[7] Ἤδη δὲ ἐγὼ κατενόησα καὶ βαρβάρους ἀνθρώπους
ἐξ ἀμφοῖν τῶν ἀρίστων γενῶν, θεωρίαν μὲν ὑπεσχημένους,
καὶ κατὰ τοῦτο ἀπολιτεύτους τε καὶ ἀκοινωνήτους
ἀνθρώποις, ἅτε ἀΐξαντας ἑαυτοὺς ἐκλῦσαι τῆς φύσεως· καὶ
ἦσαν αὐτοῖς σεμναί τε ᾠδαὶ καὶ ἱερὰ σύμβολα καὶ τακταί
τινες πρόσοδοι πρὸς τὸ θεῖον· πάντα ταῦτα ἀποκόπτει
κατὰ τῆς ἐπιστροφῆς τῆς εἰς ὕλην· καὶ βιοτεύουσι χωρὶς
ἀπ´ ἀλλήλων, τοῦ μή τι χάριεν ἰδεῖν ἢ ἀκοῦσαι,
οὐ γὰρ σῖτον ἔδους´, οὐ πίνους´ αἴθοπα οἶνον·
καὶ περὶ τούτων ἄν τις εἰπὼν οὐ πόρρω βάλλοι τἀληθοῦς·
ἀλλ´ οὐδὲ οὗτοι μέντοι λαμπρῶς οὕτως ἐπαναστάντες
τῇ φύσει, καί, ὡς ἂν ἡμεῖς φαῖμεν, δικαιότατοι τυχεῖν ὄντες
τῆς ἀρίστης ζωῆς, ἀκμῆτες αὐτῆς ἀπολαύουσιν. ἀλλ´ ἐπανάγει
καὶ τούτους ἡ ἐπίκηρος φύσις, μικρὸν ἱδρυθέντας ἐν
τῷ μακαρίῳ τῆς οὐσίας αὐτῶν· καὶ οὐ δήπου πάντα ἑξῆς
τὸν χρόνον ἐπιπολῆς ἔχουσι τὸν νοῦν, καὶ ἐμφοροῦνται
τοῦ νοητοῦ κάλλους οἷς ποτε καὶ γέγονε προστυχές. ἀκούω
γὰρ ἐγὼ μηδὲ τούτοις ἅπασι παραγίνεσθαι τὸ τοιοῦτον,
ἀλλ´ οὐδὲ τοῖς πλείοσιν, ἀλλὰ καὶ τῶν ὀλίγων ἐλάττοσιν,
οἷς ἡ πρώτη τε ὁρμὴ γέγονεν ἔνθεος, καὶ μένουσιν ἐπ´ αὐτῆς,
ὅσον ἀνθρώπου φύσις χωρεῖ, πρὸς οὐδεμίαν ἀνθολκὴν
τῆς φύσεως μειλισσόμενοι.
πολλοὶ μὲν—γὰρ—ναρθηκοφόροι, παῦροι δέ τε βάκχοι·
οὐδ´ οὗτοι μέντοι διαρκῶς ἀνέχονται τῆς βακχείας, ἀλλὰ
νῦν μὲν ἐν τῷ θεῷ κεῖνται, νῦν δὲ ἐν τῷ κόσμῳ καὶ ἐν
τοῖς σώμασι, καὶ ἴσασιν ὄντες ἄνθρωποι, μικραὶ μερίδες
τοῦ κόσμου, καὶ ἔχοντες ἀποκειμένας ζωὰς ἐλάττους, ἃς
ὑποπτεύουσι καὶ προκαταλαμβάνουσιν, ὡς μὴ κινοῖντό τε
καὶ κατεξανίσταιντο. ἢ τί αὐτοῖς οἱ κάλαθοι βούλονται; καὶ
τὸ πλεγμάτια ἄττα μεταχειρίζεσθαι, εἰ μὴ πρῶτον μὲν
ἐν τῷ τότε ἦσαν ἄνθρωποι, τοῦτ´ ἔστιν ἐπιστροφὴν πρὸς
τὰ τῇδε πεποιημένοι; οὐ γὰρ δὴ θεωροῦσί τε ἅμα καὶ σοφίζονται
περὶ τὰ πλέγματα· ἔπειτα τὴν σχολὴν ὑφεωρῶντο,
ἧς ἡ φύσις ἡμῶν οὐκ ἀνέχεται, πολλὰς ἀρχὰς ἐνδιδοῦσα
κινήσεων. ἵν´ οὖν μὴ ἄλλο τι δρῷεν, ἀμφὶ ταῦτα ἔχειν νόμον
ἐν σφίσι πεποίηνται, καὶ ταύτῃ τὴν φύσιν προτρέπονται·
καὶ γὰρ δὴ καὶ ἥδονται τελεσιουργοῦντες, καὶ μᾶλλον ὅσῳ
πλείω τε καὶ καλλίω. δεῖ γὰρ ἡμῶν εἶναί τι καὶ περὶ τὰ
τῇδε· μὴ μέντοι τοῦτό γε ἰσχυρόν, ἵνα μὴ πλέον καθέλκῃ,
καὶ λίαν ἀντιλαμβάνηται. καίτοι τοῦ γε Ἑλληνικοῦ τὸ
βάρβαρον ἔνστασιν τηρῆσαι ῥωμαλεώτερον· ᾗ γὰρ ἂν
ὁρμήσῃ, σφοδρόν τέ ἐστι καὶ ἀνένδοτον· τὸ δὲ ἀστείως τε
ἔχει καὶ ἡμερώτερον κέκραται· ὥστε κἂν θᾶττον ἐκλύοιτο.
| [7] J’ai connu des hommes de race barbare qui savaient concilier à merveille les
deux genres de vie. Comme ils voulaient s’attacher surtout à la contemplation, ils
fuyaient le monde, ils se retiraient dans la solitude, pour se dégager, autant qu’ils le
pouvaient, des humaines nécessités; ils avaient des chants religieux, des symboles
sacrés, certaines règles pour s’approcher de Dieu. C’est ainsi qu’ils se préservent des
entrainements vers la matière. Ils vivent séparés les uns des autres, pour ne rien voir,
ne rien entendre qui puisse les divertir.
"Ni le pain ni le vin n’entrent dans leurs repas".
On pourrait leur appliquer ce vers sans se tromper beaucoup. Ils luttent
vaillamment contre la nature; ils sont tout à fait dignes, nous devons le reconnaître, de
la vie parfaite; et cependant ils n’en jouissent pas sans de pénibles efforts. A peine
commencent-ils à s’établir dans cet heureux état, que la nature vient les rappeler au
sentiment de leur faiblesse; car ils ne peuvent avoir l’esprit constamment tourné vers
les choses divines, ni contempler sans fin la beauté intelligible, si toutefois même il
leur est donné de la contempler. Car, assure-t-on, il n’est pas possible à tous, ni même
au plus grand nombre, de s’élever jusque-là : quelques-uns seulement y parviennent,
grâce à l’enthousiasme divin qui les a d’abord transportés; ils restent sur ces hauteurs
autant que le permet la nature, et ils résistent aux séductions qui les ramèneraient vers
la terre. "Bacchus n’inspire pas tous les porteurs de thyrse".
Mais pour les sages dont je parle l’inspiration de Bacchus n’est pas continuelle :
ils s’occupent tantôt de Dieu, tantôt du monde et de leur corps; ils savent qu’ils ne sont
que des hommes, c’est-à-dire de simples parcelles du monde, des êtres d’une
essence inférieure; se défiant d’eux-mêmes, ils cherchent à prévenir en eux les
mouvements et les révoltes de la matière. En effet, pourquoi se mettent-ils à tresser
des corbeilles, à fabriquer des nattes? C’est qu’à ces heures-là ils sont hommes, et
s’abaissent à des occupations toutes terrestres; car ils ne peuvent se livrer en même
temps à la contemplation et à des travaux manuels; ils se tiennent ainsi en garde
contre les dangers de l’oisiveté, cause des mouvements désordonnés de l’âme. Pour
ne pas s’abandonner à d’autres distractions, ils s’imposent donc cette tâche, ils y
mettent leur activité. Ils sont tout heureux quand ils ont pu façonner bon nombre de
gracieuses corbeilles. Il faut bien que nous donnions une partie de nous-mêmes aux
choses d’ici-bas; mais évitons de trop donner: ne nous laissons pas envahir et
subjuguer tout entiers. Les barbares se maintiennent dans leurs résolutions avec plus
de constance que les Grecs: une fois en marche, ils avancent d’un pas ferme et
persévérant; le Grec, au contraire, avec son caractère facile et doux, s’arrête assez vite.
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