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[51] (ΕΡΜΟΤΙΜΟΣ)
Οὔκ, ἀλλὰ ὑβριστὴς ἀεὶ σύ, καὶ οὐκ οἶδ´ ὅ τι
παθὼν μισεῖς φιλοσοφίαν καὶ ἐς τοὺς φιλοσοφοῦντας
ἀποσκώπτεις.
(ΛΥΚΙΝΟΣ)
Ὦ Ἑρμότιμε, ἥτις μὲν ἡ ἀλήθειά ἐστιν ὑμεῖς ἂν
ἄμεινον εἴποιτε οἱ σοφοί, σύ τε καὶ ὁ διδάσκαλος.
ἐγὼ δὲ τό γε τοσοῦτον οἶδα, ὡς οὐ πάνυ ἡδεῖά
ἐστιν αὐτὴ τοῖς ἀκούουσιν, ἀλλὰ παρευδοκιμεῖται
ὑπὸ τοῦ ψεύδους παρὰ πολύ. εὐπροσωπότερον
γὰρ ἐκεῖνο καὶ διὰ τοῦτο ἥδιον, ἡ δὲ ἅτε μηδὲν
κίβδηλον ἑαυτῇ συνειδυῖα μετὰ παρρησίας διαλέγεται
τοῖς ἀνθρώποις καὶ διὰ τοῦτο ἄχθονται αὐτῇ.
ἰδού γέ τοι, καὶ σὺ νῦν ἄχθῃ μοι τἀληθὲς ἐξευρόντι
περὶ τούτων μετὰ σοῦ καὶ δηλώσαντι οἵων
ἐρῶμεν ἐγώ τε καὶ σύ, ὡς οὐ πάνυ ῥᾳδίων.
ὥσπερ εἰ ἀνδριάντος ἐρῶν ἐτύγχανες καὶ ᾤου
τεύξεσθαι ὑπολαμβάνων ἄνθρωπον εἶναι, ἐγὼ δὲ
κατιδὼν ὡς λίθος ἢ χαλκὸς εἴη ἐμήνυσα πρός σε
ὑπ´ εὐνοίας ὅτι ἀδυνάτων ἐρᾷς, καὶ τότε δύσνουν
ἐμὲ εἶναι ᾤου ἂν σαυτῷ διότι σε οὐκ εἴων ἐξαπατᾶσθαι
ἀλλόκοτα καὶ ἀνέλπιστα ἐλπίζοντα.
| [51] HERMOTIMUS. Non, tu n'es qu'un moqueur, et, je ne sais
pourquoi, tu hais la philosophie et tu railles les philosophes.
LYCINUS. Mon cher Hermotimus, quelle est la vérité, vous autres
sages, ton maître et toi, vous le sauriez mieux dire sans doute. Moi, je
sais tout simplement qu'elle est fort désagréable à entendre et
toujours étouffée par le mensonge. Le mensonge, en effet, est d'un
aspect bien plus gracieux, et par conséquent plus agréable. Mais la
vérité ne connaît aucun alliage. Elle parle aux hommes avec franchise,
et c'est ce qui fait qu’ils la détestent. Toi-même, en ce moment, tu te
fâches contre moi, parce que je t'ai fait voir la vérité dans les matières
qui t'occupent, et parce que je t'ai prouvé que ce que nous aimons, toi
et moi, n'est pas facile à obtenir. C'est à peu près comme si tu
devenais amoureux d'une statue et que tu voulusses en jouir,
persuadé que c'est une femme réelle. Moi qui sais que ce n'est que de
la pierre ou de l'airain, je t'avertis, par bonté d’âme, que tu aimes en
pure perte, et alors, tu vas t'imaginer que je suis mal intentionné à ton
égard, parce que je ne t'ai pas laissé dans l'erreur, livré à une
chimérique espérance.
| [52] (ΕΡΜΟΤΙΜΟΣ)
Οὐκοῦν τοῦτο, ὦ Λυκῖνε, φής, ὡς οὐ φιλοσοφητέον
ἡμῖν, ἀλλὰ χρὴ ἀργίᾳ παραδιδόντας αὑτοὺς
ἰδιώτας καταβιῶναι;
(ΛΥΚΙΝΟΣ)
Καὶ ποῦ τοῦτο ἤκουσας ἐμοῦ λέγοντος; ἐγὼ
γὰρ οὐχ ὡς οὐ φιλοσοφητέον φημί, ἀλλ´ ἐπείπερ
φιλοσοφητέον ὁδοί τε πολλαί εἰσιν ἐπὶ φιλοσοφίαν
ἑκάστη καὶ ἀρετὴν ἄγειν φάσκουσαι, ἡ δ´ ἀληθὴς
ἐν αὐταῖς ἄδηλος, ἀκριβῆ ποιήσασθαι τὴν διαίρεσιν.
ἀδύνατον δέ γε ἡμῖν ἐφαίνετο πολλῶν προτεθέντων
ἑλέσθαι τὸ ἄριστον εἰ μὴ ἐπὶ πάντα ἴοι τις πειρώμενος·
εἶτά πως μακρὰ ἡ πεῖρα ὤφθη. σὺ δὲ πῶς
ἀξιοῖς; αὖθις γὰρ ἐρήσομαι—ὅτῳ ἂν πρώτῳ
ἐντύχῃς, τούτῳ ἕψῃ καὶ συμφιλοσοφήσεις κἀκεῖνος
ἕρμαιον ποιήσεταί σε;
| [52] HERMOTIMUS. Tu prétends donc, Lycinus, que nous ne devons pas
philosopher, mais qu'il faut nous laisser aller à la paresse, et vivre
comme le vulgaire ?
LYCINUS. Et quand m'as-tu entendu tenir un semblable langage ? Je
ne prétends pas que nous devions renoncer à la philosophie. Voici ce
que je dis : nous voulons philosopher, il y a plusieurs routes. Chacune
d'elles a la prétention de conduire à la philosophie et à la vertu. La
véritable est inconnue. Il faut donc faire son choix avec prudence.
Alors il nous a paru impossible, parmi tant de routes qui se
présentaient, de choisir la meilleure, à moins d'être allé les essayer
toutes. Puis cet essai nous a paru un peu long. Eh bien! Que veux-tu
faire ? Je te le demande encore une fois. Suivras-tu le premier que tu
rencontreras ? Philosopheras-tu avec lui ? Et lui, ne te regardera-t-il
pas comme une trouvaille que Mercure lui envoie ?
| [53] (ΕΡΜΟΤΙΜΟΣ)
Καὶ τί σοι ἀποκριναίμην ἂν ἔτι, ὃς οὔτε αὐτόν
τινα κρίνειν οἷόν τε εἶναι φής, ἢν μὴ φοίνικος ἔτη
βιώσῃ πάντας ἐν κύκλῳ περιιὼν καὶ πειρώμενος
οὔτε τοῖς προπεπειραμένοις πιστεύειν ἀξιοῖς οὔτε
τοῖς πολλοῖς ἐπαινοῦσιν καὶ μαρτυροῦσιν;
(ΛΥΚΙΝΟΣ)
Τίνας φὴς τοὺς πολλοὺς εἰδότας καὶ πεπειραμένους
ἁπάντων; εἰ γάρ τις τοιοῦτός ἐστιν,
ἱκανὸς ἔμοιγε καὶ εἷς, καὶ οὐκέτι πολλῶν δεήσει.
ἢν δὲ τοὺς οὐκ εἰδότας λέγῃς, οὐδέν τι τὸ πλῆθος
αὐτῶν προσάξεταί με πιστεύειν ἄχρι ἂν ἢ μηδὲν ἢ
ἓν εἰδότες περὶ ἁπάντων ἀποφαίνωνται.
(ΕΡΜΟΤΙΜΟΣ)
Μόνος δὲ σὺ τἀληθὲς κατεῖδες, οἱ δὲ ἄλλοι
ἀνόητοι ἅπαντες ὅσοι φιλοσοφοῦσιν.
(ΛΥΚΙΝΟΣ)
Καταψεύδῃ μου, ὦ Ἑρμότιμε, λέγων ὡς ἐγὼ
προτίθημί πῃ ἐμαυτὸν τῶν ἄλλων ἢ τάττω ὅλως
ἐν τοῖς εἰδόσι, καὶ οὐ μνημονεύεις ὧν ἔφην, οὐκ
αὐτὸς εἰδέναι τἀληθὲς ὑπὲρ τοὺς ἄλλους διατεινόμενος
ἀλλὰ μετὰ πάντων αὐτὸ ἀγνοεῖν ὁμολογῶν.
| [53] HERMOTIMUS. Que te répondre ? Tu prétends que personne n'est
capable de trouver par lui-même, s'il n'a vécu l'âge du phénix, et
parcouru en cercle toutes les sectes pour en faire l'épreuve, et tu veux
qu'on ne s'en rapporte ni à ceux qui les ont déjà éprouvées ni aux gens
nombreux qui en font l'éloge ou qui en rendent témoignage !
LYCINUS. Mais quels sont donc, dis-moi, ces gens nombreux qui les
connaissent et qui les ont éprouvées toutes ? S'il y en a un de cette
espèce, il me suffit, fût-il seul. Je n'ai pas besoin qu'il y en ait une
foule. Si, au contraire, tu parles de ceux qui ne les connaissent pas,
leur nombre ne me donnera pas confiance, tant que, ne connaissant
aucune secte ou n'en connaissant qu'une, ils parleront des autres d'un
ton tranchant.
HERMOTIMUS. Tu es le seul apparemment qui ait vu la vérité. Tous les
autres qui se livrent à la philosophie n'ont pas le sens commun.
LYCINUS. Tu me calomnies, Hermotimus, lorsque tu dis que je me
mets, en quelque manière, au-dessus des autres ou que je me place
parmi ceux qui savent. Tu ne te rappelles pas ce que j’ai dit, que non
seulement je ne connais pas mieux la vérité qu'un autre, mais que
j'avoue l'ignorer avec tout le monde.
| [54] (ΕΡΜΟΤΙΜΟΣ)
Ἀλλ´, ὦ Λυκῖνε, τὸ μὲν ἐπὶ πάντας ἐλθεῖν
χρῆναι καὶ πειραθῆναι ὧν φασι καὶ τὸ μὴ ἂν
ἄλλως ἑλέσθαι τὸ βέλτιον ἢ οὕτως, εὔλογον ἴσως,
τὸ δὲ τῇ πείρᾳ ἑκάστῃ τοσαῦτα ἔτη ἀποδιδόναι,
παγγέλοιον, ὥσπερ οὐχ οἷόν τε ὂν ἀπ´ ὀλίγων
καταμαθεῖν τὰ πάντα. ἐμοὶ δὲ καὶ πάνυ ῥᾴδιον
εἶναι δοκεῖ τὸ τοιοῦτον καὶ οὐ πολλῆς διατριβῆς
δεόμενον. φασί γέ τοι τῶν πλαστῶν τινα, Φειδίαν
οἶμαι, ὄνυχα μόνον λέοντος ἰδόντα ἀπ´ ἐκείνου
ἀναλελογίσθαι, ἡλίκος ἂν ὁ πᾶς λέων γένοιτο κατ´
ἀξίαν τοῦ ὄνυχος ἀναπλασθείς. καὶ σὺ δέ, ἤν τίς
σοι χεῖρα μόνην ἀνθρώπου δείξῃ τὸ ἄλλο σῶμα
κατακαλύψας, εἴσῃ, οἶμαι, αὐτίκα ὅτι ἄνθρωπός
ἐστι τὸ κεκαλυμμένον, κἂν μὴ τὸ πᾶν σῶμα ἴδῃς.
καὶ τοίνυν τὰ μὲν κεφαλαιώδη ὧν ἅπαντες λέγουσι,
ῥᾴδιον καταμαθεῖν ἐν ὀλίγῳ μορίῳ ἡμέρας, τὸ δὲ
ὑπερακριβὲς τοῦτο καὶ μακρᾶς τῆς ἐξετάσεως
δεόμενον οὐ πάνυ ἀναγκαῖον ἐς τὴν αἵρεσιν τοῦ
βελτίονος, ἀλλ´ ἔστι κρῖναι καὶ ἀπ´ ἐκείνων.
| [54] HERMOTIMUS. Je trouve fort raisonnable, Lycinus, la nécessité
d'aller à toutes les sectes, d'en faire l'épreuve, et de ne pas choisir
autrement la meilleure. Mais il est ridicule de consacrer un si grand
nombre d'années à prendre connaissance de chaque secte, comme s'il
n'était pas possible de connaître le tout par la partie. Pour moi, du
moins, c'est une chose qui me paraît toute simple et qui n'a pas besoin
d'une longue préparation. On dit, en effet, qu'un statuaire, Phidias, je
crois, en voyant seulement l'ongle d'un lion, jugeait par là de la taille
que devait avoir le lion tout entier, qu'il reconstruisait d'après l’ongle.
Et toi-même, si l'on te montrait une seule main d'homme, en te
cachant le reste de son corps, tu reconnaîtrais, je pense, que l'objet
caché est un homme, quand même tu ne verrais pas le corps tout
entier. Ainsi, nous pouvons facilement apprendre dans une petite
portion du jour les dogmes capitaux de chaque secte, ceux dont tout le
monde parle. Quant aux points plus subtils et qui exigent une grande
recherche, ils ne sont pas très nécessaires à qui veut faire le meilleur
choix, et l'on en peut juger par les premiers.
| [55] (ΛΥΚΙΝΟΣ)
Παπαί, ὦ Ἑρμότιμε, ὡς ἰσχυρὰ ταῦτα εἴρηκας
ἀπὸ τῶν μερῶν ἀξιῶν τὰ ὅλα εἰδέναι. καίτοι ἐγὼ
τὰ ἐναντία ἀκούσας μέμνημαι ὡς ὁ μὲν τὸ ὅλον
εἰδὼς εἰδείη ἂν καὶ τὸ μέρος, ὁ δὲ μόνον τὸ μέρος
οὐκέτι καὶ τὸ ὅλον. οὕτως καί μοι τόδε ἀπόκριναι·
ὁ Φειδίας ἄν ποτε ἰδὼν ὄνυχα λέοντος ἔγνω ἂν
ὅτι λέοντός ἐστιν, εἰ μὴ ἑωράκει ποτὲ λέοντα
ὅλον; ἢ σὺ ἀνθρώπου χεῖρα ἰδὼν ἔσχες ἂν εἰπεῖν
ὅτι ἀνθρώπου ἐστὶ μὴ πρότερον εἰδὼς μηδὲ
ἑωρακὼς ἄνθρωπον; τί σιγᾷς; ἢ βούλει ἐγὼ
ἀποκρίνωμαι ὑπὲρ σοῦ τά γε ἀναγκαῖα ὅτι οὐκ
ἂν εἶχες; ὥστε κινδυνεύει ὁ Φειδίας ἄπρακτος
ἀπεληλυθέναι μάτην ἀναπλάσας τὸν λέοντα· οὐδὲν
γὰρ πρὸς τὸν Διόνυσον ὦπται λέγων. ἢ πῶς
ταῦτα ἐκείνοις ὅμοια; τῷ μὲν γὰρ Φειδίᾳ καὶ σοὶ
οὐδὲν ἄλλο τοῦ γνωρίζειν τὰ μέρη αἴτιον ἦν ἢ τὸ
εἰδέναι τὸ ὅλον—ἄνθρωπον λέγω καὶ λέοντα· ἐν
φιλοσοφίᾳ δέ, οἷον τῇ Στωϊκῶν, πῶς ἂν ἀπὸ τοῦ
μέρους καὶ τὰ λοιπὰ ἴδοις; ἢ πῶς ἂν ἀποφαίνοιο
ὡς καλά; οὐ γὰρ οἶσθα τὸ ὅλον οὗ μέρη ἐκεῖνά ἐστιν.
| [55] LYCINUS. À merveille, Hermotimus ! Quelle force de raisonnement,
lorsque tu dis qu'on peut juger du tout par la partie ! Cependant, je me
souviens de t'avoir entendu dire le contraire, que celui qui connaît le
tout peut bien connaître la partie, mais que celui qui connaît seulement
la partie ne connaît pas pour cela le tout. En conséquence, réponds
donc à cette question : Phidias, en voyant l'ongle d'un lion, aurait-il pu
savoir que c'était celui d'un lion, s'il n'avait jamais vu un lion tout
entier ? Et toi, en voyant la main d'un homme, aurais-tu pu dire que
c'était une main d'homme, si tu n'avais jamais ni vu ni connu d'homme
jusque-là ? Pourquoi gardes-tu le silence ? Veux-tu que je réponde à ta
place ce qu'il faudrait dire, puisque tu ne saurais ? Ton Phidias court
grand risque de s'en aller sans avoir rien prouvé, et en te disant, après
avoir reconstruit inutilement son lion : "Cela ne fait rien à Bacchus,
mon garçon !" En effet, quel rapport y a-t-il entre les faits dont il s'agit ?
Phidias et toi, vous n'avez pas d'autre moyen pour connaître la partie
que votre connaissance du tout homme ou lion, tandis qu'en
philosophie, chez les Stoïciens, par exemple, comment par la partie
pourras-tu connaître le reste ? Comment affirmeras-tu que leurs
dogmes sont beaux, puisque tu ne connais pas le tout dont ils font partie ?
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