστήμην μόνον, ἄντ' οὖν ναυτιᾷ ἄντε μή, πῶς ἂν λέγοιμεν; (Μέγιλλος) οὐδαμῶς, ἄν γε πρὸς τῇ τέχνῃ ἔχῃ καὶ τοῦτο τὸ πάθος λέγεις. (Ἀθηναῖος) τί δ' ἄρχων στρατοπέδων; ἆρ' ἐὰν τὴν πολεμικὴν ἔχῃ ἐπιστήμην, ἱκανὸς ἄρχειν, κἂν δειλὸς ὢν ἐν τοῖς δεινοῖς ὑπὸ μέθης τοῦ φόβου ναυτιᾷ; (Μέγιλλος) καὶ πῶς; (Ἀθηναῖος) ἂν δὲ αὖ μήτε ἔχῃ τὴν τέχνην δειλός τε ; (Μέγιλλος) παντάπασίν τινα πονηρὸν λέγεις, καὶ οὐδαμῶς ἀνδρῶν ἄρχοντα ἀλλά τινων σφόδρα γυναικῶν. (639c) (Ἀθηναῖος) τί δ' ἐπαινέτην ψέκτην κοινωνίας ἡστινοσοῦν πέφυκέν τε ἄρχων εἶναι μετ' ἐκείνου τε ὠφέλιμός ἐστιν, δὲ μήτε ἑωρακὼς εἴη ποτ' ὀρθῶς αὐτὴν αὑτῇ κοινωνοῦσαν μετ' ἄρχοντος, ἀεὶ δὲ ἄναρχον μετὰ κακῶν ἀρχόντων συνοῦσαν; οἰόμεθα δή ποτε τοὺς τοιούτους θεωροὺς τῶν τοιούτων κοινωνιῶν χρηστόν τι ψέξειν ἐπαινέσεσθαι; (Μέγιλλος) πῶς δ' ἄν, μηδέποτέ γε ἰδόντας μηδὲ συγγενομένους (639d) ὀρθῶς γενομένῳ μηδενὶ τῶν τοιούτων κοινωνημάτων; (Ἀθηναῖος) ἔχε δή· τῶν πολλῶν κοινωνιῶν συμπότας καὶ συμπόσια θεῖμεν ἂν μίαν τινὰ συνουσίαν εἶναι; (Μέγιλλος) καὶ σφόδρα γε. (Ἀθηναῖος) ταύτην οὖν μῶν ὀρθῶς γιγνομένην ἤδη τις πώποτε ἐθεάσατο; καὶ σφῷν μὲν ἀποκρίνασθαι ῥᾴδιον ὡς οὐδεπώποτε τὸ παράπαν--οὐ γὰρ ἐπιχώριον ὑμῖν τοῦτο οὐδὲ νόμιμον--ἐγὼ δὲ ἐντετύχηκά τε πολλαῖς καὶ πολλαχοῦ, καὶ προσέτι πάσας ὡς ἔπος εἰπεῖν διηρώτηκα, καὶ σχεδὸν ὅλην (639e) μὲν οὐδεμίαν ὀρθῶς γιγνομένην ἑώρακα οὐδὲ ἀκήκοα, μόρια δ' εἴ που σμικρὰ καὶ ὀλίγα, τὰ πολλὰ δὲ σύμπανθ' ὡς εἰπεῖν διημαρτημένα. (Κλεινίας) πῶς δὴ ταῦτα, ξένε, λέγεις; εἰπὲ ἔτι σαφέστερον· ἡμεῖς μὲν γάρ, ὅπερ εἶπες, ἀπειρίᾳ τῶν τοιούτων, οὐδὲ ἐντυγχάνοντες (640a) ἂν ἴσως εὐθύς γε γνοῖμεν τό τε ὀρθὸν καὶ μὴ γιγνόμενον ἐν αὐτοῖς. (Ἀθηναῖος) εἰκὸς λέγεις· ἀλλ' ἐμοῦ φράζοντος πειρῶ μανθάνειν. τὸ μὲν γὰρ ἐν πάσαις τε συνόδοις, καὶ κοινωνίαις πράξεων ὡντινωνοῦν, ὡς ὀρθὸν πανταχοῦ ἑκάστοις ἄρχοντα εἶναι, μανθάνεις; (Κλεινίας) πῶς γὰρ οὔ; (Ἀθηναῖος) καὶ μὴν ἐλέγομεν νυνδὴ μαχομένων ὡς ἀνδρεῖον δεῖ τὸν ἄρχοντ' εἶναι. (Κλεινίας) πῶς δ' οὔ; (Ἀθηναῖος) μὴν ἀνδρεῖος τῶν δειλῶν ὑπὸ φόβων ἧττον τεθορύβηται. (640b) (Κλεινίας) καὶ τοῦτο οὕτως. (Ἀθηναῖος) εἰ δ' ἦν τις μηχανὴ μηδὲν τὸ παράπαν δεδιότα μηδὲ θορυβούμενον ἐπιστῆσαι στρατοπέδῳ στρατηγόν, ἆρ' οὐ τοῦτ' ἂν παντὶ τρόπῳ ἐπράττομεν; (Κλεινίας) σφόδρα μὲν οὖν. (Ἀθηναῖος) νῦν δέ γε οὐ στρατοπέδου περὶ λέγομεν ἄρξοντος ἐν ἀνδρῶν ὁμιλίαις ἐχθρῶν ἐχθροῖς μετὰ πολέμου, φίλων δ' ἐν εἰρήνῃ πρὸς φίλους κοινωνησόντων φιλοφροσύνης. (Κλεινίας) ὀρθῶς. (640c) (Ἀθηναῖος) ἔστιν δέ γε τοιαύτη συνουσία, εἴπερ ἔσται μετὰ μέθης, οὐκ ἀθόρυβος. γάρ; (Κλεινίας) πῶς γάρ; ἀλλ' οἶμαι πᾶν τοὐναντίον. (Ἀθηναῖος) οὐκοῦν πρῶτον μὲν καὶ τούτοις ἄρχοντος δεῖ; (Κλεινίας) τί μήν; ὡς οὐδενί γε πράγματι. (Ἀθηναῖος) πότερον οὖν ἀθόρυβον, εἰ δυνατὸν εἴη, τὸν τοιοῦτον ἄρχοντα ἐκπορίζεσθαι δεῖ; (Κλεινίας) πῶς γὰρ οὔ; (Ἀθηναῖος) καὶ μὴν περί γε συνουσίας, ὡς ἔοικεν, αὐτὸν φρόνιμον εἶναι δεῖ· γίγνεται γὰρ φ&#[1,10] X. (L'ATHÉNIEN) Il me paraît que tous ceux qui, discourant sur un usage, se mettent aussitôt à le blâmer ou à l'approuver dès que l'on en a prononcé le nom, ne s'y prennent pas comme il faut. C'est juste comme si, entendant louer le froment comme un bon aliment, on le dépréciait sans s'être informé de ses effets, ni du profit qu'on en tire, ni comment, à qui, avec quoi, dans quel état et comment on doit le servir. C'est précisément ce que nous faisons maintenant dans notre discussion. On n'a pas plus tôt parlé de l'ivresse qu'à ce mot seul les uns l'ont blâmée, les autres louée, et bien mal à propos ; car c'est sur la foi de témoins et de panégyristes que nous fondons nos louanges les uns et les autres, et nous croyons donner un argument sans réplique, soit parce que nous produisons beaucoup de témoins, soit parce que nous voyons ceux qui s'en abstiennent vaincre dans les combats ; mais le désaccord continue entre nous. Si donc nous procédons de même dans l'examen de chacune des autres lois, nous montrerons, ce me semble, peu d'intelligence. Il me paraît nécessaire de procéder autrement, et je veux, à propos de cette question même de l'ivresse, essayer de vous montrer, si je puis, la vraie méthode pour examiner tous les usages de ce genre, puisque des milliers et des milliers de nations qui sont là-dessus en désaccord avec vous entreraient en lutte contre votre opinion. (MÉGILLOS) Si vraiment il y a une bonne manière d'examiner ces questions, nous ne devons pas nous lasser d'écouter. (L'ATHÉNIEN) Allons, examinons la chose à peu près ainsi. Supposons que quelqu'un loue l'élevage des chèvres et l'animal lui-même comme étant une belle possession, et qu'un autre, ayant vu des chèvres paissant sans berger, faire des dégâts dans les champs cultivés, les blâmât et qu'il fît le même reproche à tout animal sans maître ou avec de mauvais maîtres, croirons-nous qu'un pareil blâme soit tant soit peu fondé en raison ? (MÉGILLOS) Assurément non. (L'ATHÉNIEN) Et pour être un bon pilote, dirons-nous qu'il suffit de posséder la science nautique, que d'ailleurs on soit sujet ou non au mal de mer ? Qu'en dirons-nous ? (MÉGILLOS) Pas du tout, si à la science il joint le mal dont tu parles. (L'ATHÉNIEN) Et un général d'armée ? Sera-t-il capable de commander, s'il possède l'art de la guerre, et s'il est lâche dans le danger et que l'ivresse de la peur lui donne la nausée ? (MÉGILLOS) Comment le serait-il alors ? (L'ATHÉNIEN) Et s'il n'a ni science, ni courage ? (MÉGILLOS) Ce serait un très mauvais général, fait pour commander non des hommes, mais de pauvres femmelettes. (L'ATHÉNIEN) Et quand il s'agit de louer ou de blâmer une assemblée quelconque, qui a naturellement un chef et qui peut être utile avec ce chef, si quelqu'un n'avait jamais vu cette assemblée en bon accord avec elle- même sous la direction d'un chef, mais toujours sans chef ou avec du mauvais chefs, croirons-nous qu'en voyant de telles assemblées, il puisse les blâmer ou les louer avec justesse ? (MÉGILLOS) Comment le pourrait-il, s'il n'a jamais vu ni fréquenté aucune de ces assemblées bien gouvernées ? (L'ATHÉNIEN) Eh bien, parmi les nombreuses associations qui existent, ne pouvons-nous compter les convives et les banquets comme une sorte d'association ? (MÉGILLOS) Certainement si. (L'ATHÉNIEN) Or cette association, l'a-t-on jamais vue jusqu'ici tenue correctement ? Il vous est facile à vous deux de répondre que vous n'en avez encore vu absolument aucune ; car elles ne sont pas en usage dans votre pays ni tolérées par la loi. Mais moi, j'ai assisté à beaucoup de banquets, et en beaucoup d'endroits ; en outre, j'ai des renseignements sur presque tous, et j'ose dire que je n'en ai jamais vu ni entendu nommer un seul où tout se soit passé régulièrement, et que tout, sauf quelques points peu importants et peu nombreux, y est en général on peut dire complètement défectueux. (CLINIAS) Comment entends-tu cela, étranger ? Explique-toi encore plus clairement ; car nous autres, nous n'avons, comme tu dis, aucune expérience de ces sortes d'assemblée, et, lors même que nous y assisterions, nous ne pourrions peut-être pas reconnaître sur-le-champ ce qui s'y passe correctement ou non. (L'ATHÉNIEN) C'est vraisemblable, mais je vais m'expliquer ; essaye de me suivre. Dans toutes les réunions et les associations, quel qu'en soit l'objet, il est de règle qu'il y ait toujours un chef : tu comprends cela ? (CLINIAS) Sans doute. (L'ATHÉNIEN) Or, nous venons de dire qu'à la guerre le chef doit être courageux. (CLINIAS) Il le faut en effet. (L'ATHÉNIEN) Un homme courageux est moins troublé par la crainte que le lâche. (CLINIAS) C'est vrai aussi. (L'ATHÉNIEN) Mais s'il y avait moyen de mettre à la tête d'une armée un général qui ne craignit absolument rien et ne se troublât de rien, ne le ferions-nous pas à tout prix ? (CLINIAS) Certainement si. (L'ATHÉNIEN) Mais il ne s'agit pas ici d'un chef qui commande une armée contre l'ennemi en temps de guerre, mais d'un chef qui commande à des amis qui se réunissent dans des sentiments de bienveillance mutuelle. (CLINIAS) C'est vrai. (L'ATHÉNIEN) Or une telle assemblée, si elle s'enivre, n'ira pas sans tumulte, n'est-ce pas ? (CLINIAS) C'est impossible en effet ; c'est même, je pense, tout le contraire. (L'ATHÉNIEN) Dès lors, n'est-ce pas un chef qu'il faut tout d'abord à ces gens-là aussi ? (CLINIAS) Certainement : il n'y a pas d'affaire où l'on en ait autant besoin. (L'ATHÉNIEN) Et n'est-ce pas un chef ennemi du tumulte qu'il faut, s'il est possible, leur procurer ? (CLINIAS) Sans doute. (L'ATHÉNIEN) Et à l'égard de l'assemblée, il faut, je pense, qu'il soit prudent, car il doit veiller à conserver l'amitié qui en lie les membres et même prendre soin de l'augmenter quand ils sont réunis. (CLINIAS) Rien de plus vrai. (L'ATHÉNIEN) Dès lors, ne faut-il pas donner à des gens qui s'enivrent un chef sobre et sage ? car, s'il est le contraire, s'il est jeune et peu sage et s'enivre pour commander à des gens ivres, il aura bien de la chance s'il ne cause pas quelque grand mal. (CLINIAS) Un mal immense. (L'ATHÉNIEN) Si donc on condamne ces assemblées dans les États où elles se tiennent, quand tout s'y passe aussi correctement que possible, parce qu'on s'en prend à l'institution même, il peut se faire que la condamnation soit fondée en raison. Mais si on les critique, parce qu'on les voit remplies des plus grands désordres, il est évident premièrement qu'on ignore que les choses ne se passent point comme elles devraient se passer et deuxièmement que tout autre chose paraîtra aussi mauvaise, si un maître, un chef sobre y fait défaut. Ne remarques-tu pas qu'un pilote ivre, ou tout autre chef de n'importe quelle entreprise, renverse tout, bateaux, chars, armée, en un mot, tout ce qui peut être gouverné par lui ?


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Dernière mise à jour : 12/05/2005