[15a,61] Ἀριστόβουλος δὲ τῶν ἐν Ταξίλοις σοφιστῶν ἰδεῖν
δύο φησί, Βραχμᾶνας ἀμφοτέρους, τὸν μὲν πρεσβύτερον
ἐξυρημένον τὸν δὲ νεώτερον κομήτην, ἀμφοτέροις δ´ ἀκολουθεῖν μαθητάς· τὸν μὲν οὖν ἄλλον χρόνον κατ´ ἀγορὰν διατρίβειν,
τιμωμένους ἀντὶ συμβούλων, ἐξουσίαν ἔχοντας ὅ
τι βούλονται τῶν ὠνίων φέρεσθαι δωρεάν· ὅτῳ δ´ ἂν προσίωσι,
καταχεῖν αὐτῶν τοῦ σησαμίνου λίπους ὥστε καὶ κατὰ τῶν ὀμμάτων
ῥεῖν· τοῦ τε μέλιτος πολλοῦ προκειμένου καὶ τοῦ σησάμου μάζας ποιουμένους τρέφεσθαι δωρεάν· παρερχομένους δὲ καὶ πρὸς τὴν Ἀλεξάνδρου τράπεζαν, παραστάντας δειπνεῖν {καὶ} καρτερίαν διδάσκειν, παραχωροῦντας εἴς τινα τόπον πλησίον, ὅπου τὸν μὲν
πρεσβύτερον πεσόντα ὕπτιον ἀνέχεσθαι τῶν ἡλίων
καὶ τῶν ὄμβρων (ἤδη γὰρ ὕειν ἀρχομένου τοῦ ἔαρος),
τὸν δ´ ἑστάναι μονοσκελῆ ξύλον ἐπηρμένον ἀμφοτέραις
ταῖς χερσὶν ὅσον τρίπηχυ, κάμνοντος δὲ τοῦ σκέλους ἐπὶ θάτερον μεταφέρειν τὴν βάσιν καὶ διατελεῖν
οὕτως τὴν ἡμέραν ὅλην· φανῆναι δ´ ἐγκρατέστερον
μακρῷ τὸν νεώτερον· συνακολουθήσαντα γὰρ μικρὰ
τῷ βασιλεῖ ταχὺ ἀναστρέψαι πάλιν ἐπ´ οἴκου, μετιόντος τε αὐτὸν κελεῦσαι ἥκειν εἴτου βούλεται τυγχάνειν·
τὸν δὲ συναπᾶραι μέχρι τέλους καὶ μεταμφιάσασθαι
καὶ μεταθέσθαι τὴν δίαιταν συνόντα τῷ βασιλεῖ·
ἐπιτιμώμενον δ´ ὑπό τινων λέγειν ὡς ἐκπληρώσειε τὰ
τετταράκοντα ἔτη τῆς ἀσκήσεως, ἃ ὑπέσχετο, Ἀλέξανδρον δὲ τοῖς παισὶν αὐτοῦ δοῦναι δωρεάν.
| [15a,61] Aristobule raconte comment il lui fut donné de voir deux des
philosophes de Taxila, Brachmanes l'un et l'autre : le plus âgé avait la
tête rasée, le plus jeune au contraire portait les cheveux longs. Tous
deux avaient à leur suite un certain nombre de disciples. Ils se tenaient
habituellement sur la place publique, où chacun les saluait comme des
oracles vivants, les laissant libres de prendre sans payer ce qui leur
plaisait parmi les denrées exposées. Tout marchand de qui ils
s'approchaient leur versait sur la tête de l'huile de sésame avec une
profusion telle qu'il leur en coulait jusque dans les yeux, après quoi il
leur laissait prendre aussi généreusement de son miel et de sa sésame ce
qu'il leur fallait pour en faire les espèces de gâteaux dont ils se
nourrissent. Il leur arriva de se présenter à la table du roi Alexandre,
d'y prendre place et de manger avec lui ; puis on les vit s'écarter en un
lieu voisin, pour se livrer à leurs exercices de patience, et là le plus
âgé des deux, se couchant à terre sur le dos, demeura bravement exposé au
soleil et à la pluie (on était à l'entrée du printemps et les premières
pluies tombaient déjà), tandis que le plus jeune se tenait debout sur une
jambe élevant en l'air de ses deux mains une longue perche qui pouvait
avoir trois coudées, et, quand il se sentait fatigué, changeant de jambe
ou de point d'appui et passant ainsi la journée tout entière. Des deux
brachmanes ce fut le plus jeune qui se montra de beaucoup le plus rigide ;
car, après avoir suivi quelque temps le Roi, il s'empressa de regagner sa
résidence habituelle, et, quand on vint plus tard de la part du Roi le
mander de nouveau, il répondit que le Roi n'avait qu'à se rendre auprès de
lui s'il avait quelque chose à lui demander. L'autre, au contraire, ne
quitta plus Alexandre, et il se transforma dans sa compagnie, changeant
son costume et sa manière de vivre, et à ceux qui l'en blâmaient il se
contentait de répondre qu'il avait accompli les quarante années
d'exercice, durée de son engagement. Alexandre lui en sut gré et combla
ses enfants de bienfaits.
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