[6] Παρασκευαστέον οὖν ἀντὶ λόγου λόγον, ἀντὶ
τοῦ μείζονος τὸν ἐλάττω· καλὸν μέντοι τινὰ καὶ τοῦτον,
ᾧ προεντυχόντες, ὁ μὲν πολὺς ἐνσχεθήσεται, καὶ τοῦτον
ἀσπάσεται, καὶ οὐδ´ εἶναι πρεσβύτερον ἄλλον οἰήσεται·
ὁ δὲ λαχὼν φύσεως θείας ἐντεῦθεν ἀρθεὶς περινοήσει κἀκεῖνον.
ὃν δὲ ὁ θεὸς κινεῖ, τούτῳ καὶ παρ´ ἡμῶν ἀνεῴξεται τὰ
ἀνάκτορα· οὐδὲ ὁ Μενέλεως ἠγνόησε τὸν ὄντως Πρωτέα·
Ἕλλην γὰρ ἀνὴρ ἦν, καὶ τοῦ Διὸς κηδεστὴς ἄξιος, ᾧ μηδὲ
τὴν πρώτην ἐπὶ φαύλοις συνῆν. τὸ γὰρ πῦρ καὶ τὸ δένδρον
καὶ τὸ θηρίον λόγοι τινὲς ἦσαν περὶ ζῴων τε καὶ
φυτῶν, ἀλλὰ καὶ περὶ τῶν πρώτων στοιχείων, ὧν σύγκειται
τὰ γινόμενα. ὁ δὲ οὐδὲ ταῦτα ἠγάπησεν, ἀλλ´ ἐνδοτέρω
φύσεως ἠξίου χωρεῖν. θεῖον οὖν ἀτεχνῶς τὸ πᾶσιν
ἀρκεῖν, ὡς ἕκαστος ἀπολαύειν αὐτοῦ δύναται· ὁ δὲ γενόμενος
τῶν ἄκρων ἐπιτυχής, μεμνήσθω καὶ ἄνθρωπος ὤν,
καὶ δυνάσθω συνεῖναι πρὸς μέτρον ἑκάστῳ. τί οὖν ἄν τις
ἀποκηρύττοι τὰς Μούσας, δι´ ὧν ἔστι καὶ τοὺς ἀνθρώπους
ἐξαρέσκεσθαι καὶ τὰ θεῖα τηρεῖν ἀκηλίδωτα, χρωμένους
ἐπικαλύμματι; εἰ δὲ καὶ ποικίλον ἡ φύσις ἡμῶν, καμεῖται
δήπου πρὸς τὴν ἐν θεωρίᾳ ζωήν· ὥστε ὑφήσει τοῦ μεγέθους
καὶ καταβήσεται· οὐ γάρ ἐσμεν ὁ ἀκήρατος νοῦς,
ἀλλὰ νοῦς ἐν ζῴου ψυχῇ. καὶ ἡμῶν οὖν αὐτῶν ἕνεκα μετιτέον
τοὺς ἀνθρωπινωτέρους τῶν λόγων, ὑποδοχήν τινα
μηχανωμένους κατιούσῃ τῇ φύσει· ἀγαπητὸν γὰρ ἔχοντά
που πλησίον ἀπονεῦσαι καὶ ἀφοσιώσασθαι τῇ ψυχικῇ
συστάσει δεομένῃ γλυκυθυμίας, μὴ πόρρω πεσεῖν, μηδὲ κατὰ
πᾶσαν ζῆσαι τὴν ποικιλίαν τῆς φύσεως· ὁ γὰρ θεὸς τὴν
ἡδονὴν περόνην ἐποίησε τῇ ψυχῇ, δι´ ἧς ἀνέχεται τὴν
προσεδρείαν τοῦ σώματος. τοιοῦτον οὖν τὸ ἐν λόγοις
κάλλος· οὐ βαθύνεται πρὸς ὕλην, οὐδὲ ἐμβαπτίζει τὸν
νοῦν ταῖς ἐσχάταις δυνάμεσιν, ἀλλὰ δίδωσιν ἀνανεῦσαι
δι´ ἐλαχίστου, καὶ εἰς οὐσίαν ἀναδραμεῖν· ἄνω γάρ ἐστι
καὶ τὸ κάτω τῆς τοιαύτης ζωῆς. ᾧ δὲ μὴ ἔστιν ἡσθῆναι
καθαρὰν ἡδονήν· δεῖ δὲ τοῦ μειλιχίου τῇ φύσει· τί καὶ
ποιήσει; ποῦ καὶ τρέψεται; ἆρα οὐ πρὸς ἃ μηδὲ εἰπεῖν
ἄξιον; οὐ γὰρ δὴ τὴν φύσιν ὑπερφρονήσουσι, καὶ πρὸς
θεωρίαν ἀτρύτως ἔχειν ἐροῦσιν, ἀπαθεῖς εἶναι ποιούμενοι,
θεοὶ σαρκία περικείμενοι· εἰ δὲ λέγοιεν, ἴστων ἀντὶ θεῶν
ἢ σοφῶν τε καὶ θείων ἀνδρῶν χαῦνοι καὶ ἀλαζόνες πόρρω
γενόμενοι· ἀμείνους δ´ ἂν ἦσαν διαστέλλοντες εὖ τὸ προσῆκον
ἑκατέρῳ τῷ γένει. ἀπάθεια μὲν γὰρ ἐν θεῷ φύσει·
ἀρετῇ δὲ ἄνθρωποι κακίαν ἀμειβόμενοι μετριοπαθεῖς γίνονται·
καὶ τὸ φυγεῖν τὴν ἀμετρίαν, αὐτὸ τοῦτ´ ἂν εἴη τοῦ
σοφοῦ τὸ ἀγώνισμα.
| [6] Il faut donc savoir varier son langage, et parler tantôt pour les intelligences
d’élite, tantôt pour les esprits médiocres. Mais même quand on s’adresse à la foule,
l’art de bien dire a encore son importance : le public se laisse ainsi captiver; il est sous
le charme, et ne suppose pas qu’il y ait rien de plus beau que ce qu’il entend. Mais
ceux qui sont doués d’une raison supérieure ne s’arrêtent pas à ces discours; ils
s’élèvent à de plus hautes pensées. Qu’un homme soit poussé par Dieu, nous lui
ouvrirons toutes grandes les portes du temple. Protée finit par se montrer à Ménélas
sous sa véritable forme; mais aussi Ménélas était Grec, gendre de Jupiter, et les
questions qu’il venait poser n’étaient pas d’un médiocre intérêt. Le feu, l’arbre, la bête
sauvage, toutes ces apparences que prenait, dit-on, Protée, n’étaient sans doute que
des discours sur les animaux et sur les plantes, et sur les éléments qui composent le
monde. Mais Ménélas ne se tenait pas pour satisfait, et voulait aller jusqu’au fond des
choses. Pouvoir se mettre à la portée de tous, suivant les besoins de chacun, voilà qui
est vraiment divin : quand on a pu s’élever jusqu’au sommet de la sagesse, il faut
encore se souvenir que l’on est homme, et mesurer son langage à l’intelligence de
ceux auxquels on s’adresse. Pourquoi donc repousser les Muses? Avec leur aide on
charme les cœurs; et en recouvrant d’un voile les choses sacrées, on les met à l’abri
de toute profanation. Le changement est nécessaire à l’homme; il lui serait impossible
de passer sa vie dans la contemplation: vainement voudrait-il rester sur ces hauteurs,
il serait forcé de déchoir. Nous ne sommes pas de purs esprits, mais des esprits
soumis aux conditions de la vie animale : attachons-nous donc aux lettres; nous y
trouverons un soutien dans les défaillances de l’intelligence. Il est bon d’avoir des
ressources toutes prêtes et de nous accorder les délassements que réclame la nature
humaine, sans tomber dans les grossières voluptés, sans vivre soumis à tous les
caprices des sens. Dieu a fait du plaisir comme le lien qui attache l’âme au corps: elle
supporte ainsi plus facilement ce compagnon. Ce qui fait l’excellence des lettres, c’est
qu’avec elles on ne s’abaisse point vers la matière, on n’est pas l’esclave des
vulgaires instincts; l’intelligence peut facilement reprendre son essor, et remonter vers
les hautes régions : c’est ainsi que la vie, même dans ce qu’elle a de moins élevé,
conserve encore sa noblesse. L’homme a besoin de se récréer: s’il ne lui est pas
donné de goûter des plaisirs purs, que fera-t-il donc? Où va-t-il se tourner? Il
recherchera des jouissances qu’on n’ose même pas nommer. Car on ne peut
s’affranchir des conditions inhérentes à l’humanité. Vainement prétendrait-on que l’on
peut toujours rester dans la contemplation, sans ressentir aucune lassitude, comme si
l’on était un dieu caché sous une enveloppe de chair: à parler ainsi, sachez-le bien, on
montre que l’on est, non pas un dieu, non pas un sage ou un génie supérieur, mais
tout simplement un vaniteux et un fanfaron. N’est-il pas plus raisonnable de
reconnaître la différence qui existe entre l’être divin et l’être humain? Dieu seul
n’éprouve jamais de fatigue; mais l’homme, en qui se mélangent le bien et le mal, ne
peut échapper complètement à certaines faiblesses : en éviter l’excès, voilà où doivent
tendre les efforts du sage.
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