[28] (1) Οὕτως οὖν ἄνδρα τῶν πατρικίων
γένει πρῶτον ἤθει τε δοκιμώτατον αὐτῷ τε Ῥωμύλῳ πιστὸν καὶ συνήθη, τῶν ἀπ´ Ἄλβης
ἐποίκων, Ἰούλιον Πρόκλον, εἰς ἀγορὰν παρελθόντα καὶ τῶν ἁγιωτάτων ἔνορκον ἱερῶν
ἁψάμενον εἰπεῖν ἐν πᾶσιν, ὡς ὁδὸν αὐτῷ βαδίζοντι Ῥωμύλος ἐξ ἐναντίας προσιὼν
φανείη, καλὸς μὲν ὀφθῆναι καὶ μέγας ὡς οὔποτε πρόσθεν, ὅπλοις δὲ λαμπροῖς καὶ
φλέγουσι κεκοσμημένος. αὐτὸς μὲν οὖν ἐκπλαγεὶς πρὸς τὴν ὄψιν "ὦ βασιλεῦ, φάναι,
τί δὴ παθὼν ἢ διανοηθείς, ἡμᾶς μὲν ἐν αἰτίαις ἀδίκοις καὶ πονηραῖς, πᾶσαν δὲ
τὴν πόλιν ὀρφανὴν ἐν μυρίῳ πένθει προλέλοιπας;" ἐκεῖνον δ´ ἀποκρίνασθαι· "θεοῖς
ἔδοξεν ὦ Πρόκλε τοσοῦτον ἡμᾶς γενέσθαι μετ´ ἀνθρώπων χρόνον, καὶ πόλιν ἐπ´ ἀρχῇ
καὶ δόξῃ μεγίστῃ κτίσαντας, αὖθις οἰκεῖν οὐρανόν, ἐκεῖθεν ὄντας. (3) ἀλλὰ χαῖρε καὶ
φράζε Ῥωμαίοις, ὅτι σωφροσύνην μετ´ ἀνδρείας ἀσκοῦντες ἐπὶ πλεῖστον ἀνθρωπίνης
ἀφίξονται δυνάμεως. ἐγὼ δ´ ὑμῖν εὐμενὴς ἔσομαι δαίμων Κυρῖνος. " ταῦτα πιστὰ μὲν
εἶναι τοῖς Ῥωμαίοις ἐδόκει διὰ τὸν τρόπον τοῦ λέγοντος καὶ διὰ τὸν ὅρκον· οὐ μὴν
ἀλλὰ καὶ δαιμόνιόν τι συνεφάψασθαι πάθος ὅμοιον ἐνθουσιασμῷ· μηδένα γὰρ
ἀντειπεῖν, ἀλλὰ πᾶσαν ὑπόνοιαν καὶ διαβολὴν ἀφέντας εὔχεσθαι Κυρίνῳ καὶ
θεοκλυτεῖν ἐκεῖνον. (4) Ἔοικε μὲν οὖν ταῦτα τοῖς ὑφ´ Ἑλλήνων περί τ´ Ἀριστέου τοῦ
Προικοννησίου καὶ Κλεομήδους τοῦ Ἀστυπαλαιέως μυθολογουμένοις. Ἀριστέαν μὲν γὰρ
ἔν τινι κναφείῳ τελευτῆσαί φασι, καὶ τὸ σῶμα μετιόντων αὐτοῦ τῶν φίλων ἀφανὲς
οἴχεσθαι· λέγειν δέ τινας εὐθὺς ἐξ ἀποδημίας ἥκοντας ἐντυχεῖν Ἀριστέᾳ τὴν ἐπὶ
Κρότωνος πορευομένῳ. (5) Κλεομήδη δὲ ῥώμῃ καὶ μεγέθει σώματος ὑπερφυᾶ γενόμενον,
ἔμπληκτόν τε τῷ τρόπῳ καὶ μανικὸν ὄντα, πολλὰ δρᾶν βίαια, καὶ τέλος ἔν τινι
διδασκαλείῳ παίδων τὸν ὑπερείδοντα τὴν ὀροφὴν κίονα πατάξαντα τῇ χειρὶ κλάσαι
μέσον καὶ τὴν στέγην καταβαλεῖν. (6) ἀπολομένων δὲ τῶν παίδων διωκόμενον, εἰς
κιβωτὸν καταφυγεῖν μεγάλην καὶ τὸ πῶμα κατακλείσαντα συνέχειν ἐντός, ὥστ´
ἀποσπάσαι μὴ δύνασθαι πολλοὺς ὁμοῦ βιαζομένους· κατασχίσαντας δὲ τὴν κιβωτόν,
οὔτε ζῶντα τὸν ἄνθρωπον εὑρεῖν οὔτε νεκρόν. ἐκπλαγέντας οὖν ἀποστεῖλαι
θεοπρόπους εἰς Δελφούς, οἷς τὴν Πυθίαν εἰπεῖν "Ἔσχατος ἡρώων Κλεομήδης
Ἀστυπαλαιεύς". (7) λέγεται δὲ καὶ τὸν Ἀλκμήνης ἐκκομιζομένης νεκρὸν ἄδηλον γενέσθαι,
λίθον δὲ φανῆναι κείμενον ἐπὶ τῆς κλίνης, καὶ ὅλως πολλὰ τοιαῦτα μυθολογοῦσι,
παρὰ τὸ εἰκὸς ἐκθειάζοντες τὰ θνητὰ τῆς φύσεως ἅμα τοῖς θείοις. ἀπογνῶναι μὲν
οὖν παντάπασι τὴν θειότητα τῆς ἀρετῆς ἀνόσιον καὶ ἀγεννές, οὐρανῷ δὲ μειγνύειν
γῆν ἀβέλτερον. (8) φατέον οὖν, ἐχομένοις τῆς ἀσφαλείας, κατὰ Πίνδαρον, ὡς "σῶμα μὲν
πάντων ἕπεται θανάτῳ περισθενεῖ, ζῳὸν δ´ ἔτι λείπεται αἰῶνος εἴδωλον· τὸ γάρ
ἐστι μόνον ἐκ θεῶν". ἥκει γὰρ ἐκεῖθεν, ἐκεῖ δ´ ἄνεισιν, οὐ μετὰ σώματος, ἀλλ´
ἐὰν ὅτι μάλιστα σώματος ἀπαλλαγῇ καὶ διακριθῇ καὶ γένηται καθαρὸν παντάπασι καὶ
ἄσαρκον καὶ ἁγνόν. (9) "αὕτη γὰρ ψυχὴ ξηρὴ καὶ ἀρίστη καθ´ Ἡράκλειτον, ὥσπερ
ἀστραπὴ νέφους διαπταμένη τοῦ σώματος." ἡ δὲ σώματι πεφυρμένη καὶ περίπλεως
σώματος, οἷον ἀναθυμίασις ἐμβριθὴς καὶ ὁμιχλώδης, δυσέξαπτός ἐστι καὶ
δυσανακόμιστος. (10) οὐδὲν οὖν δεῖ τὰ σώματα τῶν ἀγαθῶν συναναπέμπειν παρὰ φύσιν εἰς
οὐρανόν, ἀλλὰ τὰς ἀρετὰς καὶ τὰς ψυχὰς παντάπασιν οἴεσθαι κατὰ φύσιν καὶ δίκην
θείαν ἐκ μὲν ἀνθρώπων εἰς ἥρωας, ἐκ δ´ ἡρώων εἰς δαίμονας, ἐκ δὲ δαιμόνων, ἂν
τέλεον ὥσπερ ἐν τελετῇ καθαρθῶσι καὶ ὁσιωθῶσιν, ἅπαν ἀποφυγοῦσαι τὸ θνητὸν καὶ
παθητικόν, οὐ νόμῳ πόλεως, ἀλλ´ ἀληθείᾳ καὶ κατὰ τὸν εἰκότα λόγον εἰς θεοὺς
ἀναφέρεσθαι, τὸ κάλλιστον καὶ μακαριώτατον τέλος ἀπολαβούσας.
| [28] (1) Pendant le tumulte que cet incident fit naître, un des premiers patriciens,
généralement estimé pour sa vertu, qui avait suivi Romulus d'Albe à Rome, et avait joui de la
confiance et de la familiarité de ce prince, Julius Proculus, s'avança au milieu de la place
publique; et là, en présence de tout le peuple, il jura, par ce qu'il y avait de plus sacré, qu'en
revenant de l'assemblée Romulus lui était apparu plus grand et plus beau qu'il ne l'avait jamais
vu, et couvert d'armes plus brillantes que le feu; qu'à cette vue, saisi d'étonnement, (2) il lui
avait dit « Ah! prince, que vous avons-nous fait? et pourquoi nous avez-vous quittés, en nous
exposant aux accusations les plus graves et les plus injustes, en laissant toute la ville privée
d'un père et plongée dans un deuil inexprimable? » Que Romulus lui avait répondu « Les
dieux veulent, Proculus, qu'après avoir vécu si longtemps avec les hommes, quoique fils d'un
dieu, après avoir bâti une ville qui surpassera toutes les autres en puissance et en gloire, je
retourne au ciel d'où je suis descendu. (3) Adieu; allez dire aux Romains qu'en pratiquant la
tempérance, en exerçant leur courage, ils s'élèveront au plus haut point de la puissance
humaine. Pour moi, sous le nom de Quirinus, je serai votre dieu tutélaire. » Le caractère de
Proculus, et le serment qu'il avait fait, firent ajouter foi à son témoignage. D'ailleurs
l'assemblée, par une sorte d'inspiration divine, fut saisie d'un tel enthousiasme que personne
ne pensa à le contredire, et que, renonçant à leurs soupçons, ils se mirent tous à invoquer et à
adorer Quirinus. (4) Cette histoire ressemble fort aux fables que les Grecs racontent sur
Aristéas le Proconésien, et sur Cléomèdes d'Astypalée. Ils disent qu'Aristéas étant mort dans
la boutique d'un foulon, et ses amis s'y étant transportés pour enlever le corps, il disparut tout
à coup; des gens qui revenaient d'un voyage dirent qu'ils l'avaient rencontré sur le chemin de
Crotone. (5) Cléomèdes, dit-on, était d'une taille et d'une force de corps extraordinaires, mais
sujet à des accès de démence et de fureur, pendant lesquels il s'était souvent porté aux plus
grandes violences. Un jour enfin, étant entré dans une école d'enfants, il rompit par le milieu,
d'un coup de poing, la colonne qui soutenait le comble. Le toit s'écroula, (6) et tous les enfants
furent écrasés. Cléomèdes, voyant qu'on courait après lui, se jeta dans un grand coffre qu'il
ferma, et dont il tint le couvercle si fortement, que plusieurs personnes, en réunissant leurs
efforts, ne purent jamais l'ouvrir. On brisa donc le coffre, où on ne le trouva ni vivant ni mort.
Les Astypaléens, fort surpris, envoyèrent consulter l'oracle d'Apollon, et la Pythie leur fit cette
réponse "Cléomèdes sera le dernier des héros". (7) On dit aussi que le corps d'Alcmène
disparut comme on allait le porter au tombeau, et qu'on ne trouva sur son lit qu'une pierre. On
débite bien d'autres contes aussi dénués de vraisemblance, en voulant faire partager à des êtres
d'une nature mortelle les privilèges de la divinité. À la vérité, ce serait une preuve d'impiété et
de bassesse morale que de refuser à la vertu toute participation de la nature divine; mais
vouloir confondre la terre avec le ciel, ce serait une folie. (8) Tenons-nous-en donc à ce qu'il y
a de plus certain, et disons avec Pindare "Le corps, chez tous les hommes, obéit à l'appel de la
mort, dont la vigueur est insurmontable; mais il laisse après lui, vivante, son image d'éternité,
car seule elle émane des dieux. " Elle est en effet venue du ciel et elle y retourne, non pas avec
le corps, mais seulement lorsqu'elle s'en est le plus possible dégagée et séparée, lorsqu'elle est
devenue tout à fait pure, désincarnée et sainte. (9) C'est là ce qu'Héraclite appelle "l'âme sèche
et la plus parfaite, qui s'élance hors du corps comme l'éclair de la nue. " Mais celle qui,
confondue, et, pour ainsi dire, amalgamée avec le corps, s'est rendue toute charnelle,
semblable à une vapeur épaisse et ténébreuse, s'enflamme difficilement et s'élève avec peine.
(10) Gardons-nous donc d'envoyer au ciel, contre leur nature, les corps des hommes vertueux;
mais soyons fermement persuadés qu'après leur mort, et par leur nature même et par la
volonté des dieux, ils sont, pour prix de leurs vertus, changés d'hommes en héros, de héros en
génies; et, s'ils ont passé tous les jours de leur vie, comme dans une initiation aux mystères,
dans l'innocence et dans la sainteté, s'ils ont fui toutes les passions et tous les désirs d'une
chair terrestre et mortelle, alors leurs âmes, élevées à la nature des dieux, non par un décret
public, mais par la vérité même, et sur les motifs les plus justes, jouissent de la condition la
plus belle et la plus heureuse.
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